Alain Rocher (Tibert lorsqu’il est sur scène) a créé le Festival des Oreilles en Pointe sur les hauteurs de Saint-Priest-en-Jarez il y a pratiquement un quart de siècle déjà. Tibert dirige toujours ce beau festival désormais installé en Vallée de l’Ondaine. Rencontre :

« Les Oreilles en Pointe » s’ouvre au monde des entreprises, une nécessité ?

Oui, c’est une nécessité face à la baisse des subventions publiques. Au-delà, c’est aussi une volonté d’insérer la culture dans la vie de la vallée, de réunir le monde du travail et celui de la culture, et de proposer des chemins de traverse pour faire se rencontrer les habitants de l’Ondaine… Et ça marche depuis 5 ans !

« Les Oreilles en Pointe » est né la même année que L’Agenda Stéphanois, quelle impression ?

Que nous devrions fêter ça ensemble ! Le sentiment d’un sacré pari mutuel, non ? Il en a fallu de la ténacité pour tenir et résister toutes ces années, souvent en étant peu soutenus et regardés comme des électrons libres qu’il faut garder à distance, et à qui on ne peut pas faire confiance…

« Les Oreilles en Pointe » a toujours fait preuve de fidélité envers les artistes, est-ce réciproque ?

Non, il n’y a pas de fidélité réciproque. Le marché des concerts est une jungle. Il peut y avoir de l’estime sans doute mais jamais de fidélité. Le spectacle se vend au plus offrant.

« Les Oreilles en Pointe » n’est pas qu’une addition de concerts, toujours aussi vrai ?

De plus en plus vrai…Les concerts, rencontres et ateliers hors les murs se multiplient et cette année, un grand chapiteau pour accueillir les groupes locaux, un espace convivial, sera installé sur un côté de la salle de la Forge pour trois soirées de folie !

« Les Oreilles en Pointe » c’est aussi un état d’esprit, lequel ?

Avant tout c’est une ouverture d’esprit : tout le monde peut participer à cette aventure amicale et culturelle. Les spectacles proposés, s’ils sont estampillés « chanson », peuvent toucher tous les styles musicaux… Il s’agit bien d’un festival ouvert sur la vie des Stéphanois pas seulement destiné à un public cible.

« Les Oreilles en Pointe » toujours pour Arno, est-ce raisonnable ?

Arno n’est pas un artiste raisonnable…Et le festival aime sa démesure et ses excès. Un des derniers artistes de cette envergure à s’engager dans ses textes et ses entrevues. Toujours accompagné de musiciens exceptionnels, ses concerts sont tous grandioses. Sans aucun doute un des grands moments de cette 26e édition !

« Les Oreilles en Pointe » en pince toujours pour les femmes, une évidence ?

La chanson est sans doute le moins macho des genres musicaux : les femmes y ont une place de choix, il est donc normal qu’on les retrouve dans le festival. Elles seront même en majorité cette année avec Emily Loizeau, Yelli Yelli, Nyna Loren, Jeanne Rochette, Anastasia, Kareyce Fotso…

« Les Oreilles en Pointe » reste accessible à toutes les bourses, une nécessité ?

Oui, c’est une nécessité…Dans une vallée et une région en grande difficulté économique, il faut préserver l’accès aux concerts. Les villes de l’Ondaine ont gardé leur dotation et leur soutien au festival et nous avons à cœur de conserver un prix le plus bas possible.

« Les Oreilles en Pointe » découvreur de talent, cette année encore ?

C’est l’axe le plus important de la direction artistique : dans cette édition, en plus de 6 groupes régionaux programmés, on ne trouve que peu de têtes d’affiche… Des séances d’écoute réalisées durant l’année en association, la participation à de nombreux concerts et festivals en Europe et au Canada permettent de dénicher chaque année de nouveaux talents…

« Les Oreilles en Pointe » s’ouvre aux artistes non francophones, une tendance ?

Cela a toujours été le cas… Chacun vient avec sa culture et sa langue. Le festival défend une biodiversité culturelle, il y en a assez du baragouin anglais et d’une musique mondialisée et sans saveur ! La découverte d’univers musicaux, des civilisations et des langues qui les nourrissent (je pense aux autochtones d’Amérique du Nord notamment invités l’an dernier) sont des trésors à préserver. L’originalité est peut-être depuis quelques années d’ouvrir une soirée sur l’hémisphère sud et l’Afrique. La découverte de Kareyce Fotso cette année fut un vrai coup de cœur.