Le directeur du Théâtre du Parc à Andrézieux Bouthéon est assurément un homme passionné. Mais d’autres adjectifs pourraient également qualifier son tempérament. Enthousiaste par exemple, car dès qu’il aborde sa, ou plutôt ses missions au sein de son théâtre, il émane de lui une énergie très

communicative. Volontaire également. Car la culture, pour lui, ce n’est pas qu’une vitrine, c’est un engagement. Exigeant, parce que proposer des spectacles c’est susciter des émotions, mais aussi se laisser surprendre et élargir ses horizons. Militant enfin, car la culture peut être un acte politique et social. Nous lui avons posé quelques questions afin d’en savoir plus sur les actions menées au sein du Théâtre du Parc et faire un peu mieux connaissance !

Quelques mots sur votre parcours ?

Cela fait 20 ans que je travaille dans le secteur artistique et culturel. J’ai commencé mon parcours au sein d’une compagnie de théâtre, à l’époque des emplois jeunes, qui me permettait de me former artistiquement auprès de comédiens, et de découvrir tous les métiers attenants. Je suis passé par la coordination culturelle à Chassieux puis j’ai dirigé le Neutrino également dans l’Est lyonnais, une salle de 100 places où j’ai fait mes premières armes en programmation. Cela fait 8 ans maintenant que je suis directeur du Théâtre du Parc.

Vous témoignez d’un fort engagement culturel. Comment cela se traduit-il au quotidien ?

Il se traduit à 4 niveaux. Tout d’abord au sein du Théâtre du Parc au quotidien. C’est mon travail si je puis dire. C’est un théâtre municipal, je suis donc salarié de la ville d’Andrézieux Bouthéon. J’y ai une grande liberté de programmation qui fait que j’oriente l’action culturelle selon les valeurs que je peux porter, notamment ouvrir les portes au plus grand nombre ! On va donc régulièrement sur le terrain, comme en septembre dernier avec notre projet de danse avec la compagnie Contrepoint. C’est une forme de militantisme que de ne pas rester sur ses acquis et dans sa zone de confort. Le deuxième niveau se trouve au sein de l’association Loire en scène pour faire des projets collaboratifs avec différents acteurs, que ce soit la saison des Matrus, les vitrines professionnelles, la saison des créations ou tout ce qui est lieu de ressources pour les uns et les autres. Pour le troisième niveau, je suis adhérent du groupe des 20, en Auvergne – Rhône-Alpes. C’est un réseau de 25 théâtres qui est assez actif dans la région. Nous sommes localement 2 théâtres, il y a la Ricamarie et Andrézieux qui sont adhérents. Après une sélection, certains projets sont soutenus par des partenaires. Pour ma part, j’emmène des compagnies ligériennes et j’essaye de défendre leurs projets. C’est un lieu d’échange et de soutien également, car au fond, nous sommes assez isolés dans nos structures. Le quatrième niveau enfin est national. Le théâtre est adhérent au SNSP, le Syndicat national des Scènes Publiques. On est ainsi à l’écoute de ce qui se passe au niveau national et on renforce par notre présence en tant qu’adhérent les décisions qui sont prises parfois à un haut niveau comme des projets de loi. Par exemple, en ce moment, il y a une vraie problématique liée au risque de la disparition des DRAC. Il y a une vigilance également entre la relation de tout ce qui est privé comme le divertissement commercial et le service public de la culture qu’on représente.

En parlant de service public, quel est votre regard sur ce monde de la culture ?

On peut dire que la culture est en crise. C’est inquiétant car il y a des incertitudes notamment avec l’approche des élections municipales et le risque de voir basculer les villes. Il y a un problème de ressources humaines et de subventions qui sont en baisse et il faut bien souvent en faire plus avec moins de budget. Pour autant tout n’est pas négatif. Il y a de beaux projets qui sont mis en œuvre et nous disposons de beaux équipements. Par rapport à il y a 10 ou 15 ans, il n’y a jamais eu autant de spectacles créés, ce qui nous fait dire que le secteur ne se porte pas si mal. Nous avons un beau modèle français, avec notre exception culturelle, qui, par rapport au reste de l’Europe par exemple est très précieux. Il faut cependant que ce mot « culture » soit prononcé dans le débat public. Aujourd’hui c’est la grande absente du monde politique. C’est aussi pour cela que sur la plaquette de la saison 2019-2020 du théâtre, nous rappelons que le Théâtre du Parc est un service public et que vous avez un Pouvoir Poétique de Participer au Programme. La culture concerne tout un chacun. Et nos élus ne doivent pas l’oublier. C’est une source d’épanouissement personnel et d’attractivité pour nos territoires.

