Originaire de Brooklyn et partenaire, dans les années 80, de Miles Davis, Marcus Miller est certainement l’un des plus grands Jazzmen toujours en activité. Rencontre avec un bassiste d’exception :

Quel rapport entretenez-vous avec le public français ?
Je joue en France depuis très longtemps. Je suis venu la 1ère fois en 1981 avec Miles. J’ai le sentiment que le public français et moi avons grandi ensemble. C’est une sensation très agréable. Le public français m’encourage à évoluer et à progresser. On dirait qu’ils apprécient ce chemin parcouru ensemble.

On a la chance de vous entendre régulièrement en France… En quoi le public français est-il différent des autres ?
Je ressens, en France, une profonde compréhension de la musique en général et du jazz en particulier. On a de la chance que des gens, partout dans le monde, aiment ce que l’on fait, mais on dirait que les français sont capables de faire un lien entre ce que je fais et l’histoire du jazz. Je peux jouer une balade des années 50 et il y aura de nombreuses personnes parmi le public français qui va reconnaître le morceau et sourire.

Beaucoup de musiciens américains connaissent ou ont connu un plus grand succès en France plutôt qu’aux Etats-Unis. Comment l’expliquez-vous ?
Le jazz a une relation forte avec l’histoire. La culture française respecte l’art qui a une histoire riche. L’Amérique est plus préoccupée par ce qui se passe actuellement ou par ce qui va bientôt sortir. Et donc, les musiciens qui jouent un jazz aux accents plus classiques/ historiques trouveront un accueil plus large en France.

Vous apportez une touche de musique brésilienne dans « Renaissance » avec le morceau « Setembro ». Qu’est-ce qui vous attire dans cette musique brésilienne ?
J’aime la grâce de la musique brésilienne. On y trouve un très bel équilibre entre harmonie et rythme qui est très différent de ce que l’on peut trouver ailleurs. Ca vous fait vous sentir si bien !

On dit de «Renaissance» qu’il est l’un de vos meilleurs albums. Qu’en pensez-vous avec le recul ?
Je suis très content avec “Renaissance”. La meilleure chose que je puisse en dire, c’est que quand je l’écoute, ça me donne envie de sourire et je ressens de la fierté tant les musiciens jouent bien.

Présenterez-vous l’album « Renaissance » sur cette nouvelle tournée ?
Notre spectacle actuel est 95% issu de Renaissance. C’est plutôt rare de jouer principalement des morceaux nouveaux, mais le public répond de façon incroyable à cette musique.

Quel genre de musique écoutez-vous au quotidien ?
Des années 50, j’aime écouter Coltrane et Miles, des années 70, j’aime le R&B (Aretha, Gladys Knight), Herbie Hancock (surtout son travail des années 60 et 70). J’écoute Common Mos Def, Q-Tip et Jay-Dee (hip-hop) et j’aime des pianistes actuels comme Robert Glasper et Aaron Parks et le saxophoniste Joshua Redman.
Vous avez composé notamment pour Miles Davis. Vous considérez-vous tout d’abord comme compositeur ou interprète ?
J’ai toujours pensé que pour être un musicien complet, il fallait aussi composer. Je pense que mes compositions me rendent différent d’autres bassistes, mais me relient quand même à certains de mes préférés qui étaient d’ailleurs aussi des compositeurs comme Mingus et Jaco Pastorius.

Lorsque vous avez présenté « Tutu » à Miles Davis, dans quel état étiez-vous ?
Je suis parti pour Los Angeles (Californie) pour présenter à Miles 3 chansons que j’avais écrites : Tutu, Portia et Splatch. J’étais un peu nerveux, mais il a aimé les morceaux et m’a encouragé à continuer à écrire.

De nombreux musiciens font appel à vous pour leur enregistrement en studio. Est-ce une forme de reconnaissance pour vous ?
C’est génial que des gens me demandent d’enregistrer avec eux. Je ne peux pas le faire autant qu’avant parce que ma propre carrière d’artiste m’occupe beaucoup, mais de temps en temps c’est bien de pouvoir travailler sur la musique de quelqu’un d’autre. Ca me redonne des forces et m’ouvre de nouvelles perspectives. C’est un beau compliment quand des gens me demandent de jouer avec eux.

On sent que vous aimez être sur scène avec vos jeunes musiciens… La transmission est-elle une notion importante pour vous ?
C’est très important pour moi de transmettre aux plus jeunes, toutes les connaissances, les conseils, les anecdotes amusantes que j’ai rassemblé tout au long de ma vie. C’est comme ça que l’histoire continue.

Quelle serait pour vous le groupe idéal ?
Miles et Clifford Brown à la trompette, Herbie Hancock et Ray Charles au piano, Trane et Wayne Shorter en tenor, Charlie Parker et Maceo Parker au saxophone, Paul Chambers et Ron Carter à la contrebasse, Larry Graham et Jaco Pastorius à la basse électrique, Philly Joe Jones et Dennis Chambers à la batterie. Et c’est moi qui produirais l’enregistrement.

Jouez-vous toujours de la clarinette ?
Je joue de la clarinette basse presque à tous mes spectacles. J’adore le son.

Merci à Carole S. pour la traduction