Ancien ingénieur des Houillères de la Loire et actuel président de l’Association des Amis du musée de la mine de Saint-Etienne, partons à la découverte de l’une des gueules noires de Saint-Étienne présente dans le livre de Pascal Pacaly « Gueules Noires de Sainté et d’ailleurs », Michel Béal !
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Bonjour Michel, vous êtes présent dans le livre des « Gueules Noires » : avant d’aller plus loin, sait-on l’origine de l’expression des Gueules Noires ? Un journaliste ? Un mineur ? dans le Nord ou à Saint-Étienne ?
Il est difficile de préciser de quel bassin charbonnier provient l’expression « gueules noires » pour désigner les mineurs mais par contre l’origine provient de l’aspect qu’avaient les mineurs lorsqu’ils remontaient du fond le visage noirci par le charbon. Les mineurs du 19ème siècle ne disposaient pas de lavabos dans les puits où ils travaillaient au fond (ces lavabos ne sont devenus obligatoires pour les compagnies qu’au début du 20ème siècle), et rentraient chez eux pour se laver et leurs visages noircis étaient donc bien visibles par la population d’où le surnom de gueules noires qui les désignaient.
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Vous avez été ingénieur aux Houillères de la Loire pendant de longues années. Si l’on vous demande de fermer les yeux et de nous dire quelles sont les premières images qui vous viennent à l’esprit ?
J’ai débuté ma carrière au puits Charles à Roche la Molière en 1970 et j’ai ensuite été affecté au puits Pigeot à La Ricamarie mais j’avais déjà une bonne expérience du fond de la mine acquise lors de ma formation à l’école des mines d’Alès. J’ai aussi effectué quelques visites au puits Couriot avant sa fermeture. Par contre je me souviens de ma première visite d’une mine en 1964 dans les Houillères des Cévennes avec l’impression d’avoir été dans un labyrinthe noir sans aucun point de repère ! Lors du travail habituel nous nous dirigions facilement dans les galeries car nous avions le plan de la mine dans la tête.
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Vous avez été dans les derniers à fermer les puits Pigeot de la Ricamarie et Flottard du Chambon-Feugerolles et … une époque se tournait… mais vous vous y attendiez depuis quelques années, c’est bien cela ?
J’ai été effectivement le dernier ingénieur du fond lors de la fermeture du puits Pigeot en 1983 et avec notre ami regretté Jean Meyer qui était le chef de siège, nous avons effectué ensemble la dernière descente par le puits Flottard alors que le fond du puits Pigeot était déjà noyé suite à l’arrêt des pompes. Une dernière visite bien triste, achevée les pieds dans l’eau dans le travers-bancs, car nous avions conscience que nous mettions un terme à plusieurs siècles d’exploitation du charbon qui avaient permis le développement industriel du bassin stéphanois mais surtout marqués par le dur travail des générations de mineurs qui s’y étaient succédés et par le lourd tribut qu’ils avaient payé suite notamment aux accidents, aux catastrophes et à la silicose.
La fermeture des Houillères de la Loire avait été annoncée pour 1973 puis décalée en 1975 mais la crise pétrolière, suite à la guerre du Kippour fin 1973, nous avait donné un nouveau report car le charbon était devenu un peu plus compétitif par rapport au pétrole et ensuite l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 a permis une ultime prolongation et au total le sursis aura duré 10 ans ce qui a permis à de nombreux mineurs d’accéder à une retraite ou de se reconvertir dans les industries locales, quelques-uns ont été mutés dans d’autres mines du Centre et du Midi, ainsi il n’y a eu aucun licenciement.
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Quel rapport y avait-il entre les ingénieurs et les mineurs de fonds ? Cela dépendait-il des villes, des puits ?
Dans les Houillères de la Loire et pendant ma période d’activité les rapports avec les mineurs de fond ont été bons, parfois rudes, mais avec du respect réciproque et beaucoup de dialogue dans une entreprise qui restait très hiérarchisée et qui a eu un passé marqué par de nombreuses et parfois douloureuses luttes sociales.
L’ambiance était un peu différente suivant les puits, par exemple plus réactive coté social et syndical aux puits Couriot à Saint-Etienne et Pigeot à La Ricamarie qu’au puits Charles à Roche la Molière ! Peu avant la fermeture les mineurs ont occupé le fond plusieurs mois pour s’opposer à la fermeture mais je n’ai eu aucun problème pour aller visiter les chantiers pour vérifier le maintien des conditions de sécurité.
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Président des amis du musée de la Mine… un musée qui a failli ne pas voir le jour, au début du moins… pourquoi donc ?
En effet 18 ans se sont écoulés entre la fermeture du puits Couriot et l’ouverture du musée de la mine. L’idée de faire un musée était bien présente dès la fermeture et sous l’impulsion d’Henri Bonardot, notre regretté premier Président, un groupe s’est constitué d’anciens mineurs et d’autres personnalités attachées au passé minier de Saint-Etienne, pour porter ce projet auprès des municipalités successives et créer notre association d’amis en 1986. Les choses ont trainé car il y avait débat : certains voulaient effacer toutes traces du passé minier de Saint-Etienne pour gommer l’image passéiste que soi-disant cela donnerait de la ville, d’autres défendaient la préservation de cette histoire minière qui avait contribuée à son développement. Pendant le mandat de M. Sanguedolce avec le soutien d’Alain Cornut, adjoint à la culture, les premiers travaux de sauvegarde ont pu commencer puis avec le changement de municipalité et l’arrivée de M.Dubanchet la priorité fut donnée à la construction du musée d’art moderne et ensuite le chantier du musée de la mine et de sa galerie reconstituée sera lancé et le musée a pu enfin ouvrir pour la Sainte-Barbe 1991.
Notre association s’est aussi progressivement développée lors de la longue présidence de notre ami regretté Bernard Chaton. Aujourd’hui le musée de la mine connaît un succès de fréquentation et d’estime ayant d’ailleurs été désigné comme musée de la Loire préféré du public.
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Selon vous les stéphanois sont-ils toujours attachés à leur passé de mineur ?
Les stéphanois se reconnaissent dans l’histoire minière de leur ville et s’identifient aux valeurs de travail, de solidarité et de diversité attribuées aux mineurs. D’ailleurs des éléments du patrimoine minier comme le puits Couriot, les crassiers ou la lampe à flamme sont très souvent utilisés pour symboliser le bassin stéphanois. Au sein de notre association nous avons bien constaté concrètement l’attachement des stéphanois à leur passé minier en effet à l’origine elle était constituée de 180 membres essentiellement d’anciens mineurs et nous sommes actuellement 400 avec seulement une trentaine d’anciens des houillères suite à l’effet du temps qui passe, d’autres membres nous ayant rejoints par lien familial au monde de la mine ou attachés à la conservation de la mémoire minière de Saint-Etienne.