Après un début de saison très remarqué, avec notamment un Temps fort danse très attendu et qui place la programmation du Théâtre du Parc d’Andrézieux- Bouthéon parmi celle qui valorise toujours plus cette forme de spectacle vivant sur notre territoire (et à rayonnement plus large), nous vous proposons de découvrir avec son directeur Patrice Melka la deuxième partie de saison qui se clôturera par un autre moment fort « Temps du Vivant ». Toutes les tranches d’âge, dont les très jeunes, sont conviées à profiter des multiples spectacles car c’est un semestre qui s’annonce (le 15 décembre) riche et éclectique, avec des propositions artistiques à nous laisser presque sans voix. On vous dit tout, ou presque, au fil de cette rencontre.

Est-ce qu’on peut déjà dresser un bilan de cette première partie de saison ?

La saison a commencé le 8 septembre avec le soirée de lancement. Cela faisait deux ans que nous n’avions pas fait ça sous cette forme. C’est-à-dire, où nous avons pu présenter l’intégralité de la saison avec à la fin un concert. Et la salle était pleine ! Ça nous a permis de prendre un petit peu la température pour la suite. Nous avons fait un très bon taux de remplissage jusque-là et les spectacles de décembre sont quasi complets. On peut dire aussi que la programmation du premier semestre était innovante. Par exemple, nous nous sommes déplacés hors les murs au Nautiform, où nous avons proposé un spectacle de danse en bord du bassin  » La mémoire de l’eau  » de la compagnie Pernette que l’on connaît bien. Les retours fantastiques et l’atmosphère si particulière, le sentiment de vivre un moment unique ont contribué sans doute au succès de cette rentrée. Nous sommes aussi allés à l’église d’Andrézieux pour un concert de La Chica. Ce moment aussi a été unique. Il y a eu un alignement entre l’artiste, le lieu et le public. Nous sommes aussi allés au château de Bouthéon, etc. et bien sûr nous sommes revenus au théâtre avec d’autres spectacles et des moments de grande qualité. On peut donc dire que c’est reparti. On ne parle plus de Covid. La deuxième partie de saison se fera sur les mêmes axes. On retrouvera une pluridisciplinarité, un éclectisme dans les propositions artistiques et des spectacles ouverts à toute la famille, et le jeune public. En conclusion, on peut dire que c’est vraiment une rentrée satisfaisante, d’autant plus qu’on retrouve cette dynamique dans les autres salles.

Quelques mots sur le festival Temps fort danse qui ouvre traditionnellement la saison ?

On peut dire que c’est vraiment une identité forte du théâtre qui sera amenée à se développer dans l’avenir. Pour ce type de festival, c’est plus difficile de faire venir les gens. Le taux de remplissage est un peu moins important. En revanche, il y a un vrai public mais plus ciblé. En tout cas, c’est ancré dans l’identité du théâtre et aussi dans la ville puisque nous avons des liens avec le conservatoire, le lycée, les écoles, etc.

Le Covid et peut-être moins dans nos préoccupations mais d’autres soucis sont apparus. Comment gérez-vous cela et êtes-vous inquiet pour la suite ?

Nous avons fait beaucoup de réunions, y compris dans nos réseaux, comme Loire en Scène. Certains ont décidé de ne plus chauffer les salles et les bureaux quand il n’y a pas d’exploitation. Certains viennent en doudounes, et ce n’est pas de l’humour. D’autres, en réponse à l’augmentation du coût de l’énergie, suppriment des spectacles. notamment les associations, les EPCC, les régies indirectes, etc. Notre « chance », c’est qu’on est en régie directe. On dépend donc de la politique locale. Notre Maire a demandé que nous fassions encore plus attention à nos dépenses d’énergie et que notre gestion soit plus rigoureuse mais pas de restriction envisagée. Dans la plaquette, il y a tout un laïus sur l’écoresponsabilité. Nous avions déjà mis en place beaucoup de mesures afin de réduire notre empeinte carbonne, mais il faut aller encore plus loin, notamment concernant le gaspillage, créer avec les collègues des synergies pour les tournées, mutualiser les frais d’accueil, inciter au covoiturage… Le souci, c’est qu’on ne peut pas anticiper ce qui se passera en janvier. Imaginez qu’à la rentrée le coût de l’énergie est tel que les gens chez eux n’aient pas de quoi s’éclairer ou se chauffer. Vous imaginez qu’on laisse ouvert nos structures pendant ce temps-là ? Qu’est-ce qui se passerait ? Peut-être qu’on nous dira de fermer, comme les piscines, les musées… À cet instant en tout cas, nous avons une gestion rigoureuse de tout les points que je viens d’aborder et le risque de fermeture n’est pas évoqué.

