Un événement autour de la justice
Comme chaque année depuis sa création, l’équipe de la Laverie, programmatrice de spectacles notamment d’arts de la rue, nous propose de découvrir un temps fort inédit. Spectacles vivants donc, mais aussi animations, concerts, ateliers, projections, rencontres,… viendront ponctuer non pas quelques jours de festivités mais bien un mois complet, du 2 au 30 avril, dans divers lieux à Saint-Etienne. Cette année le thème est la justice. Nous avons rencontré l’équipe de la Laverie qui nous donne ici les grandes lignes de ce qu’il faut bien qualifier d’événement exceptionnel.
Peut-on dire quelques mots pour rappeler ce qu’est La Laverie et quelles sont vos différentes activités ?
La Laverie c’est avant tout une bande de potes qui, il y a 8 ans, a décidé de programmer des spectacles dans l’espace public à une époque où il n’y avait pas vraiment de dynamique autour des arts de la rue à Saint-Etienne. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, les arts de la rue se sont bien développés grâce à de nombreuses autres structures et compagnies. Et on s’en réjouit ! Nous nous déplaçons dans plusieurs festivals d’arts de rue pour découvrir des spectacles. Et, lorsque nous avons des coups de cœur, nous cherchons à les faire découvrir aux stéphanois·es !
Pour nous, l’idée n’est pas de simplement programmer des spectacles. Ça nous tient à cœur que ceux-ci soient avant tout un prétexte à la rencontre. Nous sommes plutôt des organisateurs et organisatrices d’événements d’arts de la rue qui occupent l’espace public de différentes manières. Par exemple, en créant des scénographies inédites pour l’occasion. Nos événements s’orientent autour de thématiques fortes avec des univers parfois sérieux, parfois festifs, parfois hybrides ! Nous avons ainsi organisé une nuit de l’insomnie dans le Parc Montaud, une fête foraine artisanale et décalée, un événement sur la thématique des folies, des spectacles « livrés » chez l’habitant… et tant d’autres !
On est aussi dans une période où la culture est mise à mal. Désinformations, manipulations… se répandent sur les réseaux et les médias de manière alarmante. Que peuvent les artistes, les associations telles que la Laverie, les festivals comme celui dont on va parler ici ?
Même si ce n’est pas facile, on essaye de ne pas trop se laisser plomber… Nous essayons de créer de nouveaux possibles, notamment autour de l’occupation de l’espace public en tentant de montrer que tout n’est pas figé et que l’espace public peut aussi être modelé et transformé. Quand on amène les gens à voyager dans leur propre ville dans des univers complètement différents, on se dit que cela a du sens.
Cela résonne avec ce que font les compagnies des arts de la rue qui choisissent de jouer dehors plutôt que dans des salles de spectacles, qui peuvent parfois sembler être une « frontière symbolique », et utilisent la ville et son quotidien comme décor.
Cette année donc, votre grand temps fort a pour titre « Le droit dans l’œil », et pour fil conducteur la justice. Pourquoi cette thématique ?
Il y a 2 ans, nous avons découvert le spectacle « Héroïne, une épopée au cœur d’un tribunal » créé par une compagnie qui nous est chère : Les Arts Oseurs. Nous avions d’ailleurs accueilli leur précédent spectacle en 2019 : « Les Tondues » qui avaient joué en déambulation dans le quartier du Soleil. Déjà, nous avions organisé de nombreux rebonds autour du spectacle pendant une semaine lors d’un événement intitulé « 2 poids, 2 mesures », construit en partenariat avec l’équipe d’Avataria.
Pour son nouveau spectacle, Périne Faivre, la metteuse en scène, s’est rendue régulièrement et pendant 14 mois dans le tribunal de sa ville. Elle s’y est immergée dans les moindres recoins : les audiences, la salle des pas perdus, la machine à café, les réunions d’avocat·es… À partir de ces observations, elle a écrit un spectacle qui retrace le quotidien d’un tribunal. Le public est immergé dans un décor de tribunal qui le plonge dans cette incroyable épopée avec 10 artistes sur scène : comédien·nes, musicien·nes, peintre, danseureuses Krump. On y découvre tout ce qui fait la complexité du quotidien d’un tribunal avec beaucoup de justesse. Le spectacle porte un regard militant et pourtant non manichéen sur le fonctionnement de la Justice : on y aborde les différentes opinions et réalités qui peuvent se confronter au sein d’un tribunal.
En avril 2024, le Théâtre du Parc à Andrézieux-Bouthéon programmait ce spectacle. Nous sommes retournés le voir accompagné·es de personnes des quartiers Tarentaize, Beaubrun, Tardy et Couriot qui, d’emblée, ont partagé notre enthousiasme ! L’idée d’un événement autour de ce spectacle et de la justice naissait.
L’ACARS, Terrain d’Entente, le Centre Social Le Babet et l’Amicale Laïque de Tardy s’embarquaient avec nous dans cette aventure. Progressivement, de nouvelles personnes et structures du quartier et d’ailleurs nous rejoignaient pour penser ensemble l’organisation du festival à venir « Le droit dans l’œil ».
L’événement se déroule sur un mois. Un gros challenge ?
