Dans le cadre de ses fonctions municipales, Norah Khennouf est partie prenante dans l’organisation de la Fête du Livre qui aura lieu du 12 au 14 octobre prochain. Rencontre :

Quelle est votre délégation précise ?
Je suis conseillère municipale déléguée au livre et à la lecture. Parallèlement, je suis professeur de lettres et d’histoire : mon CAPES me permet d’enseigner trois matières différentes, lettres, histoire et géographie. J’enseigne actuellement au lycée Benoît Charvet à Saint-Etienne. J’ai également soutenu une thèse de doctorat et je suis aussi enseignante à l’université de Saint-Etienne où j’enseigne l’histoire des relations internationales et l’histoire moderne aux 1ères années de licence d’histoire.

Vous avez suivi l’ensemble de votre cursus universitaire sur Saint-Etienne ?
J’ai fait l’ensemble de mes études en effet sur Saint-Etienne puis Lyon, à l’Université Lyon 3.
Quelles seront les nouveautés de la prochaine Fête du Livre ?
Dans la continuité de l’action que nous avons mise en place depuis 2008, nous poursuivons notre volonté de réunir l’ensemble des institutions culturelles autour de la Fête du livre. Cette année, nous aurons donc l’école d’Architecture qui ouvrira ses portes et accueillera le public stéphanois.
Il y aura aussi un grand colloque culinaire qui va rassembler des personnes issues du milieu de la gastronomie française qui pourront échanger avec des designers…

Et l’absence du chapiteau de la place de l’hôtel de ville…
Pour cause de travaux, en effet, la Fête du Livre investit les places Jean Jaurès et Jacquard. Il y aura un chapiteau général « roman-littérature » place Jean Jaurès, et un chapiteau « littérature jeunesse » à Jacquard. Il était important pour nous de maintenir cette édition 2012 malgré les travaux de la place de l’hôtel de ville.

Une annulation de la fête du livre avait été envisagée ?
Oui, ça avait été envisagé, mais au final, nous avons décidé de maintenir cette édition même avec ce déplacement. La Fête du Livre représente beaucoup aux yeux des Stéphanois et il nous a paru essentiel de la maintenir coûte que coûte. Les Stéphanois n’auraient pas compris pourquoi nous aurions mis le livre de côté…

Vous avez participé à la Fête du Livre en tant qu’auteur, je crois…
Depuis les années 2000, je participe régulièrement à la Fête du Livre en ma qualité de professeur puisque j’ai toujours accueilli des auteurs dans mon établissement et nous organisions également des petits-déjeuners avec les auteurs… Ensuite, en tant qu’élue, j’ai participé à l’orientation de la Fête du Livre, avec notamment la mise en place, une semaine avant l’arrivée des auteurs, d’un dispositif visant à l’information du public stéphanois. Il m’a toujours paru important de sensibiliser le grand public au rôle de la lecture et, donc, du livre. Enfin, j’ai participé l’année dernière à la Fête du Livre en tant qu’auteur : j’ai présenté un premier ouvrage, une réécriture de ma thèse de doctorat et un second livre qui retrace mon parcours personnel.

Que représente, d’après vous, la Fête du Livre aux yeux des stéphanois ?
Il est important de sauvegarder, je crois, cette rencontre unique avec les auteurs. A mon sens, pouvoir rencontrer des auteurs auxquels on n’aurait jamais pu avoir accès autrement, et échanger avec eux, me paraît primordial. Je crois qu’il s’agit réellement d’une chance énorme de voir, en réalité, ces auteurs. Il faut privilégier des moments de rencontre. C’est, quelque part, une dimension sacrée. Mais, je sais aussi que cette rencontre ne suffit pas ou plus. Il est encore plus intéressant de pouvoir échanger avec les auteurs,  via notamment des conférences, des débats ou des rencontres.

