Pauline Vial-Bonnacci nous a conquis avec son court-métrage  « Le Syndrome des Cœurs Brisés / TAKOTSUBO ». Ce film évoque un sujet grave, le viol conjugal, mais aussi la souffrance le plus souvent silencieuse de celles qui en sont victimes. Le sujet est abordé avec force, sensibilité, mais aussi avec des qualités esthétiques remarquables. Tout cela nous a donné envie d’en savoir plus et de le partager avec vous !

Pouvez-vous nous parler un peu de vous ?

Je m’appelle Pauline Vial-Bonacci, je suis Stéphanoise. J’ai fait un bac théâtre, une prépa cinéma, puis, suite à des soucis de santé j’ai dû arrêter le théâtre et me suis redirigée dans la vente. Il y a 2 ans j’ai écrit un livre que j’ai finalement transformé en scénario. De là est né « Le Syndrome des Cœurs Brisés / TAKOTSUBO ». J’ai arrêté la vente et me suis remise à fond dans le cinéma et le théâtre.

Vos passions ne se limitent pas qu’au cinéma. Le théâtre, la danse, l’écriture, la photographie… Qu’est-ce qui vous inspire d’une manière générale ?

Je trouve mon inspiration dans mon quotidien : mes relations, dans l’amour, les difficultés que j’ai vécues ou que je vis mais aussi la sensibilité que j’ai pour la beauté de la nature… Mais généralement c’est mon cœur et mes tripes qui parlent. C’est vraiment dans le ressenti.

Peut-on évoquer la genèse de votre court-métrage « Le Syndrome des Cœurs Brisés / TAKOTSUBO » et nous en raconter le propos ?

Pendant la période du Covid, j’ai beaucoup réfléchi à la vie, à ce qui nous entoure, et je me suis mise à écrire 200 pages en deux semaines. Je l’ai proposé à quelques éditeurs, l’un en particulier était intéressé mais il m’a demandé de retravailler le livre. Vu que je voulais avoir des images pour ma bande démo j’ai décidé d’écrire un scénario tiré de mon livre. J’avais une vraie rage de parler du viol conjugal et du consentement et pour moi c’était important d’en faire un film afin d’alerter, sensibiliser et éveiller les consciences.

Le film porte sur le viol conjugal et le consentement. C’est l’histoire d’Alix, une jeune femme qui est piégée dans une relation toxique. J’avais envie de montrer pourquoi les personnes subissant des violences ne pouvaient ou n’arrivaient pas à partir. Montrer que ça n’était pas si simple.

Takotsubo est un vrai symptôme étudié par la médecine ? Vous avez par ailleurs gardé des titres de chapitres Japonais, pourquoi ?

Oui Takotsubo signifie en français « le syndrome du cœur brisé » qui touche neuf femmes pour un homme. Il est provoqué par une situation de stress aigu, après un événement dramatique notamment. Je ne suis pas médecin je ne pourrais pas vous en dire plus en revanche haha 🙂

Si j’ai choisi ce titre c’est pour plusieurs raisons. Je trouvais que ce syndrome correspondait parfaitement à la douleur ressentie lors d’une rupture. Vous savez quand vous aimez tellement une personne et que votre cœur se brise en milles morceaux, parfois la douleur devient physique et on sent littéralement son cœur faire mal. Ensuite, lorsque j’écris, j’écoute Nekfeu, un rappeur. Il m’inspire énormément, et dans son dernier album il a sorti un son qui s’intitule « Takotsubo ». Quand j’ai cherché la signification j’ai trouvé que ce mot sonnait parfaitement pour l’un de mes écrits.

J’ai gardé des titres japonais dans mon film en référence à mon livre où tous les titres sont en japonais. Je trouve que leur langue est parfaite pour désigner une situation ou une ambiance, un ressenti… Par exemple ils ont un mot pour chaque situation : amour à distance, amour éternel, amour fraternel, amour non partagé, amour secret, amour platonique, amour passion, amour naissant etc.

Pourquoi selon vous le viol conjugal, les violences sexuelles… sont encore aujourd’hui des sujets trop peu abordés ou encore tabous ?

Ce sont des sujets trop peu abordés dans le sens où lorsque l’on parle de viol, la majorité de la population va penser à une femme qui marche la nuit dans la rue et qui se fait agresser par des hommes, or, ce n’est pas QUE ça. C’est grâce à « Balance ton porc » que j’ai découvert que, non, ce n’est pas parce que l’on est en couple que l’on doit se forcer, faire son devoir conjugal, accepter tout et surtout que, oui il est possible que l’on puisse être agressé par son compagnon/compagne ou ami.e.s. Il y a beaucoup de gestes et de situations anormales qui sont banalisés. C’est très grave. À l’école on ne nous parle pas de ça.