Effectivement, c’est la première fois que La Laverie s’aventure dans un événement aussi long. Mais, en réalité, si l’on avait continué à tisser des liens autour de cette thématique de la justice qui concerne tout le monde, ce festival aurait pu durer des années ! Pour « Le droit dans l’œil », comme à son habitude, La Laverie assure une partie de la programmation (8 spectacles notamment). Elle joue aussi un grand rôle de coordination puisqu’il y a plus de 30 partenaires qui gravitent autour de ce festival.
Nous nous réjouissons d’avoir vu s’associer aux premiers partenaires des structures aussi variées que des structures associatives (SOS Violences Conjugales, SOS Méditerranée, Alarm Phone, La Tablée…), des structures culturelles (le Remue-Méninges, Studios Dyptik, Le Méliès, Lune et l’autre…), des structures institutionnelles (Médiathèques, Cinémathèque…), des structures sociales (CIDFF, AESIO Santé…) , des professionnel·les de la justice (PJJ, Ordre des Avocats, Tribunal Judiciaire…), etc.
C’est super enthousiasmant de se dire qu’on va pouvoir avoir une pluralité de regards et de points de vue. Probablement qu’ils n’iront pas tous dans le même sens… c’est aussi ça qui nous semble riche : pouvoir créer un temps pour parler de ses différentes expériences, quotidiens et réalités. À chacune et chacun ensuite de se faire sa propre opinion ! C’est important de dire aussi qu’il y a une forme d’émulation partagée dans le quartier depuis déjà un certain temps. De nombreux partenaires se sont emparés de la thématique pour mener des actions dans leurs structures en amont de l’événement : ateliers d’écriture hip-hop, théâtre forum, animations dans des centres de loisirs…
Il y a énormément d’actions durant ce mois. Qu’allons-nous découvrir ?
Forcément, le temps fort de ce festival c’est l’accueil du spectacle « Héroïne, une épopée au cœur d’un tribunal » les 19, 20 et 21 avril au Gymnase de Beaubrun. Comme pour tous les autres spectacles, la jauge est limitée. Pensez à venir tôt !
Ensuite, la programmation se construit autour de nombreux rebonds qui visent à chercher à mieux comprendre ce qu’est la Justice et comment elle fonctionne. Et également de se poser collectivement la question de ce que nous trouvons juste et injuste, et de ce qui peut faire réparation pour chacun·e d’entre nous. Des contes, des visites au tribunal, des jeux, des projections, des ateliers, un plateau radio de rue, des rencontres et discussions… ponctueront le festival du 2 au 30 avril.
Des journées ou soirées thématiques permettront aussi de traiter en profondeur certains sujets qui nous tiennent à cœur et résonnent avec des questions sociétales actuelles.
Le dimanche 13 avril : « À juste titre », sur la justice restaurative et la justice transformatrice avec des ateliers, projections, et rencontres avec Salomé Van Billoen et Eva Segreto ;
Le jeudi 17 avril : « Affaires de femmes », une rencontre avec Anne Bouillon, avocate engagée pour le droit des femmes et pour l’égalité ;
Le dimanche 27 avril : « A l’ombre de la justice » avec conférence, concert, témoignages et échange sur la prison ;
Le mardi 29 avril : « No one is illegal ! », une projection et des rencontres autour de la justice migratoire.
Tous les spectacles abordent des grands thèmes comme immigration, féminisme, égalité… On réfléchit donc, on se pose des questions… mais c’est aussi et surtout un moment festif et de lien ?
Évidemment ! Pour nous, l’un ne va pas sans l’autre ! Tant qu’on se rencontre et partage un même moment et un même espace… Les spectacles programmés permettent de plonger dans différents univers pour rire, découvrir, s’enthousiasmer, échanger et réfléchir autour de toutes ces questions. La Motivation, Les Misérables, Claudia Ripper, Parloir libre… et 4 autres spectacles sillonneront le quartier pour vous faire partager ces émotions.
Nous sommes également très heureux de concrétiser une envie de la compagnie « Les Arts Oseurs » en organisant « Krump for your rights ! » le vendredi 18 avril, une soirée dédiée à la danse Krump qui prend une large place dans leur spectacle. Cette danse issue de la culture hip-hop est une danse qui permet d’exprimer la rage des danseurs et danseuses qui la pratiquent. C’est une discipline incroyablement forte en énergie et en émotions. On pourra assister à plusieurs concerts, des démos et un spectacle sous forme de carte blanche donnée spécialement pour l’occasion à « Bloody » et « la Jefa », les danseurs et danseuses du spectacle « Héroïne ».
Autre aspect important, le prix est libre. Comment cela se passe ?
Le fonctionnement à prix libre est un des principes de base de La Laverie. Un chapeau passe à la fin du spectacle et le public est invité à donner ce qu’il veut et ce qu’il peut. On a l’habitude de dire : « De 0 euros à l’infini… » ! Bien sûr, les recettes du prix libre sont essentielles pour nous permettre de fonctionner, mais nous nous refusons à ce que l’argent soit un frein pour quiconque.
Le mot de la fin ?
Avec un événement d’un mois, c’est difficile de tout vous raconter. On vous invite à consulter le programme qu’on a choisi d’éditer sous forme d’une gazette de 32 pages pour vous donner un maximum d’informations sur ce qui vous attend ! Vous pouvez le retrouver dans pas mal de lieux à Sainté et sur : www.la-laverie.fr