Le Comte de Bouderbala, alias Sami Ameziane, n’est certainement pas l’humoriste le plus célèbre ou le people du moment, mais il est sans aucun doute l’un des plus pertinents de sa génération. Rencontre avec un homme simple, drôle et accessible :

Monsieur le Comte…
Non, non, pas de simagrées. Appelez-moi Sami, tout simplement.

D’où vient ce pseudo ?
Il est né sur une scène Slam en 2003. Tous les participants à la soirée avaient des pseudos un peu bizarres, des pseudos qui souvent ne voulaient rien dire alors je me suis prêté au jeu. Bouderbala en arabe, ça veut dire haillon, guenille et le Comte vient de la ville de Saint-Denis qui est, rappelons-le, la cité des rois de France avec la basilique et la nécropole royale. Le Comte de Bouderbala est donc une espèce de faux noble, d’aristo-crade.

En parlant de roi, tu es coiffé sur l’affiche d’un chapeau de fou du roi, pourquoi ?
À l’époque, quand on a décidé de faire la photo, j’avais envie de déconner un peu, du coup, mon choix s’est porté sur ce bonnet à clochettes. Histoire de faire une caricature de spectacle comique.

Tu as un parcours assez original puisqu’avant d’être humoriste, tu étais basketteur… Comment passe-t-on du basket à l’humour ?
En effet, cela n’a pas grand-chose à voir. Et en même temps, il y a beaucoup de similitudes… Sur le terrain déjà, physiquement, j’étais une grosse blague (rires)  ! J’aimais déjà beaucoup charrier mes coéquipiers ou mon coach dans les vestiaires, quand je ne jouais pas. Du coup, j’ai commencé à développer ce côté « charrieur » et puis, de fil en aiguille, je me suis dit : pourquoi ne pas faire un spectacle d’humour compte tenu de toutes les péripéties qui m’arrivaient via le sport ? Pour la petite histoire, je jouais en France puis je me suis retrouvé à jouer en équipe universitaire, dans l’équipe championne en titre des USA. Je suis passé de mister noboby à superstar aux States. C’était un peu n’importe quoi ! Du coup, j’ai connu les voyages en jet privé. Le fait de jouer devant 70 000 personnes, c’est quand même inhabituel, tout ça m’a donné l’idée de raconter ce parcours dans un spectacle comique.

De retour en France, sur quelle scène as-tu débuté ?
Sur la scène du Réservoir, fin 2005, avec le Collectif Comic Street Show. Puis on a créé notre propre collectif qui s’appelait Barres de Rire, c’était en 2006. On retrouvait des mecs comme Thomas Ngijol, Fabrice Eboué, Patson…

Le one man show semble être  » à la mode  » : comment se différencie-t-on des autres ?
Je pense qu’il faut être sincère dans ce que l’on raconte, parler de choses qui nous tiennent à cœur et surtout être drôle car ça reste un one man show ! Il faut faire rire. Il n’y a pas vraiment de recette. Si c’est un bon spectacle, les gens en parlent. Le bouche-à-oreille reste la meilleure des communications !

On voit beaucoup d’humoristes lors d’émissions télé. Ça te tente ?
Non, parce que la télé, inévitablement, te mange aussi beaucoup. Plus on te voit à la télé, moins les personnes ont envie de te voir sur scène. J’ai tendance à penser que si quelqu’un s’invite à manger chez moi tous les soirs, j’ai moins envie de l’inviter à dîner !

Qu’est ce qui t’inspire dans l’écriture de tes sketches ?
Mon expérience personnelle. J’aime à parler des choses que je connais. Mais cela dépend de la sensibilité de chacun. Par exemple, dans ce spectacle, j’ai voulu parler de la relation France-USA que je trouve très intéressante.

Musicalement, un sketch dans ton spectacle où tu te moques gentiment de certains rappeurs, même pas peur ?
(Rires…). Non, non pas trop peur avec les rappeurs. Beaucoup sont venus et ont aimé le spectacle. Bon, ils n’ont pas tous compris, mais bon … mais ça reste très bon enfant. La vanne fait partie intégrante de la culture du hip-hop, la culture du clash. Ce sont des cultures urbaines qui se rejoignent beaucoup.

