Le film de Laurent Tuel, « La grande boucle », avec Clovis Cornillac dans le rôle-titre, rend hommage au Tour de France, le rendez-vous sportif préféré des Français. Rencontre avec Laurent Tuel et Clovis Cornillac : 



 

Cela n’a pas dû être de tout repos de tourner pendant le Tour de France ?


Laurent Tuel : Il est vrai que ça n’a pas été un projet facile à réaliser ni à monter, d’autant que c’est le premier film qui a été tourné en même temps que le Tour de France. Mais ce projet me tenait vraiment à cœur. On voulait vous faire partager cette passion, cet amour que l’on a tous pour le vélo, surtout ses « à côté ». Nous avons donc tourné le film en parallèle du Tour de France 2012 sur 6 étapes. La difficulté a été de ne pas enrayer la machine, de ne pas devenir un parasite pour l’équipe du Tour de France, d’autant que notre équipe technique était assez conséquente !
Clovis Cornillac : Et en plus, on disposait d’un temps très limité ! Forcément, nous devions partir avant le peloton. Pour être au plus près de mon personnage François, je m’entraînais et faisais une demi-étape, et non pas en entier comme mon personnage, pour le lendemain. Mais du coup, nous nous levions à 4h du matin pour pouvoir tourner, inutile de préciser que lorsque je descendais du vélo, j’étais bien nase !

Vous êtes donc un fan de vélo, Laurent ?


Laurent : Oui, je suis fan, je ne roule qu’à vélo, notamment pour travailler à Paris. Je suis fan également du Tour de France, mais ce que j’aime c’est surtout l’ambiance : je suis moins intéressé par les résultats que par l’ambiance que le Tour dégage. Un mois de juillet sans tour de France, c’est comme s’il n’y avait pas la Fête Nationale. Déjà gamin, quand j’étais en colonie, on m’emmenait sur les parcours, donc le Tour m’a toujours fait rêver et j’ai eu envie de restituer ce rêve. Le décor du Tour de France sert à raconter une histoire, et ce décor bouge sans cesse. En tant que réalisateur, c’est ce qui est plaisant.

Clovis, vous êtes-vous préparé spécifiquement pour ce film ?


Clovis : Oui, d’ailleurs cette préparation était vraiment nécessaire. Évidemment, tourner un film comme cela nécessite de passer beaucoup de temps sur un vélo. Pour supporter des journées de 8 h sur un vélo, il vaut mieux être bien préparé, je confirme ! Je suis d’ailleurs tombé amoureux de cette discipline. C’est une drogue dure, il faut faire attention ! On a besoin de sortir, se balader, de regarder ce qui nous entoure du haut de notre vélo. Ce que j’aime avec cette pratique, c’est qu’elle casse toutes les différences sociales : vous pouvez aussi bien rouler avec un ouvrier qu’avec un patron, on est tous pareil sur nos vélos. C’est une fraternité que j’adore.



Êtes-vous passés par la région ?
Clovis : En fait, pour la préparation, j’ai demandé à mon entraîneur de passer par là ! Je ne savais pas où j’en étais par rapport à mon entraînement, et nous avons fait une étape par jour pendant 6 jours car je voulais voir si je pouvais encaisser physiquement, monter les cols et les choses comme ça, donc nous sommes passés dans le coin. Et même si ce n’est pas à l’image, ça l’est dans mes mollets ! (rires).

Que pensez-vous du dopage, et tout ce qui s’est passé avec Armstrong ?
Clovis : Je pense que le dopage est surtout un problème de société, plus qu’un problème sportif. D’ailleurs Christian Prudhomme, le directeur du Tour, le dit très bien quand il précise qu’il cherchera toujours à attraper les gars qui se dopent. C’est un principe éthique, je pense que le dopage serait une vraie réflexion à avoir d’un point de vue sociétal, car finalement on se dope pour gagner… Pourquoi faut-il toujours gagner ? Pourquoi on veut toujours plus ? Ces gens sont certes condamnables mais je pense qu’ils répondent juste à ce problème de société. C’est une grande chaîne de réflexion qui serait très intéressante, mais bon, on n’en parlera pas ce soir, on n’est pas là pour ça ! (rires).
Laurent : C’est vrai que le dopage, on en parle depuis des années dans le cyclisme, mais ce n’est pas ça qui gâche le côté festif du Tour. On le voit d’ailleurs avec les spectateurs qui soutiennent l’événement malgré toutes les affaires de dopage. Alors oui, il faut le condamner, il faut être critique. Dans le film, on ironise un peu sur le sujet avec les sponsors qui arrivent partout, notamment « Monsieur Cochonou » qui sert de produit dopant (rires). On a abordé légèrement le sujet mais ce n’était pas notre projet. Le projet c’est d’essayer de retrouver l’émotion, de ne pas gâcher la fête. Nous, ce qui nous fait plaisir, c’est de continuer à visiter la France, voir les paysages, et c’est quand même une très belle course à l’échelle internationale.



