Depuis ce nouveau siècle, Fiers Faccini est sans doute le plus bel exemple d’une culture musicale européenne ouverte, intelligente et intelligible. Sa musique explose les frontières, les langues, les rythmes. L’artiste vit en toute sérénité quelque part dans les Cévennes, et poursuit une carrière pluridisciplinaire sans aucune fausse note. Nous vous invitons fortement à vous plonger dans son univers déroutant. Rencontre :

Vous avez passé une partie de votre éducation au célèbre collège d’Eton (GB) : Vous reste-t-il quelque chose de cette éducation ?

Il m’est difficile de répondre à votre question puisque j’ai été viré de cette école…!

Vous avez fait les Beaux-Arts à Paris : Qu’en est-il de votre activité picturale ou sculpturale ?

Je continue à mon rythme même s’il est plus lent qu’avant, avec le nombre de concerts et de voyages. Ma dernière expo s’est déroulée au musée PAB à Ales en 2014. Je continue à peindre et à travailler sur des choses plus graphiques autour de la musique. Je réalise aussi des vidéos en animation.

C’est dans ces années étudiantes que vous rencontrez, je crois, Vincent Ségal, avec qui vous avez enregistré un album récemment : Que retenez-vous de cette période aux Beaux-Arts ?

Oui c’est vrai, mon amitié avec Vincent remonte à cette époque. Nous nous connaissons et jouons de la musique ensemble depuis 27 ans ! C’était une période très libre, faite d’expérimentations et riche en rencontres ; un moment plus innocent à cette époque que pour un jeune étudiant du 21ème siècle, c’est plus dur aujourd’hui, je le crains.

Vous enregistrez votre premier album en 2004, « Leave no trace » : Dans quel état d’esprit avez-vous vécu ce premier album ?

Je pensais que ce serait mon premier et mon dernier album, je le voyais comme une parenthèse entre expos de peintures et une carrière de peintre. La vie en a décidé autrement et c’est très bien au fond. Cet enregistrement a été réalisé en 5 jours seulement, ce fut magique, tout s’est passé mieux que je l’espérais.

JP Plunier, producteur de Ben Harper, produit votre second album : Comment s’est réalisée cette rencontre ?

Il m’a entendu jouer à Los Angeles en 2005 au Knitting Factory, il a adoré et on a parlé ensemble après le concert. Le feeling entre nous est bien passé, ce petit disque en est la preuve, je crois !

 Que vous apporte cette collaboration ?

JpP est un maître de bon goût, c’est un Jedi du disque, un vrai old school réalisateur, il avait une vision très précise de la couleur du disque, du son et, heureusement, nous étions en phase totale, cette alchimie est cruciale.

Vous avez joué quelques premières parties pour Ben Harper, l’occasion de vous produire devant des milliers de personnes : Vous sentiez-vous à votre place ?

Si j’ai décidé de me produire sur scène, c’est que j´ai voulu et accepté la possibilité que des gens puissent m’entendre et ensuite aimer ou pas. J’ai eu de la chance pour la plupart, ils ont aimé.

La reconnaissance du grand public suit votre 3e album, « Two grains of sand » : Cela vous rassure ?

Ça m’a surtout touché ! J’en suis encore très reconnaissant.

Vous avez la chance d’avoir été un émigré en France : Comprenez-vous le débat actuel qui stigmatise les émigrés ?

Je me sens comme un étranger perpétuel, et c’est un état qui me convient. Je réside en France et c’est un pays et une culture que j’aime et que je respecte beaucoup. On y est encore libre. Je viens de grands-parents migrants, tous sont venus en Angleterre, d’Italie, d’Irlande et de Pologne. Ma position sur l’immigration, les réfugiés et les migrants est transparente par rapport à mon histoire familiale et à ma démarche autour du nouvel album. J’invite vos lecteurs à se rendre sur mon site, idreamedanisland.com, cela leur donnera sans doute une idée plus développée de mon travail, de mes inspirations et de mes positions…

Vous chantez en Napolitain notamment : Que vous apporte cette langue ?

Chanter en dialecte me donne un instrument en plus comme avec les deux autres dialectes que je chante, le Salentino et le Palermitano, sur le nouvel album. Ce sont encore d’autres couleurs, d’autres possibilités d’élargir ma palette musicale.

Comment faire une chance d’un multiculturalisme subi ou non choisi ?

Ça doit être mon français, je ne comprends pas vraiment votre question et le mot ‘subi’

Le multiculturalisme est, point barre, nous l’avons toujours été, multiculturels, il suffit de se plonger dans l’histoire !

Que reste-t-il d’anglais chez vous ?

La langue, l’humour, mes vieux amis, le melting-pot londonien.

Que reste-t-il d’italien chez vous ?

La meilleure bouffe du monde, l’amour, la famille, le rire, la musique !

En quoi vous sentez-vous français ?

Au final je ne me sens ni anglais, ni italien, ni français. L’identité nationale ne m’intéresse pas vraiment. Je suis un être humain, la terre est mon pays !

Vous prônez, dans vos musiques notamment, un net penchant pour la Méditerranée : Comment l’expliquez-vous ?

La réponse à cette question serait trop longue, je préfère que vos lecteurs visitent mon blog : Idreamedanisland.com

Parfois, il vous arrive de construire vos propres instruments : Une résurgence de votre passé de plasticien ?

Oui, notamment avec l’aide d’un luthier, Michel Cassan et une guitare qui peut jouer en quarts de ton !!

Vous vivez dans les Cévennes : Qu’est-ce qui vous attire là-bas ?

La lumière, le rythme des saisons, les bons produits locaux et bios, la lenteur, l’air pur, un environnement sain et calme pour élever des enfants ainsi qu’un studio inspirant, calme et toujours disponible.

Vous avez eu la même maison de disques, Tôt ou Tard, que Gian Maria Testa, disparu lui aussi : Vous sentiez-vous des affinités avec lui ?

Gianmaria était un ami, je l’admirais beaucoup. Sa poésie me manque beaucoup.

Qu’est-ce qui vous inspire pour vos textes ?

Life !!! Quoi d’autre ? L’inspiration n’est pas une liste qu’on peut rédiger comme on ferait pour ses courses. Chaque moment est une graine qui peut porter fruit ou pas.

Comment choisissez-vous de chanter dans telle ou telle langue ?

Je ne choisis pas, c’est la chanson qui décide quand et comment elle me visite. Un créateur ne décide rien vraiment, il met simplement en place un processus ou la chose (chanson, poème, peinture..) apparaît spontanément. Voici son travail.

On a pu entendre une de vos chansons diffusée dans une grande série américaine « Grey’s Anatomy » : Est-ce confortable pour un artisan comme vous ?

Cela m’est arrivé en effet plusieurs fois, mes chansons ont déjà fait partie de soundtrack pour des films ou des séries télé. C’est toujours un peu étrange de voir sa chanson dans ce genre de contexte mais pas désagréable ! Récemment, j’ai chanté et coécrit deux chansons pour le prochain film de Cedric Klapisch.

Avez-vous encore des rêves en tant que musicien ?

Oui le rêve est le moteur de l’imagination. Sans ça, il n’y a pas d’art.

Vos prochains projets ?

Un livre pour enfants avec Actes Sud, une nouvelle compilation sur mon label Beating Drum, un deuxième livre-disque de reprises (Songs I Love Vol 2), un deuxième disque du projet Yelli Yelli que je réalise, joue et coécris et certainement encore d’autres nouveautés sur le label Beatingdrumrecords.com.