Quelles sont vos attentes pour mieux diffuser l’offre culturelle ?

Il y a déjà un vrai potentiel sur la ville puisqu’il n’y a pas que le théâtre. Il y a aussi la médiathèque, le conservatoire, l’auditorium, le château et une halle qui vient d’y être créée, le Cable, le Centre d’Animation des Bords de Loire… Nous avons donc déjà beaucoup de lieux pour recevoir l’offre culturelle. Le théâtre se déplace hors les murs également. Et nous avons la chance d’avoir eu des travaux d’amélioration au théâtre ce qui nous place dans une situation un peu privilégiée. Dans le monde de la culture et dans certains théâtres c’est compliqué, et même si ce n’est pas tous les jours facile ici, nous sommes quand même bien dotés il ne faut pas s’en cacher. Mon espoir pour la suite au niveau de la culture, c’est qu’on ne perde pas cette confiance avec les artistes et les lieux culturels, car sur le territoire ils ont une vraie carte à jouer dans la cohésion et le lien social. Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas dans une logique de rentabilité que ce n’est pas important. Lorsqu’on fait des animations artistiques, des médiations, des ateliers, il est difficile d’évaluer l’impact que cela peut avoir. Mais on s’aperçoit que c’est lorsqu’on s’arrête que les choses dégénèrent et qu’il y a des crises. Pourquoi aime-t-on ses métiers culturels au final ? À quoi ça sert ? Je pense que ça élève l’âme. Prenons l’exemple d’une personne qui va au spectacle, quel que soit son âge. À un moment donné, dans sa vie, elle va être devant une situation et un choix va devoir s’imposer à elle. Soit elle prend la voie A, soit elle prend la voie B. C’est alors qu’une alchimie en elle se produit et va lui faire choisir la voie B. Cela sera guidé par son libre arbitre et son esprit critique. Cette alchimie qui s’est créée a été favorisée par ses propres expériences mais aussi par la culture. Elle sert à changer son regard sur les choses et sur le monde et aide à prendre des décisions en conscience. Ce n’est pas palpable mais il ne faut pas l’oublier. Et nous sommes là pour favoriser ça !

Vous prônez cette exigence et cette diversité culturelle au sein de la programmation du théâtre ?

Je disais plus haut que je suis libre de mes choix mais que je devais rester fidèle aux orientations politiques. Il y en a trois. la pluridisciplinarité, l’aide à la création et enfin l’ouverture au jeune public et aux familles. Une fois qu’on a ce cadre, on compose à l’intérieur. Lorsque je suis arrivé il y a 8 ans, je ne souhaitais pas faire plaisir à un tel ou un tel, je voulais, avec un peu d’audace et de décalage, emmener vers d’autres propositions. Évidemment pas n’importe comment ni de manière radicale. Par exemple, il y a aujourd’hui de la danse contemporaine, mais nous l’avons introduite pas à pas, en respectant le rythme des gens. Nous leur disons de venir nous voir, de nous faire confiance, et cela a fonctionné. Aujourd’hui je crois que c’est un peu l’identité du théâtre parce que nous avons des projets qui sont exigeants, peut-être un peu moins accessibles, mais le public nous fait confiance. Il y a eu beaucoup de médiation pour expliquer nos choix mais petit à petit, nous avons favorisé une sorte d’éducation au regard qui fait qu’aujourd’hui, le public est demandeur. J’entends dire par exemple que certaines personnes viennent pour les spectacles mais qu’il y a toujours ce petit truc en plus ! C’est donc devenu notre identité et notre marque de fabrique. Je ne perds pas de vue aussi que les gens ne viennent pas pour s’ennuyer. Il faut donc des projets qui les intéressent.

