Voilà 7 ans que La Laverie a été créée. Chaque année l’association propose un événement marquant. Le projet « Symphonique et Siphonné » s’inscrit dans cette démarche. Il aura lieu place Chavanelle avec, une fois n’est pas coutume, un chapiteau. Nous voulions vous faire découvrir l’univers de cette association singulière et parler plus amplement de leur manifestation dont le thème, les différentes formes de folie, ne devrait pas vous laisser insensible ! Rencontre avec Jérémie Guignand pour l’équipe de La Laverie :

La Laverie a déjà 7 ans ! Comment est né ce projet ?

On était plusieurs copaines à Saint-Étienne passioné·es d’arts de rue mais on se rendait bien compte que si on voulait assouvir notre passion, il fallait sillonner la France de festivals en festivals. Alors, on s’est dit que puisque cette dynamique n’existait pas ici, on allait contribuer à la créer. On a d’abord investi une ancienne laverie industrielle vers Châteaucreux pour la transformer en salle de spectacle éphémère. On y a réalisé une dizaine d’événements en 2016 en accueillant des artistes qui gravitent autour du réseau des arts de rue. Très vite, le public a répondu présent et nous on s’est fait la main. En 2017, il était temps pour nous de rejoindre l’espace public et y organiser des événements au grand jour. On a quitté le lieu, mais gardé son nom !

Qu’est-ce qui vous a orienté précisément vers le spectacle de rue ?

Il y a quelque chose de fascinant dans le fait de voir un espace du quotidien se transformer le temps d’un évènement. Installer un spectacle dans la rue, c’est un super prétexte pour créer un espace de rencontres, de joie et de retrouvailles.

Comment est structurée aujourd’hui votre association ?

La Laverie compte désormais trois salarié·es depuis octobre dernier ! L’équipe salariée travaille étroitement avec le conseil d’administration de l’association (une dizaine de personnes), très investi dans l’organisation des évènements, les choix de programmation, les prises de décision, et surtout très présent pour trouver des bonnes idées bien déjantées. La Laverie c’est aussi une dynamique de bénévoles, qui sont super impliqué·es dans la vie de l’association. Leur présence se remarque pendant les événements à l’accueil ou derrière le bar par exemple. Mais iels participent aussi à d’autres moments, à des temps d’ateliers, de construction de décors et scénographie, organisent une partie de la programmation et des animations… Ça nous tient à cœur de laisser de la place aux propositions des bénévoles pour construire ensemble l’ambiance de nos événements.

Vos projets s’enchaînent, et volontairement ne se ressemblent pas. Quel est votre état d’esprit, et quelles sont les valeurs qui vous animent ?

Effectivement, l’état d’esprit de La Laverie est de proposer chaque fois un événement nouveau et original, sous des formats qui varient, dans l’espace public : on ne fait jamais deux fois la même chose ! Chaque projet est structuré autour d’une thématique, d’un imaginaire, ou d’un spectacle qu’on a envie d’accueillir et qu’on étoffe avec d’autres formes artistiques et culturelles. L’idée est d’amener des propositions inattendues, de surprendre, d’aller là où on n’est jamais allé·es – autant en termes d’univers, de contenu, que de lieux et de durée. Un des vieux rêves de La Laverie, c’est d’avoir un jour fait un événement en rue dans chacun des quartiers de Saint-Étienne !

Derrière le divertissement réside aussi une dimension plus engagée. Pouvez-vous développer ?

On a envie de parler de sujets et d’esthétiques qui nous touchent, et qu’on n’a pas forcément toujours l’habitude de voir dans les arts de rue. L’idée, c’est de proposer des événements festifs, conviviaux, souvent avec une touche d’humour. Et tout à la fois, sur certains événements, comme le festival à venir « Symphonique & Siphonné », avec l’envie de proposer un regard sur une thématique ou une question qui peut toustes nous toucher. L’idée étant que le discours artistique puisse alimenter les réflexions de chacun·e et provoquer des discussions ensemble. On ne cherche pas à donner des réponses toutes faites ou à dire quoi penser, mais à apporter de nouveaux regards. Et ça, tout en s’amusant ! C’est pour ça qu’on essaye de mélanger les formes artistiques proposées, de diversifier les manières d’aborder une thématique.

