Un esprit de solidarité confraternel devrait m’animer… Pourtant j’ai du mal à déceler en moi le moindre soupçon de compassion envers nos médias traditionnels, je veux parler de la presse écrite, radiophonique et télévisuelle française. Une presse détenue en quasi-totalité par des multinationales, dont l’activité est curieusement dépendante du bon vouloir étatique (marchés réglementés ou marchés publics…), qui depuis l’élection présidentielle de 2002 et l’accession au second tour de Jean-Marie Le Pen se trompe systématiquement. Ou plutôt entend véhiculer à travers ses différents canaux, une pensée teintée de libéralisme bon teint, de politiquement correct et d’humanisme à géométrie variable. Outre la blague du second tour de Jean-Marie Le Pen, on pourrait également citer la victoire inattendue, et au final inutile du non au référendum de Maastricht, le récent Brexit ou, in fine, l’élection de Donald Trump. Autant d’élections à travers lesquelles nos médias sont complètement passés au travers…

Dans une interview surréaliste, Jean-Michel Apathie, l’un de nos plus brillants spécimens multicartes de ce prêt-à-penser médiatique, toujours prompt à se répandre en leçon de morale géométriquement adaptable, déclarait la nécessaire destruction du Château de Versailles, afin de rompre avec l’idée de grandeur monarchique qui animerait, selon lui, tout candidat à l’élection présidentielle française. S’il avait une once d’honnêteté, ce brillant journaliste ne devrait pas militer pour la destruction de ce joyau à la française mais plutôt pour l’interdiction des instituts de sondage qui sont autant de canaux de propagande à la solde de ces mêmes multinationales qui détiennent nos médias. Instituts de sondage et médias sont les mêmes facettes de cette boîte à outils censée formater nos esprits. Mais plutôt que d’opérer une véritable introspection, visant à faire émerger une forme même relative de mea culpa, ces mêmes médias ont trouvé le bouc émissaire indispensable à toute forme de pensée humaine, les réseaux sociaux. C’est donc la faute aux réseaux sociaux si les Britanniques ont voulu sortir de l’Europe, si les Américains blancs ont voté pour Donald Trump, si le peuple Bulgare et Moldave ont élu des représentants à la solde de Vladimir Poutine et si dans quelques mois, le peuple français ne votait pas pour les bons candidats.

En effet, selon tous les experts en médiatique aiguë, les nouvelles générations ne s’informeraient plus qu’à travers le spectre déformant des réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête. À quoi bon s’interroger sur le désintérêt que leurs discours lénifiants suscitent chez ces nouvelles générations et le nombre de couleuvres qu’ils nous ont fait avaler depuis ces 20 dernières années ? Cette presse qui ne survit que grâce aux larges subventions de l’État n’a donc rien compris à notre réalité et au total discrédit qui les touche. La connivence entre le pouvoir médiatique et les hommes politiques a atteint un niveau d’indécence rare, comme le témoigne l’ouvrage « Un président ne devrait pas dire ça » signé par deux journalistes du Monde, Fabrice Lhomme et Gérard Davet, un quotidien qui s’est joliment assis sur son esprit d’indépendance pour jouir des millions d’hommes d’affaires très intéressés. Ces deux journalistes auraient obtenu de la part de notre président 70 entretiens durant ces quatre dernières années d’exercice du pouvoir. 70 rendez-vous en 4 ans, soit 15 par an, soit plus d’un long entretien par mois pour un seul quotidien… Notre beau pays aurait la chance unique de disposer d’une bonne dizaine de quotidiens, d’une demi-douzaine de radios et d’autant de chaîne de télévision… Sans compter les hebdos papiers et autres médias annexes. Notre président aurait donc ainsi passé près de 30 % de son temps effectif à communiquer avec des journalistes. 30 % de son mandat !!!! Cela paraît invraisemblable. Et pourtant.

La montée du mouvement populiste à l’échelle mondiale résulte à l’extérieur du chaos que nos pays occidentaux, États-Unis, Angleterre et France en tête, ont engendré au Proche-Orient, les deux guerres successives en Irak, l’explosion destructive (par nos soins) de la Libye, la déstabilisation de la Syrie, du jeu dangereux que nous pratiquons, ces 50 dernières années, avec les tenants du Wahhabisme et, à l’intérieur, du dysfonctionnement inhérent à l’ultralibéralisme mis en place au début des années 80 conjointement aux États-Unis et en Europe (merci Reagan et Thatcher), un dysfonctionnement structurel qui aboutit à l’accaparassion de la richesse par une infime partie de la population. Un déséquilibre de plus en plus flagrant et impossible à dissimuler.

Le Brexit, l’élection de Trump (mais celui-ci peut-il être pire que R. Reagan ou les deux Bush ???) et peut-être l’avènement de l’extrême droite chez nous, n’en seront que le résultat que nos grands médias auraient bien voulu cacher encore plus longtemps… Sans doute, notre système va-t-il à sa fin… Il serait temps d’imaginer une autre forme de consommation, de production et de représentation politique. Comme une sixième République…