Pour élargir le propos, en janvier on va accueillir la Route des 20. 27 théâtres de la région se sont fédérés en réseau. Chaque année, pendant trois jours, une trentaine de compagnies montrent leur travail. Cette année, ce sera du 4 au 6 janvier. Pour clôturer ce temps professionnel, le vendredi après-midi est organisé ici, en relation avec le réseau Loire en Scène, un autre réseau professionnel, une rencontre avec des experts scientifiques sur notre écoresponsabilité et un débat sur nos pratiques. Il y a un vrai débat national sur les risques à venir, un peu comme nous l’avons connu avec le Covid, avec les masques, etc. Déjà, certaines structures qui ne remplissent pas préfèrent annuler les spectacles et indemniser les compagnies plutôt que de maintenir ouvert leur lieu à des coûts supérieurs que s’ils restaient fermés. Économie de montage, démontage, location, transport, énergie… Au moment où les subventions baissent, ils n’ont pas les épaules pour tenir. Bref voilà, ce n’est pas encore le cas ici mais ouvrons le débat avant de fermer nos lieux. Il faut croire en l’intelligence collective. Les gens ne sont pas prêts à revenir à un repli et à succomber à la morosité.

Parlons du label Scènes conventionnées d’intérêt national. Vous souhaitez obtenir celui d’« Art et création ». On peut expliquer ce que c’est ?

C’est une convention que l’état attribue à des lieux avec un cahier des charges pour favoriser par exemple un travail de création : « Art et création », valoriser un travail de territoire : « Art en territoire », ou un travail avec un public ciblé comme la jeunesse : « Art, enfance, jeunesse ». Ce sont les trois catégories qui existent. Nous, c’est « Art et création » pour la danse. On a fait le constat que, sur le territoire de la Loire, il y a peu de démarche en faveur de la danse au moment où de plus en plus de compagnies chorégraphiques s’installent. L’Opéra de Saint-Étienne, la compagnie Dyptik, Sorbiers… font déjà un gros travail, mais ce n’est pas aussi marqué que par exemple le théâtre à la Comédie. Nous avons ici un plateau qui s’y prête, cela fait 10 ans que nous accueillons des compagnies, et nous avons de plus en plus de demandes. Il se trouve que c’est cohérent. Nous avons le festival Temps Fort Danse, le conservatoire a un département danse qui marche très bien, des classes CHAD, et un lycée avec une option lourde Danse. Le projet serait donc de faire un parcours éducatif, artistique et culturel du plus jeune âge, maternel, primaire jusqu’au lycée. L’idée serait également de se connecter à un réseau national. La demande de l’Etat, c’est de dire : au Théâtre du Parc vous faites du bon travail, vous accompagnez l’émergence de compagnies au niveau local, départemental ou régional, vous faites de la diffusion, mais il nous faut un lieu de ressource où des compagnies au niveau national pourraient aussi trouver un point de chute et de diffusion. C’est là que le Théâtre du Parc fait sens, que ce soit pour la pratique professionnelle ou amateure. On peut aussi noter l’aspect économique. Par exemple, en mars, on reçoit Jann Gallois avec « Ineffable » de la Cie BurnOut qui passe, juste avant, à la Maison de la Danse. Le prix est quasi 3 fois moins cher avec une carte Spectateur. Tu peux en plus boire un verre pour 2 euros, manger une assiette gourmande avec notre partenaire le restaurant « Les deux ânes » pour 7 euros et donc voir le spectacle pour 12,50 euros avec ta carte spectateur. Ça te fait une chouette soirée !

Pour conclure sur ce label, on aura donc la réponse en janvier. Si ça marche, le label sera attribué pour 2024 à 2027, avec en plus une subvention exceptionnelle de 50 000 euros prévue par la loi.

On peut dire quelques mots sur la chorégraphe Pauline Bayard qui a présenté récemment Stabat mater à la fête de la Comète et qui bénéficie justement de l’accompagnement du Théâtre du Parc ?

Elle est pleine de talent. Elle est ici en résidence. Ça rentre dans le cadre de l’accompagnement à l’émergence, qui fait partie de nos missions. Je l’ai fait sélectionner pour la Route des 20. Elle va donc y présenter la maquette de son projet (« Rouge ») qui sera créé au théâtre en septembre, octobre 2023. Si nous obtenons l’appellation, nous pourrons prendre plus de risques. Même si les salles ne sont pas pleines, on reste dans nos missions et le coût n’est pas supporté par la ville mais par l’état. La somme attribuée permet d’aider la création, promouvoir la diffusion au niveau national, et à proposer de la danse sous toutes ses formes. On pourra initier des choses et être moins fragile notamment en ayant plusieurs sources de financement. On a vu que lorsqu’un organisme financeur se retire brutalement, certaines structures sous tutelle tombent immédiatement dans la précarité. Il faut des financements croisés, c’est très important. Pour revenir à Pauline Bayard, qui est en résidence de création, c’est une toute jeune chorégraphe, elle a tout juste 26 ans et une grande maturité ; on sent un potentiel dingue. Nous nous sommes rencontrés, c’est là que mon rôle de programmateur prend tout son sens, et j’ai senti qu’elle avait quelque chose à dire, qu’elle portait quelque chose et elle nous a bluffés. Et pas qu’au niveau artistique puisqu’elle a aussi créé des liens avec des jeunes femmes amatrices, etc. Bref, on ne peut pas laisser passer quelqu’un comme elle. On se doit de lui ouvrir la porte mais c’est la première marche. Charge à la compagnie de gravir les autres marches, une à une.