Ça reste encore très tabou car, en gros, on nous dit de nous taire. C’est très compliqué de porter plainte contre son agresseur et si on décide de le faire, il y a très peu de chance pour que l’agresseur soit inculpé. Il y a toujours trop de doutes envers les victimes : « pourquoi elle porte plainte que maintenant », « elle ment », « c’est sa parole contre la sienne », « elle a pas de preuve ». C’est décourageant et surtout inadmissible. Les choses devraient changer. Tout le monde mérite une vraie justice.

Et puis il y a les situations encore plus délicates de femmes en couple avec leur agresseur, et là c’est l’enfer : « elle avait qu’à dire non », « elle avait qu’à partir », « si elle se fait manipuler c’est qu’elle est bête »… sauf que ce n’est pas si simple, il y a beaucoup de manipulations derrière, physique et surtout mental. Les victimes ne s’en rendent pas forcément compte et ça ne veut pas dire qu’elles sont stupides, simplement qu’elles se font manipuler. Et si certaines victimes portent plainte des années plus tard c’est parce qu’elles n’ont pas réalisé ce qu’il leur est arrivé avant. Parfois le cerveau préfère effacer des souvenirs trop violents. Ces souvenirs ne ressortent alors que des années après. Les victimes ont été conditionnées pour qu’elles se taisent, on leur a fait croire que ça n’était pas grave ou pire que c’était de leur faute. Et surtout, si on ne parle pas de ce qui est OK et pas OK, de ce qui est correct de faire ou de ne pas faire, comment savoir quand dire stop ? Comment savoir où est le bien ou le mal si on ne nous l’a pas enseigné ? Je suis ravie du compte instagram de @orgasme_et_moi qui en parle et qui fait bouger les choses.

Des projets à venir ?

Oui je suis en train d’écrire une pièce de théâtre « J’ai perdu mon corps » qui parle du stress post-traumatique engendré par un viol. C’est l’histoire d’une jeune femme à la quête de son corps, elle lui parle tout le long de la pièce dans l’espoir de comprendre ce qui lui est arrivé et de récupérer son corps. J’espère pouvoir le monter et le jouer d’ici 2024. Il faut que je trouve un metteur en scène, une compagnie chez qui je puisse le jouer.

En parallèle je suis en train de faire une série de photographies illustrées de poèmes. J’aimerais pouvoir les exposer afin d’alerter sur les dangers et surtout le nombre important d’agressions que l’on peut subir en ville, à l’école, chez des médecins, dans les transports… J’ai beaucoup discuté avec des ami.e.s et c’est impressionnant à quels points les violences sexuelles, agressions, attouchements sont présents, mais personne n’en parle.

Grâce à mon film, j’ai beaucoup de personnes qui se sentent en confiance et se confient. Je suis très touchée par ces démarches mais je suis surtout en colère d’entendre tous ces témoignages. J’ai envie de faire bouger les choses, à mon échelle bien entendue.

Où peut-on voir ce film ?

Concernant le film, nous allons le présenter à une vingtaine de festivals en France courant 2024, restez connectés sur mon instagram pour en savoir plus !

Nous avons une diffusion :

– le 30 novembre à 20h au cinéma d’Aurec sur Loire, suivi d’une soirée débat avec l’Association AISPAS (association interprofessionnelle de soins et de prévention des abus sexuels). Mon film sera en première partie du film de Vanessa Filho « Le Consentement »

– le 14 décembre à 19h au cinéma Le Méliès St François suivi d’un débat de 30 minutes.

J’ai deux autres diffusions dans des associations mais j’attends encore confirmation. J’aimerais également pouvoir le diffuser à Lyon et à Paris afin de me faire connaître un peu plus en tant qu’actrice et auteure. J’aimerais enfin le diffuser dans les lycées, les associations des villes de France pour sensibiliser sur ce sujet encore tabou.

Un mot pour conclure ?

Cher.e.s tout.e.s,

Partagez en masse le film sur les réseaux. C’est dur de percer, et c’est aussi dur de vouloir faire bouger les choses. J’aimerais me faire connaître pour mes engagements et pour mon travail. Un commentaire, un re-partage, c’est peut-être anodin mais pour moi c’est énorme. J’ai l’amour du cinéma et un besoin de crier. J’allie les deux dans mon travail. Aidez-moi à crier au nom de tous et toutes et à pouvoir vivre de ce que j’aime.

Avec tout mon amour, ma rage et ma passion,

Pauline