A-t-on réellement le temps de faire ces échanges durant la Fête du Livre, avec le monde, le bruit, la cohue…
Je le crois, oui, car il y a des moments pour ça. Certains lecteurs se suffisent de la simple proximité de l’auteur, c’était mon cas d’ailleurs en tant que visiteur. D’autres lecteurs rêvent de pouvoir échanger avec leurs auteurs favoris. Notre rôle d’élu est justement de mettre en place les conditions pour rendre possibles ces instants rares et précieux. Ces moments peuvent exister à la seule condition de bien veiller à la mise en place d’une programmation offrant ces possibilités dans des endroits bien précis et balisés. Des cafés littéraires, des conférences, des lectures… Je souhaite renforcer ces aspects de la Fête du Livre. Ces rencontres peuvent se dérouler dans les médiathèques, les structures culturelles, les associations ou les cafés littéraires. Je sais que le public attend avec impatience ces échanges.

Quel est votre rapport au livre ?
Il est particulier, mon rapport au livre… Me concernant, le livre a été un vrai compagnon depuis ma plus tendre enfance, depuis que j’ai su lire, en fait, c’est ce que j’explique d’ailleurs dans mon livre. Mon interlocuteur principal, tout au long de mon existence, a bien été le livre.

Quel fût le déclic de cette passion ?
Pour être franche, je me souviens plus précisément ce qui a déclenché cet amour du livre étant jeune… J’ai interrogé ma mère… Je me souviens qu’en classe de CE2, je me suis retrouvée enfermée, par accident, dans la bibliothèque de l’école que je fréquentais à L’Horme. Ma mère a coutume de dire qu’elle m’a toujours vu avec un livre à la main. D’après ma mère, j’étais une enfant très calme grâce aux livres…

Si, aujourd’hui, le livre est présent dans bien des familles, j’imagine que chez vous, à l’époque, les livres n’étaient pas forcément présents à la maison…
C’est vrai, il n’y avait pas de livre à la maison et je n’ai jamais reçu aucun livre en cadeau, enfant. Ceci dit, sans trop savoir pourquoi, ma mère a toujours souhaité lire. Nous n’avions pas de livre à la maison mais, paradoxalement, le premier meuble que ma mère a souhaité, c’est une bibliothèque justement. Une bibliothèque vide, moche, mais elle était là, je m’en souviens parfaitement bien. Après, peu à peu, cette bibliothèque s’est remplie mais elle était toujours fermée à clé, et nous ne l’ouvrions qu’avec soin et minutie. Cette bibliothèque était sacrée aux yeux de ma mère.

Cet amour du livre n’a-t-il touché personne d’autre de votre famille ?
J’ai pu transmettre cet amour du livre à mon jeune frère, qui avait un an de moins que moi. Grâce au livre, nous avons développé un rapport exceptionnel entre nous. Je lisais les livres, et je lui en parlais après. Mon frère était, pendant longtemps, la première personne et la seule avec qui j’échangeais au sujet des livres. Mon frère a écouté et entendu toutes mes réflexions, mes interrogations, mes doutes… Je me souviens que toutes mes questions sur la condition de la femme, sur le rapport amoureux, sur la relation de fidélité, sur l’engagement politique, c’est lui qui les a écouté en premier. Tout cela grâce aux livres. Parfois, nous en parlons avec mon frère et il m’avoue que ma passion du livre a rejailli sur lui d’une manière toute aussi déterminante.

Comment s’est fait votre accès aux livres ?
Essentiellement grâce à la bibliothèque scolaire : mon instituteur, qui avait bien saisi la nature de ma passion, m’avait donné la clé de cette bibliothèque. Je pouvais donc piocher dedans à ma guise… Ensuite, non loin de chez moi à L’Horme, se trouvait un petit bouquiniste que je fréquentais souvent. Ce bouquiniste nous reprenait les livres d’occasions que l’on échangeait, avec mon frère, contre de nouveaux livres. Ça ne coûtait pas grand chose à l’époque. J’ai souvenir d’avoir découvert tous les grands romans de la littérature française grâce à ce bouquiniste et grâce à ceux aussi que l’on trouvait sur le marché de L’Horme… Mon frère, lui, était plus attiré par les bandes dessinées à vrai dire… Ce bouquiniste qui s’appelait Mr. Bardel, à la longue, a fini par donner les livres… On m’a toujours donné deux choses dans la vie, des livres et, curieusement, des fruits.