Abordons maintenant la deuxième partie de saison. Qu’allons-nous découvrir ?

Nous avons commencé la saison avec un Temps fort Danse, on va donc boucler la programmation avec un nouveau temps fort qui s’appelle « Temps du vivant » du 3 au 26 mai 2023. Pendant un mois, on va avoir une programmation de spectacles qui va s’adresser au plus jeune âge mais aussi à toutes et à tous avec des expériences sensorielles et immersives avec « Babils » de la Cie Premières Fontes, jusqu’au concert comme « Dans les bois » de Tartine Reverdy, en passant par des récits musicaux avec « Au plus secret des bois » de l’Ensemble Caudale. On va aller au Château de Bouthéon avec Cappella Forensis qui proposera le texte de Jean Giono « L’homme qui plantait des arbres ». Il y aura également « Mauvaise graine » de la Cie Institout, qui est un projet participatif. Des élèves du collège vont même construire une cabane qui sera le support du spectacle. C’est l’histoire de Léa qui s’est construit une cabane dans une forêt et qui est prête à la défendre contre une ZTTM, une zone très très moche. Le projet est en effet de raser la forêt pour construire une zone commerciale à la place ! C’est une fable écologique qui met en lumière les combats de la jeunesse d’aujourd’hui. La cabane d’ailleurs restera en place après. Il y aura aussi « Coyote », de Patrice Thibaud qui fait un spectacle sur les Amérindiens, leur culture, leurs traditions, la terre mère, etc.

Pour boucler la saison le 10 juin, on donne une carte blanche à Grégoire Béranger, de la Cie Halte. On voulait l’appeler « Nuit blanche », parce qu’on veut faire une nuit de spectacle vivant, mais ça a un peu fait peur à l’équipe (rire). Ça va donc s’appeler « Carte blanche », mais on ira au bout de la nuit (rire) ! On vous promet qu’on va bien s’amuser !

Donc là j’ai parlé de la fin de saison. Pour les autres dates, je reviens sur Grégoire Béranger qui nous proposera sa dernière création avec 11 comédiens, musiciens, chanteurs en avril et qui s’appelle « Lost in Faust » et qui revisite le mythe de Faust. Après, ils tourneront dans le département. Après pêle-mêle, puisque je ne vais pas tout annoncer, je peux vous parler de « La rose des vents, poétique de la bouillabaisse » de la Cie Frotter Frapper qui est un projet hybride et qui sera présenté au Château de Bouthéon. C’est un chef cuisinier, Emmanuel Perrodin, devenu un chef nomade qui s’est associé à Noémie Boutin, violoncelliste, qu’on a pu voir dans la pièce « Bachelard quarter » à la Comédie la saison dernière. Ils vont cuisiner sur place une bouillabaisse, il y aura des textes magnifiques et bien sûr des compositions musicales. On peut parler de « Remember » de la Cie La Peau de l’ours, un autre projet hybride entre théâtre et cuisine. On y parlera de la mort, du souvenir de nos défunts et comment chacun réagit, que ce soit une recette de cuisine, les numéros de téléphone portables qu’on garde, etc. qui leur donneront un surplus d’existence en somme. Mais attention, on parle de la mort mais c’est avant tout pour célébrer la vie. Du théâtre burlesque avec la Cie du détour et « Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent ». Il y aura toujours de la danse avec Yan Raballand et la Cie Contrepoint « 14 duos d’amour », une chorégraphie toute en dentelle, en finesse qui parle de l’intime d’une relation amoureuse. Voilà, entre autres dates, ce que je peux évoquer.

Un mot pour conclure ?

J’ai envie de dire que toute cette programmation et tout ce qui se passe au Théâtre du Parc est un vrai travail d’équipe. C’est une réalité. Il y a des gens qui font un boulot incroyable, qui mènent des projets sur le territoire, la communication, la régie, les techniciens… Je peux dire aussi qu’il y a une adéquation entre les orientations politiques, le Maire, etc.… et le théâtre, qui est, rappelons le, municipal. Tout se passe en bonne intelligence. Je crois que le théâtre va bien parce qu’il y a une équipe très compétente et très professionnelle. Enfin, je reviens sur cette ère d’incertitude que nous traversons. On ne sait pas de quoi demain sera fait mais on peut le prévoir, et on va le prévoir. Malgré tout, il y a des inquiétudes. Notre mission aujourd’hui est d’essayer de ne pas se laisser bouffer par la peur justement, d’être même un antidote à ces peurs. Il faut que l’on arrive à se sentir plus vivant. La vie est bien plus riche et exaltante si on arrive à sortir de cette tyrannie de la peur. Et les lieux culturels peuvent nous y aider.