Abordons le projet « Symphonique et Siphonné ». De quoi s’agit-il ?

Du 27 avril au 3 mai, La Laverie investit le quartier Chavanelle pour 10 jours de festival autour de la thématique des normes, de la folie, des folies… Il sera question de folie créative, celle qui pousse en avant, de folie psychique, celle qui souvent stigmatise, d’art brut, de renversement de la norme, de musique siphonnée, de spectacles symphoniques, et tout un tas de folles idées… Pour l’occasion, un chapiteau de cirque s’installe place Chavanelle ! Une partie de la programmation aura lieu sous le chapiteau et autour, et on se promènera aussi dans d’autres lieux aux alentours, par exemple au Remue-Méninges, aux Limbes, au Hot Spot Coffee, ainsi qu’au Méliès et à l’Aléatronome.

Qu’allons-nous découvrir ?

On ne peut pas tout vous raconter en détail, la programmation est très vaste. Mais heureusement vous pourrez la retrouver dans la rubrique « agenda » de l’Agenda stéphanois, qui relaie avec qualité nos événements, même les plus fous ! On peut quand même vous dire qu’il y a aura un opéra de canards en plastique, une exploration à la recherche des extraterrestres, de la musique symphonique et décalée, une contrebasse éléphantesque à la peau tatouée, un clown caustique et ses fantômes, une invitation à une grande valse jouant avec les limites, une épopée de rue avec un « fou du quartier » distributeur de prospectus, des voix qui s’élèvent et témoignent, de la folie sur grand écran, des cassettes aux sonorités décalées et même peut-être des flammes musicales…

Vous évoquez également des temps forts autour de cet événement. Quels sont-ils ?

Pour rebondir sur les thématiques abordées dans les spectacles et les approfondir, nous avons invité plusieurs personnes qui ont l’occasion d’y réfléchir de diverses manières et ont des choses à partager sur ces sujets ! Treize, une autrice et slameuse, viendra présenter son ouvrage Charge récemment paru, des projections auront lieu au Méliès et au Remue-Méninges, vous pourrez vous aventurer à la recherche d’extraterrestres avec Jean-Marie Massou à la galerie Les Limbes ou participer à une écoute collective d’une adaptation radiophonique du livre Barge. La liste est longue, mais le programme détaillé est disponible dans plein d’endroits à Saint-Étienne !

Qu’est-ce qui a suscité votre envie de questionner ces notions de folies, de normes… ?

C’est fréquent qu’on nous dise que les événements de la Laverie ont une « belle folie », qu’ils amènent un agréable « vent de folie » à Saint-Étienne… On a toujours trouvé ça étonnant de voir comment le terme de « folie » pouvait être à la fois utilisé pour parler de quelque chose, de joyeux et de créatif et à la fois pour stigmatiser des personnes qui souffrent de troubles psychiques. En parallèle, dans les festivals d’arts de rue que nous sillonnons, nous avons eu plusieurs coups de cœur pour des artistes qui traitent, directement ou en trame de fond, ces questions de normes, de folies… « Symphonique et Siphonné » est une occasion de faire découvrir ces spectacles qui nous ont emballés au public stéphanois ! Et ce, dans un moment de fête partagée dans l’espace public ! C’est fou, non ? ! C’est un nouveau challenge pour l’association de par la dimension inhabituelle de cet événement ? (durée, chapiteau…). Chaque évènement qu’on organise est unique, c’est un peu à chaque fois un pas vers l’inconnu, on ne sait pas totalement à quoi s’attendre… C’est vrai que Symphonique et Siphonné va être une nouvelle étape de franchie, et c’est très enthousiasmant… Le festival va durer une semaine, avec des propositions tous les jours : c’est l’évènement le plus long que La Laverie ait jamais organisé ! C’est aussi la première fois que nous nous installons sous un chapiteau de cirque et que nous allons animer une place du centre-ville autant de jours de suite… On peut préciser que l’ampleur du festival tient aussi vraiment à l’implication des bénévoles et des structures partenaires, qui sont nombreuses et bien présentes pour porter le projet !

