Pascal Pacaly a l’air de bien aimer Saint-Étienne, et c’est tant mieux ! Ses livres sur la sociologie stéphanoise nous permettent de mieux appréhender le présent à travers le passé. « Les Gueules Noires, une histoire de Saint-Étienne et d’ailleurs » permet de rendre hommage aux anciens mineurs stéphanois, mais aussi de redécouvrir l’histoire de la ville.

  • Après « La Vie en Vert » consacré à l’identité culturelle de Saint-Étienne à travers l’ASSE, tu récidives en écrivant sur les anciens mineurs stéphanois : toujours la sociologie de notre ville, pourquoi ?

L’amour de Sainté et de l’histoire, et bien sûr des stéphanois. Saint-Étienne est très connue via le foot mais son histoire est tellement plus riche encore. La mine bien sûr, mais on peut remonter encore plus loin, à la Commune dont je parle d’ailleurs, lorsque le préfet fut assassiné lors de ces journées-là. Se plonger dans l’histoire permet de mieux jauger notre présent. L’apanage de la violence ne date pas d’aujourd’hui. Cela l’était beaucoup plus avant. Mais elle n’était bien sûr pas autant médiatisée. Et puis quel plaisir de s’enrichir de culture locale. J’ai appris énormément de choses sur la ville durant l’écriture de ce livre.

  • Qu’est-ce que tu retiens de toutes tes rencontres ?

Qu’aujourd’hui, un tel travail de mineur de fond ne serait plus possible ! Dans notre société actuelle, celle des réseaux sociaux, celle d’une nouvelle génération qui ne veut plus travailler comme le firent ses parents, travailler dans les conditions d’alors – sous la terre, nus ou en slips, recouverts de poussière, de charbon, 35°C de température moyenne, du danger permanent – c’est inconcevable. Et pourtant tous les anciens mineurs interviewés (ils ont entre 80 et 100 ans) regrettent leur travail… pourquoi ? Parce que justement ils ne reconnaissent plus leur société. Celle actuelle ne leur correspond pas. Parfois ils avaient des larmes aux yeux en évoquant leurs souvenirs. C’était tellement poignant. Pour eux, ils sont toujours mineurs, et le seront jusqu’à leur dernier souffle.

  • Pourquoi avoir inclus l’Ondaine ? Était-ce important pour toi ?

J’ai grandi au Chambon-Feugerolles, vécu à Firminy : l’Ondaine je connais bien. Mais plus que mes propres souvenirs, c’était l’envie d’évoquer des événements qui font partie intégrante de l’histoire minière locale : la tragédie du puits Charles à Roche-La-Molière en 1968, la fermeture et la grève du puis Pigeot de la Ricamarie en 1983… la mort d’Antoine Barbier à Firminy – peut-être par des CRS … il réside une part de mystère. Et puis certaines villes ne vivaient pas la mine de la même manière : la Ricamarie a toujours été plus « rouge, ouvrière » et cela se ressentait dans la manière de travailler des mineurs.

  • La Ricamarie, justement c’est Michel Rondet …

Dont j’ai trouvé un descendant à quelques rues de chez moi ! L’histoire de cet homme est fabuleuse… un vrai héros ouvrier… empêtré dans les joutes politiques de son temps ! On l’oublie, tant son nom est attaché à la Ricamarie, mais il fut aussi conseillé municipal de Saint-Étienne. D’ailleurs sa tombe est au cimetière du Crêt de roch de la Ricamarie !

  • Ton livre est rempli d’anecdotes : les catastrophes, la seconde guerre mondial, le préfet tué, le petit effondrement de place carnot… Y’en a-t-il une qui t’a le plus touché et pourquoi ?

Je pense à ce qui touche à la seconde guerre mondiale : cela revient souvent car l’âge centenaire de deux mineurs (feu Henri Delorme et Marcel Miribel) fait qu’ils ont vécu cette guerre. Quand on en parle, on a l’impression que c’était loin loin loin… et pourtant « seulement » 80 ans… c’est l’Histoire avec un grand « H », c’est le bombardement des alliés, c’est devoir aller en Haute-Loire récupérer de la nourriture et trouver le moyen de la cacher quand on arrive à la gare du clapier, de peur que les allemands en faction la découvre. C’est le marché noir, la pauvreté extrême… c’est se retrouver suspendu dans une cage de la mine alors que tombent les bombes et prier fort pour s’en sortir vivant…

  • La Sainte Barbe à travers la nouvelle fête qui s’y attache, touche-t-elle désormais la jeunesse ?

Oui, même si les jeunes n’ont pas forcément une idée précise des conditions dans lesquelles travaillaient les mineurs. La nouvelle Sainte Barbe est une fête commerciale à vocation d’hommage. Les jeunes savent que le 4 décembre est la fête des mineurs, c’est un lien vis-à-vis de la ville. Maintenant il leur reste à découvrir plus en profondeur – si je puis dire ! – l’histoire de la mine. Mais cela viendra avec le temps. En attendant, c’est une première rencontre entre eux et le passé de Saint-Étienne et c’est déjà beaucoup, surtout de nos jours.

  • Bon, sinon, Germinal, c’est bien inspiré de la fusillade du Brûlé à la Ricamarie, on est d’accord ?

Des historiens locaux que j’ai rencontré répondent à cette question… Réponse donc dans le livre ! Eh oui si je dis tout ici ça ne serait pas marrant ! (rires)

  • J’ai cru comprendre que tu serais présent à la fête du livre, avec une rencontre entre anciens mineurs…

Tout à fait ! Du vendredi au Dimanche, le livre sera dispo à deux endroits : place Jean Jaurès, vers la fontaine, au stand des éditeurs stéphanois où il y aura tous les livres des éditions et d’autres éditeurs locaux, et donc sous le grand chapiteau où je serai. Sans oublier bien sûr le dimanche à 16h30, salle Lebrun de la mairie, avec des anciens mineurs qui vont raconter leurs souvenirs… un grand moment en perspective !

Livres disponibles dans les librairies stéphanoises et sur le site des éditions des joyeux pendus : https://leseditionsdujoyeuxpendu.com/ouvrages/

 

©collection-Couriot-Musée-de-la-Mine