Du coup, quels sont les auteurs qui vous ont marqué ?
Au départ, j’ai beaucoup aimé les romans de chevalerie, dont Dumas bien sûr, Don Quichotte… J’aimais par-dessus tout la figure du héros. Ce héros justicier et l’honnêteté qui va avec. C’est peut-être là qu’il faut retrouver les sources de mon engagement. Ensuite, j’ai dévoré toute l’œuvre de Jean-Paul Sartre, oui. J’ai adoré Sartre. A tel point que je l’appelais mon amant spirituel. J’ai aimé sa force, ses idées…

Avec le recul, on dit que Sartre, qui avait un énorme succès à son époque, avait presque « tout faux » alors que Camus, qui était plus décrié, avait lui tout juste…
J’ai toujours entendu cette remarque selon laquelle Sartre aurait eu « tout faux »… Je ne suis pas d’accord avec ça. Sartre n’a pas eu « tout faux »…

On ne peut pas dire qu’il ai eu « tout juste » sur le communisme…
Alors oui, peut-être s’est-il trompé sur les idéologies, oui. Mais pas sur les hommes. Pour moi, Sartre, c’était surtout les pièces de théâtre plus que l’engagement politique. Ce qui m’attirait chez lui, c’était la justesse de ses analyses de l’être humain. Du comportement humain, dans « La nausée » ou « Huis clos », c’est remarquable. C’est ça qui m’intéressait chez lui, cette parfaite description de l’âme humaine.

Vous êtes-vous ensuite penché sur la littérature algérienne, pour une sorte de retour aux racines ?
Je suis effectivement d’origine algérienne. Mais, je n’ai pas beaucoup lu à ce sujet. J’ai eu la chance de pouvoir interroger directement mes grands-parents à ce propos, je n’ai donc pas eu forcément le besoin d’aller voir ailleurs. Ensuite, j’ai été rassasiée sur ce sujet au cours de mes études d’histoire.

Pas tant dans la lecture ?
Non, c’est vrai. Mes lectures m’ont permis, comme je le disais, de découvrir toute la littérature française mais aussi russe et américaine.

Plus jeune, participiez-vous aux fêtes du livre en tant que visiteur ?
Etudiante, je participais à toutes les fêtes du livre, mais voir les auteurs, les observer me suffisait. Jamais je n’aurais osé aller les aborder. Juste les voir, ça m’allait. C’étaient des moments magiques pour moi, il m’importait de ressentir l’ambiance, de percevoir cette fièvre propre aux livres en quelque sorte. J’étais sans cesse en observation. Après, je ne voulais surtout pas déranger les auteurs aussi.

Maintenant que vous agissez dans l’organisation de la Fête du Livre, que pourriez-vous faire pour l’étudiante que vous étiez à l’époque ?
J’en parlais récemment avec mes élèves. Je leur disais que pour moi, la seule richesse facile d’accès vient au contact des livres. La seule inégalité qui nous touche, c’est bien celle de la connaissance. Et les livres permettent justement d’acquérir facilement cette connaissance. Il faudrait que tout le monde s’en rende bien compte. Je suis la preuve de tout cela… C’est aussi pour cela que je crois que, politiquement et à un niveau général, on ne défend pas assez la lecture.

Nous avons baissé les bras ?
Non, nous avons tout simplement oublié.

Le succès des grands romans d’adolescents, Harry Potter, Twilight…, semble confirmer le contraire, non ?
C’est bien de lire Harry Potter mais cela ne suffit pas. C’est vrai que ce genre de livres donne une première rigueur dans la lecture car il s’agit d’ouvrages assez conséquents. J’irai un peu plus loin : je pense que la vraie réforme de l’Education Nationale serait de mettre en place, et ce dès la maternelle, d’ateliers de lecture. Le problème en France, c’est que les gens qui lisent ne côtoient que d’autres gens qui lisent. On oublie les autres. On ne réfléchit pas à une stratégie globale en faveur de la lecture.

