L’assassinat du fils de José Anigo, Adrien, abattu en pleine journée au cœur du 13e arrondissement, sera-t-elle la goutte qui fera déborder la vase marseillaise ? Rien n’est moins sûr. Adrien Anigo a-t-il payé pour ses inconséquences de jeunesse, quelques braquages à mains armées dont un avec une voiture louée pour le compte du club marseillais (ce qui en disait long sur son intelligence) ou pour des raisons plus obscures, liées à la position de son père au sein du club marseillais, et de son rôle clé dans les multiples transferts de joueurs et d’argent liés au club ? L’enquête de police le révélera, ou probablement pas… Avec 15 assassinats depuis le début de l’année, la cité phocéenne est en train de ravir le prix de l’extrême violence à l’île de Beauté que l’on aime tant. Mais, nous pouvons compter sur les Corses pour se ressaisir avec la récente ouverture de la chasse…

Comment expliquer une telle dérive mafieuse de cette ville qui devait profiter de sa qualité de Capitale Européenne de la Culture pour devenir la Capitale Méditerranéenne de l’Europe… Près d’un milliard d’euros aura été investi pour embellir culturellement la cité phocéenne : 170 millions d’euros pour le seul Mucem (un projet porté au départ par le Ministère de la Culture du gouvernement Sarkozy), 70 millions pour la Villa Méditerranée, joujou du socialiste Michel Vauzelle (le premier édifice cachant le second de la mer, le second cachant le premier de la terre – Comment a-t-on pu construire deux monuments aussi près l’un de l’autre ???), 80 millions pour la rénovation du Vieux Port de Marseille redevenu pratiquement piéton, 22 millions pour le bâtiment accueillant le Frac de Marseille, 275 millions pour la rénovation du Stade Vélodrome, 45 millions pour une patinoire pharaonique (on croit rêver, une patinoire à Marseille alors que la ville manque cruellement de piscines dignes de ce nom), 30 millions pour la création du Silo, une salle de concert située sur les Docks, 30 millions pour la rénovation du Palais Longchamp (devenu musée des beaux-arts), 3 millions d’euros pour la rénovation de l’Opéra, 120 millions d’euros pour la transformation de l’Hôtel-Dieu en Hôtel Intercontinental de luxe 5 étoiles… Autant de lieux certainement nécessaires mais exclusivement situés dans le périmètre restreint du centre-ville.
Incontestablement, cette rénovation légitime de la Cité Marseillaise a porté ses fruits et permis d’attirer tout l’été un flux impressionnant de touristes français et internationaux. Il suffisait d’errer dans le centre-ville pour vérifier ce vrai succès touristique (au détriment d’Aix en Provence d’ailleurs), d’autant que la ville, il y a quelques années encore, faisait fuir les touristes par manque d’infrastructures, de sécurité et d’ambition également. Mais rares étaient, parmi ces visiteurs, « de vrais Marseillais », les véritables laissés pour compte de cette rénovation urbaine. En effet, si la ville a massivement investi sur ses infrastructures culturelles et touristiques en centre-ville, elle a, une nouvelle fois, complètement délaissé sa « politique de la ville » en direction des quartiers excentrés, notamment ses fameux quartiers Nord (mais pas que), ignoré le désenclavement des quartiers périphériques (ni le nouveau tramway ni l’ancien métro ne desservent ces fameux quartiers) et zappé toute ambition économique ou industrielle. Lorsqu’on sait d’une part que dans certains quartiers, le taux de chômage des moins de 30 ans atteint près de 70 % et d’autre part près de 30 % des Marseillais vivent en dessous du seuil de pauvreté (un taux record pour une grande ville française) et qu’un jeune sur quatre est en échec scolaire, il ne faut plus s’étonner des résultats constatés ces jours derniers : Malgré les renforts de police, le trafic de drogue ne s’est jamais aussi bien porté d’où ces règlements de compte successifs symboles d’une recomposition du milieu marseillais (avec l’émergence de nouveaux petits barons issus des quartiers affrontant le traditionnel milieu Corse).

N’oublions pas, pour restituer un tableau encore plus réaliste, la dissolution il y a quelques mois de la BAC (brigade anti criminalité) Nord (pour faits de corruption), la condamnation à trois ans de prison dont un ferme de Sylvie Andrieux, élue du parti socialiste desdits quartiers Nord, pour détournement de fonds publics à des fins clientélistes et la mise en examen (trois au total pour corruption passive, trafic d’influence et participation à une association de malfaiteurs !) de Jean-Noël Guérini, président socialiste du conseil général des Bouches du Rhône. Ce dernier eut l’outrecuidance de participer, et donc d’être invité, à la réunion préfectorale dans le cadre d’un pacte national, une bien belle fumisterie lancée par Manuel Valls…