Moqué, raillé, détourné, méprisé, le tuning ou l’art « d’accorder » (le sens premier du verbe anglais « to tune ») et d’utiliser de manière très personnelle sa voiture, est devenu un phénomène autant esthétique que social. Des émissions de télé sont entièrement consacrées à l’art (on parle même d’art) du tuning… Historique, le tuning apparaît dans les années trente avec le développement et l’émergence de l’industrie automobile aux États-Unis. Les premières voitures « tunées » sont les fameuses Ford T, les Hot Rods qui donnent naissance au Taylorisme. À partir des années 1970, le tuning se développe de manière étonnante et imposante dans les milieux hispaniques californiens et plus récemment chez les fans de musique rap. C’est donc un phénomène qui prend sa source dans l’affirmation communautaire des minorités ethniques américaines…

Prenant à la lettre le thème de cette 9e Biennale de Saint-Étienne, « Les sens du beau », l’exposition présentée par le Musée d’Art et d’Industrie cherche à rapprocher le design et le tuning, deux démarches esthétiques que la force des clichés voudrait opposer. Or le tuning interroge d’une manière déconcertante la relation à l’objet dans les sociétés post-industrielles. À la lumière du tuning, il s’agira donc de reconsidérer la question du beau et de pointer certaines limites de la culture matérielle, à commencer par celle qui vise à la segmenter en compartiments étanches. Entre design et art contemporain, et par le recours à l’objet « tuné », à la vidéo, à l’installation, à la photographie, au graphisme, à la mode, etc., cette exposition conçue par le Post-diplôme Design et recherche de l’ESADSE, en lien avec l’excellente revue Azimuts, montre le tuning au sens le plus étendu du terme qui finit par inclure certaines formes de design, comme autant d’espèces vivantes de la culture matérielle contemporaine. Et si le tuning était une forme décomplexée et exubérante du design… ?

Musée d’Art et d’Industrie – Saint-Etienne Jusqu’au 15 juin