Tu peux te le permettre parce que tu viens de la cité ?
Peut-être aussi. Mais surtout parce que je suis fan de rap. Comme dans tout, comme dans l’humour, il y a du bon et du mauvais, des catastrophes ou des génies. Dans ce sketch, je voulais aller dans l’entre-deux, extrait à l’appui, montrer les fautes de conjugaison, de grammaire, de sens…

Un autre sketch qui fait le buzz sur Youtube, c’est celui des Roumains. On en parle beaucoup aujourd’hui…
Oui c’est un petit sketch que j’ai fait dans une soirée antiraciste parce que je le trouvais justement assez raciste et je voulais faire un sketch un peu borderline. J’ai voulu parler de mon expérience à Saint Denis. Ce sketch est né à un feu rouge, lorsqu’un Rom me demande 1 € que je lui donne. Puis je repasse, 5 min après il me redemande 1 € alors je lui réponds « Je ne vais pas travailler pour toi mon ami » !

Tu joues beaucoup des différences culturelles. As-tu des limites ?
Pas spécialement, même si on a forcément une forme d’autocensure chacun. Selon nos propres tabous culturels. J’aime aller loin mais uniquement sur scène et que sur scène ! Et surtout il ne faut pas extraire un morceau du spectacle pour le passer à la radio ou à la télé car ça devient très compliqué pour les gens qui vont avoir une autre perception de la blague. Cela peut créer des désordres.

Parle-nous un petit peu de ton spectacle…
C’est un spectacle de 2 heures avec pour trame la relation France-USA dans lequel je montre l’américanisation latente ou agressive de notre pays. Il y a beaucoup de sujets de digression : l’école, la mendicité, la musique française, les différences culturelles franco-américaines, les femmes, l’identité…

Y a-t-il une interactivité avec ton public ?
Oui c’est un spectacle très interactif. Ça dépend aussi de l’enthousiasme du public. S’il l’est, on va le chercher. Il y a beaucoup d’impros aussi. On parle également de l’actualité et là, forcement, on a une actualité riche en rebondissements…

Abordes-tu la politique ?
La politique n’est pas taboue pour moi mais je trouve que la politique fatigue de plus en plus. Je préfère traiter de sujets de société plutôt car je trouve que c’est un peu la même chose ! Je n’aime pas m’attaquer aux hommes politiques, je préfère m’attaquer à ce qu’ils font. Comme on dit en anglais : « Don’t eat the player, eat the game » (ça sert à rien de tirer sur le joueur, il faut tirer sur le jeu).

Nous sommes dans une région plutôt foot : alors, le Comte, plutôt rugby ou plutôt foot ?
Je suis plus rugby car j’aime bien le côté physique, les mecs se foutent dessus, un sport d’hommes. J’aime le côté plus authentique.

Une anecdote, un moment de solitude à raconter… ?
J’en ai beaucoup mais surtout aux USA, j’ai joué dans des caves dans lesquelles des rats passaient entre les jambes des spectateurs, où les spectateurs montaient sur scène pour embrouiller les comiques … Sinon, pour le moment, ça s’est plutôt bien passé pour moi mais on n’est jamais à l’abri…

Qui est le spectateur type du Comte de Bouderbala ?
J’ai la chance d’avoir un public très varié de 14 à 70 ans. Parfois, on a 3 générations dans la salle, c’est très éclectique. Je ne cible pas un type de public mais c’est un spectacle très familial.

Qui fait rire le Comte en ce moment ?
Je suis très bon public. Franchement, ça dépend. Ça dépend dans quel état d’esprit je suis, spectateur ou professionnel. J’aime beaucoup les comiques américains, mais underground : c’est-à-dire, des gens qui ont disparu parce que spéciaux. Et j’aime beaucoup les anciens, les Desproges, Coluche, Dupontel …

Au fond, tu as réussi ton « rêve américain », non ?
Le rêve américain, c’est un rêve ! Il faut se réveiller. C’est bien de le toucher mais il faut redescendre aussi ! Je retourne de temps en temps là-bas avec une version anglaise du spectacle que je tourne à New York, ce qui me permet d’être créatif et actif là-bas. Puis de revenir avec des idées nouvelles, avec un point de vue acéré.

Tu travailles sur un nouveau spectacle… Qu’en sera-t-il ?
J’ai mon deuxième spectacle qui arrive pour 2015. Avec la même trame, une continuité du premier spectacle. Le même esprit !