Nous vous proposons de découvrir le parcours et le talent d’un artiste Stéphanois singulier, Olivier Devignaud. Un homme bien dans son temps, bien dans son époque, dans sa ville, dans son métier, dans sa famille et bien dans son sport. Rencontre :

Nous avons la chance de nous connaître depuis quelques années déjà, mais peux-tu te présenter en quelques lignes ?

Je vis et je travaille à Saint-Étienne. Je suis graphiste et artiste-peintre. Je ne multiplie pas les « métiers », je suis un plasticien, un homme de « l’image » qui a plusieurs outils à disposition. Je les utilise au gré de mon humeur ou de mes envies… Je suis plutôt créatif et très indépendant. J’expose en France et à Milan, Tokyo, Bruxelles, etc.

Tu diriges depuis plusieurs années ta « boîte de com’ » : mais que représente l’art pour toi ?

L’art est une nécessité, un peu comme l’air pur, l’eau et la nourriture dont mon corps a besoin. Je ne peux pas vivre sans, et c’est comme ça depuis que je suis né, ou peut-être depuis que j’ai la possibilité de tenir un crayon. Ce n’est pas pour autant un monde intérieur clos car j’essaie également de le partager, d’en faire un outil de communication, et de créer en permanence des passerelles entre le monde totalement libre de l’art et toutes les activités qui composent mes journées.

Dans quel état d’esprit sont les professionnels de la communication locaux actuellement ?

Borderline… Un peu comme tout le monde d’ailleurs, dans un système en pleine crise, en plein questionnement, et en bout de course probablement.

Qu’est-ce que la création artistique t’apporte et qui est indispensable dans ton équilibre au quotidien ?

La liberté, l’évasion, l’exaltation, l’ivresse même !

Comment définis-tu ta peinture ?

En recherche permanente, chaque pièce réalisée étant une étape de cette quête d’un absolu… probablement inaccessible d’ailleurs. Pour rester plus terre à terre, j’aime beaucoup la couleur rouge.

Tu aimes parfois provoquer dans tes peintures ou dans tes accroches publicitaires : la provocation fait-elle aussi partie du jeu ?

La provocation n’est pas gratuite. À mon avis, le rôle d’un artiste n’est surtout pas de faire ce qu’on attend de lui ou, pire encore, ce qui est « à la mode », dans la tendance du moment, bien qu’on puisse être influencé à juste titre par celle-ci. L’artiste est censé s’interroger, questionner son environnement, son époque, chercher encore et toujours, et exprimer cette (re) mise en question avec son propre langage, le vocabulaire qu’il s’est construit au fil des années.

Tu es intéressé depuis toujours par l’image, les couleurs, le graphisme mais aussi par la boxe, le mouvement, le surf… Un point commun à tous ces centres d’intérêt ?

Pour moi, c’est la même chose, il y a peu de différence entre ces modes d’expression. Ce n’est pas une posture, je le pense vraiment. Ils me font tous vibrer très fort.

Peux-tu nous parler de cette galerie lyonnaise, « Galerie Autour de l’Image » ?

Cette galerie a été créée par Thierry Bounan, lui aussi un homme d’image talentueux. Il est l’une des rares personnes dans le milieu de l’art en qui je place une totale confiance, à la fois du point de vue de l’œil, du regard, mais également de la qualité de travail et de l’amitié bien sûr. Je le connais depuis plus de 20 ans. Sa galerie se trouve en plein centre de Lyon, dans le 2e arrondissement.

L’exposition s’intitule « Enjoy ». Pourquoi ?

Parce qu’au-delà des différentes interprétations que mes pièces pourront soulever, je souhaite partager le plaisir que j’ai eu à les créer. C’est aussi ma façon de dire « Carpe Diem… » J’aurais pu dire « Ouvrons les yeux, ouvrons nos esprits ! ». Le monde est si renfermé sur ses petitesses, ses préjugés.

Aujourd’hui, l’art de la rue semble prendre le pas, ne serait-ce que médiatiquement parlant, sur les autres courants artistiques. Qu’en penses-tu ?

J’aime beaucoup le street-art, je m’en sens relativement proche. Il est l’un des miroirs de notre 21e siècle. Cependant, il ne remet pas en cause la qualité des autres mouvements artistiques qui l’ont précédé et dont il s’est nourri. L’histoire de l’art se crée dans une continuité. Le street-art en fait partie et marquera très certainement notre époque.