 Au lieu d’offrir des ordinateurs aux collégiens, ne ferait-on pas mieux d’offrir des livres ?
Il conviendrait, effectivement, de développer de vraies actions en faveur de la lecture. La lecture permet non seulement d’acquérir les bases et les ambiguïtés de la langue française, mais elle permet aussi de maîtriser le rythme et de développer les imaginaires. J’ai rêvé grâce aux livres comme j’ai appris à comprendre les tenants et les aboutissants de notre société contemporaine. Grâce aux livres, je me suis sentie pleinement familière de ce que pouvait être la France. Je me suis sentie pleinement française grâce aux livres.

Une partie de notre jeunesse ne se sent plus française…
Je veux parler de la jeunesse dans sa globalité, une partie de cette jeunesse ne connaît plus ni la société d’hier, ni la société d’aujourd’hui. C’est en tout cas ce que je ressens en tant qu’enseignante. Il y a aujourd’hui un vrai fossé entre leur quotidien et la France. C’est pour cela que je n’accepte pas cette inégalité des connaissances. Cette inégalité peut être gommée si on s’en donne les moyens. A Saint-Etienne, j’aimerais mettre en place ces ateliers de  lecture avec la rencontre des auteurs.

C’est compliqué à mettre en place ?
Pour moi, rien n’est compliqué à partir du moment où on a la volonté de faire les choses.
A Saint-Etienne, avez-vous les moyens de mettre en place toutes vos idées sur la lecture ?
Je ne crois pas avoir assez de moyen, non. Je n’ai pas les moyens de mettre en place  ma politique en faveur de la lecture, non.

Vous n’avez pas les moyens de mettre en place « ces fameux ateliers de lecture » pour réinstaller le goût à la lecture puis à la connaissance ?
C’est justement mon défi. Pour l’instant, tout le monde n’est pas convaincu de cela. Or, je crois qu’il s’agit d’un vrai défi pour notre cité. Le livre est là. Il est là. Avec le soutien de Jacques Plaine, nous avons déjà mis en place des lectures dans les maisons de retraites… La médiathèque propose une programmation très riche à ce sujet… A partir du moment où l’élu est motivé, les personnes derrière seront motivées. Mais il faut cette motivation au plus haut sommet de la hiérarchie.

Pourquoi vous êtes-vous engagée en politique ?
Pourquoi, je me suis engagée… En fait, j’ai toujours été engagée pour donner aux autres. Intrinsèquement, je suis quelqu’un qui aime donner, qui aime transmettre ce que j’ai. Ce que je connais, je veux le transmettre, je ne veux surtout pas le garder pour moi. Après, j’aime beaucoup cette ville et les stéphanois. Au départ, mon engagement est social, éducatif et associatif avant d’être réellement politique.

Que retirez-vous de cet engagement politique?
Balzac, Zola, Dostoïevski…(que j’ai lu et relu) m’ont permis de ne pas être surprise par les hommes et les femmes. Je connais bien la psychologie humaine. Je n’ai donc pas été surprise par les passions humaines que l’on voit en politique.

Une chose est de lire, une autre est de vivre…
C’est vrai, mais j’ai eu la chance de bien connaître ce monde avant de le vivre, justement. Grâce à ma passion pour la lecture, et tous les grands auteurs de l’âme humaine, j’ai pu prendre un peu de recul face à tout cela.

Comment jugez-vous votre expérience politique ?
C’est une très belle expérience qui m’a beaucoup apporté, tant au niveau du rapport aux autres (j’ai un naturel empathique) qu’au niveau de la collectivité, que j’ai appris à connaître. J’ai également mieux compris comment fonctionne notre pays, les rouages administratifs et politiques. J’ai la chance de beaucoup voyager également. Mon parcours universitaire m’a permis de me sentir bien en tant qu’élue.

Est-ce facile pour vous, femme à la quarantenaire d’origine algérienne, d’être élue municipale aujourd’hui en France ?
Pour moi, c’est beau. C’est surtout beau.

Et facile ?
Concrètement… Oui, c’est facile parce que je me sens portée par les stéphanois que je rencontre au quotidien.

