A l’heure du tout numérique, cette semaine consacrée à l’oralité pourrait paraître anachronique, et pourtant… Rencontre avec emmanuel bardon, initiateur de l’Ecole de la l’Oralité :

Pourquoi avez-vous ressenti ce besoin de mise en avant de cette forme d’oralité ?

La transmission des patrimoines sonores est au centre de nos missions, notre cœur de métier. L’ouverture aux diversités culturelles, d’hier et aujourd’hui est un de nos principaux objectifs. L’échange de chansons, de contes, de récits, d’histoires, de mélodies, de rythmes de voix à voix nous permet une pratique collective vivante et place la rencontre entre les individus, les groupes et les cultures comme préalable à toute activité. L’oralité permet de dépasser plus facilement les barrières de langues, de s’adapter à un public large et d’éviter les discriminations générées par les méthodes d’apprentissages occidentales classiques.

Que vous a apporté cette expérience auprès des enfants de tous horizons ?

Ces rencontres enseignent d’abord à s’adapter et inventer des méthodes pédagogiques. Au-delà de la manière de transmettre il faut aussi sensibiliser les élèves à des répertoires qui leurs sont complètement inconnus, pour lesquels ils n’ont pas ou peu de repères. Aussi est-il important pour nous aujourd’hui  de penser des activités pluridisciplinaires, transversales. La multiplication des vocabulaires artistiques augmente nos chances de trouver un langage commun.

Pouvez-vous nous présenter cette semaine de l’oralité ?

Nous souhaitons pouvoir organiser tous les ans cet évènement qui nous permet à la fois de faire découvrir des chants, musiques, récits, paroles du monde et de nous questionner sur la diversité des patrimoines sonores qui nous entoure. Nous avons choisi d’organiser des activités collectives, vivantes et de valoriser tout le travail mené dans les écoles. Les cinq jours voient donc s’alterner des ateliers, des concerts, une scène ouverte, un bal, une conférence gesticulée, une projection dans 3 quartiers partenaires, Beaubrun, Solaure et le Crêt de Roc.

A qui, quel public, est destiné cette semaine de l’oralité ?

Cette semaine s’adresse à tous et toutes ! Les ateliers sont ouverts à toutes les générations et nous espérons que nos propositions inspireront un maximum de stéphanois (et non-stéphanois !) souhaitant s’initier  au flamenco, à la percussion, à la farandole, sans aucune distinction de niveau. L’idée de la billetterie participative est aussi de lever un maximum de barrières économiques.

A-t-il été facile pour vous de mobiliser des financements institutionnels, indispensables, eu égard à cette thématique singulière?

Les tutelles publiques et privées qui ont fait le choix de nous suivre dans cette aventure sont pour la plupart très engagées dans la valorisation de la diversité culturelle, dans la création artistique, dans le caractère intergénérationnel et rassembleur de nos activités. Les critiques et refus résident plus dans le caractère interdisciplinaire de nos actions, qui mêlent des sphères de l’action  culturelle fonctionnant de manière très spécialisée en France. Allier curiosité, science humaine et pratique artistique tout public est encore flou pour beaucoup. Nos propositions sont plus complexes que proposer un cours de flute, de piano, de montage vidéo isolé etc… nous sommes au service d’un propos.

Longtemps, l’Occident a sous estimé la valeur de l’oralité, notamment dans les cultures africaines… Qu’en est-il aujourd’hui ?

Quand il y a homme, il y a oralité, où que ce soit sur la planète. La voix est notre premier moyen de communication, ce n’est pas le seul. Aujourd’hui les circulations facilitées sur le globe permettent de constater, d’étudier, de vivre plus facilement d’autres modes de transmission et de les considérer à leur juste valeur, à égalité avec d’autres types d’expression comme l’écrit, utilisé à tort parfois comme instrument de domination.

Quel est le lien entre cette école de l’oralité et le chant comme le pratique l’ensemble Canticum Novum ?

C’est le croisement de l’interculturalité et du chant qui relie Canticum Novum et l’Ecole de l’Oralité. L’ensemble Canticum Novum dans son voyage musical a rencontré quantité de répertoires, de manière de chanter, de transmettre et de vivre la musique. Aujourd’hui les musiciens continuent leurs parcours de concertistes et c’est pour valoriser toutes leurs découvertes, leurs chants, rencontres qu’ils ont créé l’Ecole de l’Oralité. Cette structure est  une école de la pratique adaptée aux  niveaux de tous, à toutes les manières de chanter mais avec l’oreille et l’exigence des chanteurs de Canticum Novum.

Pourquoi la culture est-elle toujours aussi peu présente durant le cursus scolaire ?

La question est à retourner aux institutions scolaires, à notre niveau, tout ce que nous constatons c’est la prévalence des disciplines  d’enseignements classiques, en terme de masse horaire, mais cette organisation ne nous pose pas de problème. Tous nos projets en école sont en lien avec les programmes scolaires, au lieu de remplacer un cours d’histoire par un cours de musique par exemple, nous proposons de faire dialoguer esthétiques, sciences et sociétés.

semaine de l’interculturalité

du 17 au 21 mai – divers lieux – st-étienne