Laurent, qu’est-ce qui vous a poussé à choisir Clovis pour le rôle de François ?
Laurent : Avec Clovis, on se connaît depuis quelques années. On avait déjà envie de travailler ensemble. Je sais que c’est quelqu’un de passionné. C’était essentiel qu’il soit extrêmement travailleur, il va chercher l’émotion du personnage. Il a suivi très courageusement l’entraînement et c’était un grand plaisir de travailler avec lui. Ce qui était important pour moi, c’est que le spectateur puisse se dire « tiens, cette histoire pourrait m’arriver ». Clovis a une énorme carrière, mais il n’a pas le filtre entre lui et le public. Ce n’est pas une star au sens où on l’entend, il est connu mais les gens peuvent se reconnaître en lui. On a d’ailleurs supprimé les scènes où les situations n’étaient pas réalistes. Avec Clovis on a justement ce réalisme, car c’est quelqu’un de vrai.



Pensez-vous qu’au prochain Tour de France, il y aura des François qui partiront un jour avant les étapes ? 


Clovis : Et bien pourquoi pas ! Et effectivement, il me semble qu’il y a un journaliste du Monde, ancien patron du journal, qui veut accompagner une association avec des coureurs amateurs pour vivre aussi cette aventure. C’est un bon défi à se lancer, non pas pour crâner et se dépasser physiquement, mais le faire tranquillement, à son rythme, car c’est quelque chose de fabuleux. Tous autant qu’on est, on pourrait se retrouver sur un vélo et en faire beaucoup plus que ce que l’on pense.
Clovis, étiez-vous déjà un habitué du vélo avant de participer au film ? 


Clovis : Moi je suis sportif depuis tout petit, mais le vélo pas du tout ! J’avais une base mais j’étais loin d’être un pro, donc j’ai appris à pédaler et c’est une expérience fabuleuse. Je suis plutôt course et marche à la base. Mais je suis resté à un niveau débutant, d’ailleurs quand j’ai couru un marathon une fois, j’ai dû mettre presque 5 heures, donc tranquillement et histoire de ne pas être totalement cramé à l’arrivée (rires). Mais, pour en revenir au film, quand vous arrivez au bout de plusieurs heures de vélo, vous êtes fatigués mais en même temps il faut pouvoir rester concentré, mais les traits sont tirés après avoir pédalé toute la journée…! Il faut surtout rester dans un même mouvement pour pouvoir pédaler à côté de la caméra, pour les différents plans du film.

Avez-vous suivi un régime alimentaire particulier ? 


Clovis : Effectivement, on a fait un régime alimentaire « Frosties » avec le tigre est en toi (rires) ! C’était avant tout pour éliminer du poids. C’est comme un sac à dos, plus on vide le poids du sac, plus on est léger et plus c’est facile. Ça évite également des tendinites et des fractures, on se sent plus à l’aise pour pédaler.



Laurent, en tant que réalisateur, est-ce que vous sentiez cette pression du coureur ?
Laurent : Je ressentais la pression surtout par rapport aux coureurs semi pros, qui nous ont beaucoup aidés et qui étaient les compagnons de Tony Aniello. C’était des types super. Ils font des courses de très haut niveau, des sacrifices pour s’entraîner, et ils ont tous un vrai boulot à côté. La pression était plus avec eux sur l’exigence que demande ce sport. L’hygiène qu’ils ont, c’est impressionnant. C’est vraiment des gens à découvrir !

Clovis, pensez-vous un jour faire un tandem avec Benoît Poelvoorde, autre fameux acteur de vélo ? 


J’ai déjà eu la chance de jouer quelques scènes avec Benoît, dans « Astérix » notamment, c’est un acteur et une personne que j’adore… Ce serait effectivement rigolo de faire une rencontre avec les personnages de François et Ghislain, mais bon il faut tout d’abord que le film marche bien ! (rires).