Est-il encore besoin de présenter l’excellent festival « Paroles et Musiques » ? Sans doute pas. Rencontre avec Simon Javelle qui a repris la direction du festival depuis 2014 :

Si tu avais à présenter le festival Paroles et Musiques à quelqu’un qui ne connaîtrait ni le festival, ni la chanson française, ni Saint-Étienne, comment t’y prendrais-tu ?

Je parlerais d’un festival convivial, qui défend une chanson de son temps, une chanson qui regarde vers l’avant, une chanson qui n’a pas peur de se mélanger à d’autres esthétiques, une chanson qui vit, respire, parfois poétique, parfois sociale, parfois légère… Le tout dans une ville à l’identité affirmée, une ville en pleine mutation.

Qu’est-ce qui, selon toi, différencie Paroles et Musiques des autres nombreux festivals de chanson française ?

Si vous regardez bien, les très grands festivals ont lieu dans des villes de petite taille ou de taille moyenne. La différence la plus importante est là, faire un festival dans une ville de grande taille où il se passe déjà énormément de choses : Le Fil, le Zénith, la Comédie, L’Opéra, les 7 Collines, les Arts Burlesques, sans parler de toutes les saisons culturelles aux alentours. La vraie difficulté pour nous et en même temps le challenge passionnant, est de trouver notre place là-dedans.

Qu’est-ce qui a fondamentalement changé dans l’univers de la chanson française et de la musique depuis la création du festival en 1992 ?

Cela rejoint un peu ma première réponse ; elle est devenue multiforme avec le mélange culturel et l’avènement de nouvelles technologies.

Tu diriges pleinement le festival depuis 2014, qu’est-ce que cela a changé pour toi ?

Mes cernes ! Beaucoup plus de politique, de représentation, de poids sur les épaules mais je m’éclate.

Le festival représente déjà la moitié de ton existence, est-ce bien raisonnable ?

Voire plus ! J’avais 15 ans pour la 1ère édition et j’ai commencé à être bénévole à 17 ans. Non ce n’est pas raisonnable et tant mieux !

D’après toi, quelle image ont les Stéphanois du festival ?

Déjà je pense et j’espère qu’ils en ont une image positive. En tout cas, nous faisons tout ça avec sincérité et passion. J’espère que cela se ressent.

Le festival est autofinancé à hauteur de 60 %. Est-ce indispensable et/ou suffisant ?

C’est devenu indispensable. Il faut changer de mode de pensée par rapport à l’argent public, ce n’est plus un dû. Nous travaillons depuis 3 ans sur un nouveau modèle économique destiné à assurer l’avenir du festival. Bien sûr que pour ce type de festival l’argent public sera toujours nécessaire mais il faut arriver à la plus grande autonomie possible. Mon but est d’atteindre les 70 % d’autofinancement en 2020. Cela passe par un travail sur la billetterie, la consommation des spectateurs sur site et les partenaires privés qui sont ma grande priorité dans les 3 ans à venir. On ne peut plus faire le festival aujourd’hui sur le modèle qui l’a lancé en 1992, si on ne comprend pas ça, on disparaît.

Parfois, l‘actualité politique interfère dans la programmation des festivals… On l’a déjà vu ici avec notamment Sexion d’Assaut. Comment se prémunir de ces pressions ?

À chaque interview, tu reviens là-dessus, toi ! Je ne souhaite pas en reparler.

Paradoxalement, Black M. et Maître Gims cartonnent depuis, un joli retournement de situation, non ?

Comme je ne veux pas revenir sur les polémiques, je te répondrais juste qu’on a eu du flair, que nous avons anticipé quelque part le changement de génération du public que l’on constate actuellement

Est-ce simple de jouer également avec les changements d’orientations politiques de ces institutions ?

Quand on a affaire à des gens sérieux et honnêtes, cela pose aucun souci. Si tu parles de la région, notre subvention a été maintenue pour le moment.

Dans quel domaine le festival peut-il encore s’améliorer ?

Dans tous les domaines et le jour où on stagnera, où il n’y aura plus rien à améliorer, je partirai.

Présenter en tête d’affiche du festival une star comme Julien Doré, c’est rassurant, nécessaire ou audacieux ?

