Outre la forte majorité qu’elle offre au Parti socialiste, qui aura donc les mains libres pour appliquer pleinement son programme politique et peu d’excuses en cas d’échec, l’élection législative a permis à la France de franchir un cap timide mais ô combien essentiel, celui de la diversité. On sait combien il est difficile pour un Français dit de souche de mesurer l’importance de cette visibilité de la diversité de la nation au sein même de ses assemblées représentatives (or à ce jour, le Sénat reste complètement fermé à toute forme de diversité…). En effet, il ne s’agit là que de symboles, la réalité de cette France plurielle s’exprimant plus facilement et plus naturellement dans notre quotidien. Soit. Même si toute comptabilité sur les origines ethniques reste interdite en France, on estime à, plus ou moins, 10% de la population, le nombre de Français constituant cette fameuse diversité, on parle ici des Français noirs de peau, originaires du Maghreb ou asiatiques. Avant ces dernières élections législatives, ces 10 % de la population nationale n’avaient donc aucun représentant au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Une démocratie saine implique la représentativité de l’ensemble de ses composantes, qu’elles soient religieuses, ethniques ou professionnelles. C’est cette même représentativité qui permettra à une jeunesse, parfois égarée, de voir en ces symboles des exemples de réussite mais aussi d’implication. Des symboles comme témoins d’un champ des possibles en quelque sorte. À ce jour, les seuls modèles de réussite qu’on offrait à cette jeunesse résidant pour sa majorité dans des quartiers dits difficiles se concentraient exclusivement dans le sport ou la musique. Rares étaient les exemples de réussite dans le monde des affaires ou de la politique. Pour ce faire, il aura fallu que l’éducation nationale prenne enfin conscience de ses propres responsabilités. Aussi l’action engagée il y a quelques années déjà, par Sciences Po Paris, qui a ouvert, à l’initiative du regretté R. Descoings, sa sélection à certains élèves issus de lycées dits de banlieue, a permis un appel d’air que d’autres établissements d’enseignement supérieur ont, à leur tour, saisi. Il faut toujours garder en tête que, dans la construction personnelle et intellectuelle, les enfants ou les plus jeunes adultes ont nécessairement besoin de figures référentes ou d’exemples à suivre, aussi bien au sein même de la cellule familiale que dans un environnement plus général.

En s’interdisant toute ouverture à cette diversité, les deux chambres du pouvoir législatif français montraient clairement leur hostilité, volontaire et assumée, à toute forme de partage du dit pouvoir. Quel plus fort message d’exclusion pouvait-on adresser à ces milliers de jeunes qui, quotidiennement, s’interrogent à la fois sur leur avenir mais aussi leur éventuelle place au sein de la société…Il aura donc fallu attendre plus de deux générations, en admettant que le gros de l’immigration maghrébine et subsaharienne se soit produit entre les années 50 et 80, pour qu’enfin nos hommes politiques comprennent cette nécessaire prise en compte. Deux générations, c’est à la fois long, pour ceux qui vivent cette injustice et court, si l’on se compare à d’autres pays encore plus réactionnaires (comme le Royaume-Uni). Il aura fallu attendre plusieurs générations de descendants d’esclaves africains pour que les États-Unis d’Amérique aient un président métis (même si celui-ci n’est pas issu de cette histoire)… Il faut savoir laisser le temps au temps…et reconnaître que d’autres pays, dont certains ont fourni des vagues d’immigration, pourraient, à leur tour, prendre exemple sur nous…

Enfin, il n’est pas anodin de constater également que la poignée de ces nouveaux élus de la diversité (ils seront 8 exactement à siéger à l’Assemblée) le sont tous du fait de la gauche. Malgré le bluff de Sarkozy en 2007 (Amara, Yade, Dati…), c’est bien cette droite qui n’offre aucune visibilité ni place à ces enfants d’immigrés français. Comment peut-on rester aussi aveugle face à l’histoire ? Comment peut-on ainsi bafouer le vent de l’histoire, au nom non seulement d’un conservatisme d’un autre âge mais surtout d’une volonté assumée de non-partage du pouvoir. C’est le lot de toutes les élites de vouloir préserver à jamais leur pouvoir. C’est aussi ça, la droite conservatrice…