Pour paraphraser Alain Badiou, de quoi Jamel Debbouze est-il le nom ? En fait, le succès de Jamel D. est caractéristique du paradoxe français. Alors que le pays semble touché par une profonde crise identitaire, voire la prise surréaliste de la mosquée en construction de Poitiers (tout un symbole !!!), les personnalités plébiscitées par les français sont soit issues du métissage (Yannick Noah), soit de l’immigration (Zinedine Zidane & Jamel Debbouze). Une sorte de « Je t’aime moi non plus » que n’aurait pas renié Serge Gainsbourg. Le plus étonnant avec Jamel est que le public a véritablement accompagné son épanouissement professionnel et sentimental. Outre son propre succès personnel, Jamel, grâce au Jamel Comedy Club, a permis l’affirmation d’une nouvelle génération d’humoristes (Patrice Eboué, Thomas NGijol, Comte de Bouderbala…) issus de la diversité, comme on dit. Sans oublier son détonant mariage avec l’une des plus belles femmes du pays ! Pas mal, pour un arabe de petite taille et handicapé… Un parcours, pour l’instant, sans aucune fausse note.

Dans son dernier spectacle, Jamel a choisi de faire de l’autofiction (ou le stand-up en version one man show) façon Christine Angot, sauf que lui, non, il n’a pas été violé par son père (enfin pas à nôtre connaissance). Non, Jamel dit tout sur le choc des civilisations, mais pas celui de Samuel Huntington : celui né de la rencontre entre sa famille et celle de sa future femme, originaire de Grenoble (la femme de Haute-Savoie, versus Francis Cabrel, c’est elle, je sais, Grenoble, c’est l’Isère, qu’importe, seules compte l‘idée !). Plus sérieusement, sous ses airs de troubadour des cités, Jamel pose de vraies questions sur la mixité, la laïcité, la tolérance et le vivre ensemble. Avec démesure, ironie, acidité mais aussi sensibilité, Jamel montre qu’une cohabitation est plus qu’envisageable, à condition de respecter celui qui est différent. Car respecter l’autre, c’est aussi se respecter soi-même (à méditer).

Zénith de Saint-Etienne
Mardi 20 novembre à 20 h