Est-ce facile au sein de votre communauté ?
Ma communauté est très fière de mon action et de ma présence au sein de la municipalité.
On sait que dans certains quartiers, on juge cruellement l’action de Fadela Amara ou de Rachida Dati…
C’est peut-être moins vrai au niveau local parce qu’on me connaissait déjà en tant qu’enseignante. A Saint-Etienne, j’ai une certaine légitimité et reconnaissance que je n’aurai peut-être pas ailleurs. C’est ça la différence. Mon ancrage local m’a permis de passer outre ces réticences ou reproches.

Au sein de votre communauté, ce sentiment de désamour avec la France est-il encore prégnant, surtout en ce moment avec toutes ces histoires autour de l’Islamisme… ?
Je comprends ce que vous voulez dire. Ce que je ressens, c’est avant tout une formidable envie et volonté d’aller de l’avant, de faire bouger les lignes. La notion de ressentie est dépassée. Aujourd’hui je constate une volonté de s’en sortir, d’avancer.  Je crois que tout le monde a bien compris qu’il était nécessaire pour nous tous de nous battre pour changer les choses et je crois qu’on a cette intention-là. L’aspect positif, je crois, de la mandature de Nicolas Sarkozy, c’est justement qu’il a sensibilisé la communauté maghrébine à la pratique politique et aux élections. Avec lui, nous avons compris que nous devions nous prendre en mains. Aujourd’hui, les jeunes parlent plus facilement de politique qu’avant. Et c’est à nous de ne pas les décevoir. C’est sans doute cela qui nous différencie des autres, c’est qu’on porte plus de choses, plus de symboles aussi. D’autant plus lorsqu’on est une femme. En moi, je porte les espoirs de ceux qui sont issus de ma communauté mais aussi de toutes les femmes qui ont été soumises… Je porte aussi les espoirs de ceux qui aiment les livres, des universitaires aussi, parce qu’ici on a envie d’une vraie politique de gauche, axée sur un engagement intellectuel et quotidien.

En tant que professeur, vous êtes en contact permanent avec les jeunes. Comment les sentez-vous ?
Je les sens concernés en fait. Je crois qu’il y a une grande méprise à ce sujet. On les croit futiles ou désintéressés, alors qu’ils sont très impliqués et qu’ils ne font qu’observer et écouter ce que nous, adultes, nous faisons ou racontons. Ils réfléchissent même très vite selon moi. Je les sens très réceptifs et ils vont de plus en plus vite. C’est à nous de nous mettre à leur niveau.

Que pensez-vous de l’affaire Richard Millet (auteur d’un « Eloge littéraire d’Anders Breivik »)…
Je suis, par nature, contre toute censure. Quelle qu’elle puisse être. Nous devons être capables de tout entendre. Dans le cas inverse, nous ne serions qu’hypocrites.

Des lois fixent le cadre, pourtant, de la liberté d’expression…
C’est vrai, mais elles se suffisent à elles-mêmes. Je ne suis pour aucune interdiction. Il nous faut simplement rappeler la responsabilité de ces personnes. J’ai mis beaucoup de temps à lire Céline, par exemple. C’était terrible. Il faut libérer la parole et donner au lecteur la liberté de leur jugement. Il faut considérer l’artiste dans ce que j’appelle son « intentionnalité ». Il faut utiliser l’écrit pour montrer la véritable « intentionnalité » de l’auteur. Il faut travailler sur l’intention de l’auteur, donc de l’homme, les deux sont intimement liés. Pour reprendre l’exemple de Céline, lorsqu’on lit « Voyage au bout de la nuit », je crois qu’on peut percevoir les germes de ce qu’il a écrit par ailleurs : rien n’est dû au hasard. Céline ne parle pas par hasard d’une certaine caste sociale, il y a bien une intention de départ derrière cela. C’est cette intentionnalité première que l’on retrouvera derrière ses prises de positions ou écrits antisémites. C’est ça qui est important. La société doit composer aussi avec ces auteurs. Il faut même les lire et se construire son propre jugement. Le lynchage ne sert à rien mais je reste persuadée qu’il faut dire à ces gens ce qu’ils sont réellement. Il ne faut pas avoir peur de dire les choses.

Une belle conclusion…