Seront impliqués avec vous pas mal d’associations, centres de loisirs etc. ?

Les événements de La Laverie sont itinérants dans les différents quartiers de la ville. Pour nous, c’est essentiel de tisser des liens avec les structures locales afin que les habitant·es profitent de ce que l’on propose. Autour de la Place Chavanelle, il y a beaucoup de monde qui s’active : le centre social Boris Vian, le Remue-Méninges, l’ANEF et bien d’autres sont déjà impliqués dans cette aventure. Dès maintenant et jusqu’à l’évènement, nous passons aussi beaucoup de temps dans le quartier pour y rencontrer les habitant·es et commerçant·es afin de discuter avec elleux de l’évènement à venir. Nous avons même associé le Hot Spot Coffee à l’événement pour une des écoutes collectives. Par ailleurs, « Symphonique & Siphonné » traite de sujets bien particuliers comme la question psychiatrique, la stigmatisation des malades… Il était impensable pour nous de construire cet évènement sans les personnes concernées de quelque manière que ce soit. Aussi, nous avons associé à la programmation les Groupes d’Entraide Mutuelle de Saint-Étienne (Les Moyens du Bord et Lucien Bonnafé) et celui du Roannais, l’UNAFAM et des infirmier·es travaillant dans différents établissements.

Il faut préciser que le prix d’entrée est libre. Une volonté de la Laverie ?

Tous les événements de La Laverie sont à prix libre. C’est une volonté de l’équipe depuis le début de pouvoir rendre les spectacles accessibles à toustes. Ça nous semble important que ce type de démarche puisse exister, qui plus est dans l’espace public. Pour nous c’est aussi une manière d’impliquer les spectateurices dans le financement de l’évènement : en quelque sorte, iels en deviennent ainsi des coproducteurs ! Le prix libre et la buvette représentent près de 30% des recettes jusqu’à présent.

Quelques autres projets à venir ?

Nous avons aussi une partie moins visible de l’activité de l’association. Nous accueillons des compagnies d’arts de rue en résidence de création tout au long de l’année, et surtout sur cette période de printemps/début été qui a bien commencé. Cette année c’est 6 compagnies professionnelles qui viendront travailler à leur création à Saint-Étienne. Celles qui le souhaitent et/ou ont besoin de tester une étape de création proposeront des sorties de résidences ouvertes au public. Comme la compagnie châlonnaise « Les Arracheurs de Dents » qui vient travailler son spectacle Tiens, Tiens, qui mixe musique, théâtre et catch mexicain (avec un vrai ring !). Nous menons aussi des projets d’action culturelle dans différents lieux. En juin, la compagnie Titanos vient mener des ateliers créatifs dans les rues des quartiers Sud-Est de Saint-Étienne. La semaine d’ateliers aboutira sur une journée festive au Parc de l’Europe. Et puis un prochain évènement est en cours d’élaboration… Pour investir un nouveau lieu avec une nouvelle proposition artistique, parce qu’à La Laverie, on ne fait jamais deux fois la même chose !

Un mot pour conclure ?

On m’a dit que la girafe était l’animal le plus grand du monde. Mais je crois que c’est un cou monté… Si vous êtes dépité·es ou hilares face à cet humour dévastateur, vous pouvez nous le faire savoir par mail : lalaverie.association@gmail.com. Nous en profiterons pour vous inscrire à la newsletter de La Laverie, en contrepartie de quoi vous serez tenu·es au courant de toutes nos futures aventures de rue ! Et faites nous signe aussi si vous voulez rejoindre l’équipe bénévole !