Vous évoquiez la danse, c’est bien plus qu’un intérêt, avec pas moins de 7 spectacles sur la saison ?

La danse c’est vraiment notre marque de fabrique. Déjà parce que nous avons un plateau qui s’y prête. Ensuite c’est une question de territoire. Si on regarde sur les différentes communes, il n’y a pas beaucoup de choses sur la danse. Il y a une attente du public et pour ma part j’aime bien cela, donc on s’y est mis à fond en en faisant un temps fort de la saison. Nous sommes d’ailleurs soutenus par la Drac pour cela puisque nous accueillons des compagnies en résidence, etc. Nous travaillons aussi avec le Préac, le pôle de ressource pour l’éducation artistique et culturelle pour faire des stages, le conservatoire a un axe aussi sur la danse, le lycée aussi a une option danse avec une professeur qui est la référente départementale sur ce secteur danse. Bref, cela nous a donné beaucoup d’arguments pour qu’on s’y mette ! Nous ne sommes pas les seuls tout de même. L’opéra le fait, Sorbiers, la Comédie… L’offre s’est donc un peu étoffée.

Parlons un peu de la programmation à court terme. D’ici Noël, qu’allons nous découvrir ?

Le 17 décembre nous avons le spectacle « Si loin si proche » de la compagnie Nomade in France. C’est Abdel Sefsaf que l’on connaît qui parle un peu de son histoire et qui est très touchant avec son univers musical. C’est la seule date dans le département cette année. Au niveau international nous avons une compagnie australienne, Gravity and other myths, qui proposera le 11 décembre « A simple place ». C’est à ne pas louper. C’est un spectacle de cirque, de portée acrobatique teinté d’humour. Ils sont 5 musiciens qui jouent en direct et se lancent des petits défis dans une ambiance très joyeuse mais cela reste une vraie performance acrobatique. Le public est disposé sur trois côtés, à quelques mètres seulement de l’espace de jeu.

Même questions sur les temps forts en 2020 ?

Au niveau national on va accueillir le groupe « des fourmis dans les mains » le 23 janvier. Un très bon groupe de chanson française et ce qu’ils proposent est époustouflant, tant au niveau de la parole que du verbe, de la poésie. Nous faisons cela en partenariat avec le théâtre des Pénitents dans le cadre du festival « Les Poly’Sons ». Il y aura Grise Cornac en première partie. « Caligula », de la compagnie stéphanoise LalalaChamade, les 30 et 31 janvier. C’est un spectacle sur un texte de Camus qui est assez attendu. Il y a une très belle équipe artistique entière et engagée et ils ont des choses à dire qui résonnent aujourd’hui. Un autre temps fort, « Ararat », de Quanticum Novum, le 20 février. C’est un concert de musique du monde qui vous emporte et qui vous fait voyager. Je vous parlais de la culture qui élève l’âme, là c’est encore plus criant. Parallèlement à cela il y aura le spectacle jeune public « Tapanak » toujours de Canticum Novum. On pourrait citer le Devos de François Morel « J’ai des doutes » les 13 et 14 février. C’est complet mais c’est très attendu. « Feu », le 20 mars, de la compagnie La Vouivre. C’est un spectacle de danse qui convoque la violence du monde pour nous inviter à y résister par le collectif. C’est très puissant. Après tous les spectacles sont intéressants bien évidemment.

Le traditionnel mot de la fin ?

Vive le théâtre 😉 Ce que l’on peut rajouter, même si ce n’est pas très original il faut le rappeler, c’est que la culture, le spectacle vivant, fait partie d’un écosystème qui ne peut marcher que parce que chacun y a sa place et travaille ensemble. Les artistes, les salles, les équipes, les journalistes, le public, les élus… mais cet écosystème est fragile. Ça peut s’arrêter à tout moment. Il faut donc rester vigilant. Ce n’est pas parce que ça existe que cela sera toujours le cas. C.Q.F.D.