Sexion d’Assaut connaît avec Saint-Étienne une histoire déjà longue… Tout a commencé il y a un peu plus de deux ans, lorsque le maire de Saint-Étienne, interpellé par des associations œuvrant dans le militantisme gay et lesbien, demande l’annulation de leur concert qui devait être donné dans le cadre du Festival Paroles et Musiques. L’objet du débat : une chanson composée au tout début de la carrière du groupe (au début des années 2000) qui prône la violence contre les homosexuels. Depuis, le groupe a entamé une vraie démarche de dialogue avec différentes associations afin d’évacuer tous les doutes nés également d’une interview que Lefa, membre du groupe, aurait donné dans un Fanzine Rap, dans laquelle il fait état de son aversion envers les pratiques homosexuelles. Depuis, tout est rentré dans l’ordre. Le groupe a vendu plus de 400 000 exemplaires de «L’école des points cardinaux» et son dernier album, « L’apogée » sorti l’an dernier a allègrement dépassé les 700 000 ventes, un record ! Le groupe a même signé une convention en bonne et due forme avec la fédération française des centres LGBT…

Jusqu’à il y a quelques jours où un autre de ses membres, Barack Adama, vient d’être condamné pour diffamation envers la fameuse journaliste auteure de l’interview, Nathalie Sorlin, qui déclencha la tempête médiatique. Cette condamnation, si elle rétablit l’honneur bafoué d’une journaliste, B. Adama l’avait accusé de mensonge, ne devrait certainement pas diminuer l’enthousiasme débordant des fans stéphanois ou ligériens du groupe. Cette nouvelle affaire judiciaire montre bien le statut particulier du « Rap » en France. Aucun autre courant musical n’aura suscité autant de polémiques ces dernières années. Entre les tenants d’une droite populaire dénonçant les propos injurieux de cette musique du diable, certains manipulateurs de gauche défendant une fausse liberté d’expression un peu « sauvageonne », le Rap n’a jamais laissé personne indifférent, ce qui suffirait à justifier sa crédibilité. Mais il est un autre ouvrage, intitulé « L’effroyable imposture du Rap » qui ne manque actuellement pas d’occuper l’espace médiatique. Dans cet ouvrage, l’auteur Matthias Cardet, rappeur old school, dénonce la manipulation qui a accompagné l’avènement de ce courant musical majeur.

Pour faire simple, l’auteur avance que le Rap aurait été créé, imaginé et marketé aux États-Unis à la fin des années 70, par toute la mouvance réactionnaire Américaine (CIA, gouvernement, église…) afin de contrer les revendications raciales, sociales et politiques du mouvement noir. L’idée aurait été d’abrutir, grâce à la futilité du Rap Game (gagner beaucoup d’argent et l’afficher notoirement tout en jouant les faux rebelles), le mouvement issu du Black Power pour mieux le pervertir. L’intégralité de l’économie (maisons de disques et radio) étant générée par le Rap étant aux mains des Blancs conservateurs. M. Cardet montre ensuite que le système aurait été dupliqué en France, via notamment Jack Lang et une partie de l’appareil d‘État, pour museler la révolte naissante des « Beurs » au début des années 80. Enfin, l’auteur pointe la responsabilité du Rap, des rappeurs, des radios, des labels et des majors compagnies complices, dans l’abrutissement général qui caractérise nombre de jeunes des cités… Si on n’est pas obligé d’adhérer à l’ensemble des thèses de M. Cardet, cet ouvrage a le mérite de mettre en lumière la dimension sociologique et politique d’un mouvement artistique majeur, puisque ses influences ont dépassé le seul milieu musical. Une approche qui se défend.
Zénith de Saint-Étienne
vendredi 12 avril à 20 h 30