Le stéphanois Olivier Gardon travaille depuis des années dans l’univers de la psychiatrie : il a rassemblé ses souvenirs, les faits de tous les jours, les relations entre patients et infirmiers, la violence, la fatigue, le réconfort -moral et/ou physique. Cela donne le livre « Au Service de votre folie » dont on peut en effet se demander à la vue du sous-titre, pour combien de temps ?
Olivier, tout d’abord, rapide présentation : depuis combien de temps travailles-tu dans l’univers de la psychiatrie, et pourquoi avoir choisi cette voie-là ?
Je suis infirmier en psychiatrie depuis une vingtaine d’années. Lors de mon premier stage étudiant dans un service de psy je me suis senti immédiatement à l’aise, dans un lieu où la réflexion et la parole circulaient de manière sérieuse et joyeuse à la fois, toujours avec l’objectif d’aider au mieux ceux qui en ont besoin.
On parle souvent de la psychiatrie pour la violence qu’elle peut générer, dans les structures comme dans les médias : pourtant, la psychiatrie, c’est d’abord des soins…
On a toujours tendance à avoir peur de ce que l’on ne connaît pas ! C’est pourquoi la psychiatrie génère toutes sortes de fantasmes autour de la violence… mais ce sont avant tout des personnes qui souffrent et ont besoin de contenance, les actes violents ne sont pas majoritaires, loin de là.
Tu viens de sortir « Au Service de votre folie » aux éditions des Joyeux Pendus : pourquoi cette envie d’écrire ?
C’est avant tout une envie de partager autour de ce milieu fascinant et qui m’a tant apporté professionnellement et personnellement ! La psychiatrie est l’affaire de tous, tout le monde est susceptible d’avoir besoin de soins psychiques, on se doit de se battre pour que chacun puisse se faire aider, je pense qu’il faut faire en sorte que les soignants aient les moyens nécessaires…
Tu décris cet univers à travers certains personnages, que ce soient des patients, adolescents (ainsi que leurs parents) que des infirmiers et infirmières : il en résulte un incroyable enchevêtrement de relations entre eux tous. Ces personnages sont également tirés de tes souvenirs ? Quel est celui que tu préfères ?
Les personnages sont absolument fictifs. Et leurs relations également. Mais il me semble qu’ils pourraient exister, dans leur humanité, leurs faiblesses aussi…
Je me trompe où tu décris dans ce milieu des rapports souvent basés sur l’envie physique de l’autre, c’est-à-dire, pour être plus clair : la sexualité semble assez présente dans tes personnages…
Il fallait mettre en évidence la volonté de créer de la vie face à un quotidien fait de souffrance, de manque affectif et d’injustice. C’est un roman, donc les histoires sont condensée en peu de temps… il en est de même pour les scènes de violence qui ont pu exister dans une chronologie plus grande.
Que penses-tu de la situation, réelle ? Il semble qu’un peu comme partout (notamment les hôpitaux) il y a saturation, et que beaucoup de choses et de gens craquent.
Bien sûr que les moyens diminuent d’années en années. Il y a une volonté de rationaliser des soins qui sont beaucoup basés sur le lien, l’écoute… on entend le mot « efficacité », il faut des résultats…
Il n’y a pas que ça, mais on ne peut y échapper dans le livre : la violence est belle et bien présente…
La violence sera bien plus présente à l’avenir, proportionnellement à la diminution de la qualité des soins. On a besoin de personnel dans les structures pour apporter du cadre, de la contenance. certains patients ont besoin de soins au long cours, ce qui est de moins en moins valorisé : comme partout on privilégie les séjours les plus courts possibles… je trouve rageant de voir tout ce qui a été construit ces dernières décennies se déliter progressivement… nous avons tous les moyens de soigner les gens au mieux, maintenant il s’agit de mettre les soignants dans les meilleures conditions car l’envie est toujours là, je le constate tous les jours !