En quoi la peinture est-elle également un sport de combat ?

L’art en général est un « sport de combat ». Une œuvre se construit dans le travail, avec des échecs, des doutes, des flamboyances et du génie… mais aussi avec des petits riens de tous les jours, un (dés) équilibre entre le quotidien et ce qui le transcende, une alchimie mystérieuse qui repose sur un manque, une déchirure.

Ton travail repose aussi sur le recyclage… Recycler, c’est incontournable aujourd’hui ?

Mon travail s’appuie sur mon quotidien, le capharnaüm de mon atelier, ma vie de tous les jours, mon passé, mon enfance, mon avenir, mes doutes, mes envies… tout ce bagage, ce vécu n’est-il pas recyclable ? Transformé, découpé, broyé, métamorphosé, copié-collé même parfois, pour créer quelque chose de neuf ?

En tant qu’artiste, comment juges-tu le paysage artistique stéphanois ?

Saint-Étienne m’est toujours apparue comme une ville à très fort potentiel artistique, et ce, dans tous les domaines. Ce que je regrette par contre, c’est ce manque d’assurance, de confiance en son potentiel, je ne sais pas trop comment le qualifier, ce sentiment que j’appellerais le syndrome de « Poulidor ». À Saint-Étienne, on préfère les deuxièmes, ceux qui restent un peu dans l’ombre des premiers… Va savoir pourquoi !…

Selon toi, la ville est-elle dotée de structures ou de manifestations suffisantes pour accompagner les plasticiens locaux ?

Sans vouloir soulever de polémiques, je persiste à regretter la manifestation « Art dans la Ville » qui me semblait vraiment exceptionnelle, très réussie à tous points de vue, à la fois élitiste et populaire, qualitative et variée. Mais nous avons la chance d’avoir un fabuleux Musée d’Art Moderne et Contemporain dont les collections et les expositions sont d’une excellence rare. Sans oublier la Biennale de Design qui, au fil des éditions, a su atteindre un niveau qualitatif très relevé. Je ne crois pas que les artistes plasticiens, à titre individuel, doivent chercher un tremplin particulier auprès de leur municipalité pour leur carrière respective. Il faut savoir sortir de son environnement immédiat pour cela.

Dans quelle mesure les institutions publiques doivent-elles soutenir ou accompagner les plasticiens et plus généralement les artistes ?

En évitant le fameux « syndrome de Poulidor » par exemple… !!!

Tu crées des œuvres qui sont destinées à être vendues. Quel rapport entretiens-tu avec ces acheteurs ?

J’ai très peu de contacts avec les acheteurs de mes pièces, je ne m’occupe jamais de la vente directement, ce sont mes galeristes qui s’en chargent, et ils le font très bien. Certaines de mes pièces se sont vendues au-delà des frontières, c’est impossible de connaître personnellement tous ces collectionneurs. Ceci dit, je suis plus à l’aise pour discuter de l’interprétation d’une couleur, ou même de la pluie et du beau temps, que d’envisager une négociation. J’en profite d’ailleurs pour adresser un petit clin d’œil à la galerie Bertheas qui me représente à Saint-Étienne, Vichy, et Paris.

Aurais-tu pu ou aurais-tu aimé vivre de ton art, et pourquoi ?

Je commence à en vivre en partie et j’aimerais bien que cette tendance s’amplifie au fil des prochaines années. Ce n’est pas pour autant que j’abandonnerais mes autres activités car elles sont complémentaires. Mais l’art est synonyme de liberté…

Tu as fait de la vidéo à une époque. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Je continue à répondre à des commandes de travaux audiovisuels mais le cinéma est un travail collectif dans lequel je me sens moins à l’aise artistiquement car moins indépendant.

Internet a-t-il révolutionné la création et la diffusion artistique au même titre que la musique ?

Bien sûr, et notamment dans la diffusion. C’est un outil indispensable dont on aurait bien tort de vouloir se passer, si toutefois c’était possible…

Es-tu optimiste en tant qu’entrepreneur et artiste ?

Je suis plein de doutes… mais on ne se refait pas !