C’est nécessaire. Rassurant non car on n’est jamais sûr de rien quand on met une date en vente, les choses vont tellement vite aujourd’hui. Ce qui est audacieux, c’est la Chorale à Musiques, le Pax, avoir 45 % d’artistes émergents dans la programmation 2017 (sur 50 artistes).

Comment procède-t-on à la programmation d’un tel événement ?

En travaillant très en amont, parfois 18 mois à l’avance pour les têtes d’affiche, en étant réactif, en maintenant des relations privilégiées avec les producteurs. Il est essentiel de comprendre l’évolution des goûts du public et même idéalement de les anticiper.

Quelles seront les têtes d’affiche du Festival 2017 ?

Julien Doré donc, le grand retour de Trust dans une soirée explosive avec Ludwig von 88 et Giedré. Une soirée en famille avec Tryo et Un air, deux familles (les Ogres de Barback + Les Hurlements d’Leo). Le retour de Vianney, en tête d’affiche cette fois, la venue pour la 1ere fois au festival de Philippe Katerine, la reformation des Motivés en vue des élections 2017, Vincent Delerm et une super soirée Electro avec Étienne de Crecy, The Shoes, Jabberwocky, etc.

Un petit jeu sur l’avenir, quelles en seront les révélations ?

Eddy de Pretto dans la veine d’un Loic Lantoine ou d’un Pierre Lapointe, Gauvain Sers, Nord ou encore 1000 Chevaux Vapeur, des Stéphanois…

Programmer Trust et Ludwig Von 88, un rêve ?

Moi, mes rêves ce sont les victoires des Verts et une cave à vin bien remplie ! Mais c’est vrai que ça va être une super soirée, c’est le retour de deux groupes mythiques et les associer m’est très vite apparu comme une évidence. Et mettre Giedré en ouverture est un beau pari, on aura ce soir-là de l’humour et du gros son.

Quelles nouveautés sur l’édition 2017 ?

Le changement majeur de cette année est la nouvelle identité visuelle du festival. Nous avons décidé, après 15 ans de Chats Pelés, de passer à autre chose. Je ne peux pas vraiment expliquer pourquoi mais c’est quelque chose que j’ai senti nécessaire, un besoin de faire évoluer l’image du festival, peut être une manière aussi d’ouvrir un nouveau chapitre. En ce qui concerne le volet artistique, nous avons une montée en puissance à la fois d’artistes émergents et de soirées populaires.

Le festival tourne autour des 20000 spectateurs en moyenne par édition. Est-ce un bon rythme de croisière ?

Oui, c’est un bon rythme mais nous aspirons à plus dans un futur très proche.

Vous vous êtes définitivement installés entre le Fil et le Palais des Spectacles. Une satisfaction ?

Et bien non, nous ne sommes pas définitivement installés là-bas puisque l’on sait depuis le début qu’on ne pourra bientôt plus compter sur le Palais des Spectacles. Mais nous travaillons sur un nouveau site qui nous permettra de mettre en œuvre ce nouveau modèle économique pour faire rayonner le festival et Saint-Étienne encore plus fort. Rendez-vous dans quelques mois…

En ces temps de crise, comment faire en sorte de proposer des tarifs toujours décents ?

Un travail inlassable auprès des producteurs pour avoir des cachets décents. Et l’envie d’être le moins cher possible en rapport avec la réalité budgétaire. On fait le choix d’être très attractif sur les artistes émergents, de penser à tous les publics avec un tarif solidaire à -50 % pour les demandeurs d’emploi, les Pass Palais qui propose 25 % de réduction sur les spectacles au Palais et les Pass Festival évidemment qui restent très attractifs. Sur les têtes d’affiche, nous faisons en sorte d’être le moins cher possible mais les cachets et les demandes techniques ont évolué depuis 20 ans.

Que faut-il vous souhaiter pour cette nouvelle année ?

Des victoires des Verts et une cave à vin bien remplie… Plus sérieusement que l’on parle du festival et de Saint-Étienne le plus possible et de manière la plus positive possible. On a tout pour être heureux ici, il faut simplement en prendre conscience.