L’échelle urbaine en question. si vous vous demandez pourquoi nous abordons ce sujet, la réponse est relativement simple. Saint-Étienne a fait du « vivre ensemble » un principe essentiel. Et c’est à travers le levier du design qu’elle souhaite révéler les potentiels créatifs de chacun-e-s de nous. c’est ainsi qu’elle est devenue la première ville en France labellisée « ville créative design » par l’unesco. À ce titre elle participe à de nombreux projets internationaux. L’un d’eux vient de se refermer à tallinn, en Estonie. il s’agit d’Human cities. un projet européen pilotée par la cité du design. 4 années de recherches et d’expérimentations dans 11 villes, qui ont chacune mené des expérimentations permettant aux citoyen·ne·s de repenser leurs espaces de vie, de travail et de loisirs. le livre « human cities, Challenging the City Scale » dont il est question ici, est le récit de leurs expériences et de leurs coopérations. cet ouvrage passionnant dont nous vous livrons un court extrait, nous pousse à envisager sous un autre angle nos modes de vies… vertueux, créatif, et enthousiasmant !

Avant-propos par Josyane Franc et Olivier Peyricot

Les mutations du monde nous confrontent à de nouveaux paradigmes. L’urbanisation rapide au cours du XXe siècle a poussé plus de la moitié de la population mondiale à s’installer en ville. Dans quelques décennies, la proportion atteindra 70 %. Les villes devront alors répondre à cette augmentation. Ainsi que relever bien d’autres défis : la mondialisation culturelle et économique, la crise environnementale, la concurrence inter-territoriale pour attirer les investisseurs, et la transformation des modes de vie, de travail et de loisir. En bref, les villes font face à une nouvelle réalité.

Au cours des dernières décennies, c’est aussi la forme urbaine elle-même qui s’est transformée radicalement. Les chercheur·se·s parlent aujourd’hui d’«après-ville » et de « non-ville », mais surtout d’une nouvelle forme émergente d’urbanisme généralisé. La ville classique, avec un centre et une périphérie, disparaît au profit d’un monde de réseaux, de connexions et de multipolarité. Les flux l’’emportent sur les lieux. De nouvelles échelles ont également émergé.

Indépendamment de leur taille, nombreuses sont les villes qui ont développé des stratégies pour s’adapter à cette complexité croissante. Le design joue un rôle clé dans ces stratégies en ce qu’il est capable d’améliorer les modes de vie.

C’est dans ce contexte, qu’entre 2014 et 2018, Human Cities_ Challenging the City Scale, a pu interroger l’échelle urbaine et la co-création de la ville contemporaine. Il a été porté par un réseau de 12 partenaires issus de 11 villes européennes : Tallinn, Londres, Bruxelles, Belgrade, Cieszyn, Saint-Etienne, Graz, Helsinki, Bilbao, Ljubljana et Milan. En quatre ans, un programme riche d’activités et de réalisations s’est développé : 90 études de cas , 9 sessions de co-création, 9 expositions comprenant des catalogues d’expositions numériques ; un site internet et un blog ; et le livre Human Cities, Challenging the city scale […]

[…] Les études de cas ont montré que de nombreux et nombreuses citoyen·ne·s recherchaient activement des solutions pour rendre leur ville plus agréable à vivre. Leur motivation repose non seulement sur le désir d’améliorer la qualité de l’environnement bâti mais aussi sur celui d’améliorer la ville d’un point de vue social. C’était même pour certain·e·s une nécessité ; ils et elles ont essayé d’intervenir dans des situations économiques précaires ou de pallier les manques des acteurs publics. D’autres étaient poussé·es par l’idée d’explorer de nouveaux horizons ou par le plaisir de la rencontre, et se sont impliqué·e.s à titre bénévole. La conclusion souligne le fait que l’espace public n’est plus le domaine exclusif des spécialistes, mais qu’il est, dans de nombreuses villes, sujet de débats parmi les citoyen·ne·s – architectes et designers jouant souvent eux le rôle de médiateurs et médiatrices empathiques. […] La plupart de nos partenaires n’avaient jusqu’alors jamais pratiqué cette approche. C’est pour cette raison que nous avons choisi de solliciter une experte en co-creation et en design, Alice Holmberg, afin d’aider chacun·e à initier son expérimentation au travers de sessions co-créatives.

Ensemble, ils et elles ont partagé, comparé, analysé puis développé un large éventail de méthodes et d’outils. Il en a résulté une nouvelle manière d’appréhender le design participatif ainsi que la conception d’un cadre méthodologique de co-création applicable dans de nombreux contextes.

Suite aux ateliers co-créatifs, chaque ville partenaire a volé de ses propres ailes. Par exemple, nos partenaires de Saint-Etienne, Graz, Bilbao, Helsinki et Londres ont travaillé avec des citoyen·ne·s pour transformer des espaces vacants ou sous-utilisés en espaces expérimentaux de travail, de services, d’éducation ou de communication […]. A notre invitation, les journalistes Côme Bastin et Fleur Weinberg ont recueilli l’histoire de ces expérimentations dans chacune des 11 villes partenaires. Ces histoires constituent la partie principale de ce livre […]. Dès le départ, le projet Human Cities a donné naissance à un réseau de « Human Citizens » ou « Citoyen·ne·s Humain·e·s » partageant savoirs et compétences à travers l’Europe et dans le monde grâce au réseau UNESCO des Villes de Design Créatives […]. Nous espérons que cet ouvrage pourra élargir encore ce réseau et que notre enthousiasme et nos expériences pourront inspirer celles et ceux disposé·e·es à s’impliquer à leur tour. Nous souhaitons en outre convaincre les gouvernements ainsi que les décideurs et décideuses de la valeur de ces initiatives et les inciter à prendre des mesures concrètes pour davantage les soutenir dans le futur.

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Saint-Etienne a inspiré de nombreuses initiatives et est perçue par nos voisins européens comme une ville dynamique, créatrice de nombreux projets aujourd’hui présents dans le monde entier. Nous avons rencontré Ilona Gurjanova, directrice de l’association des designers estoniens, qui connait bien notre ville.

Vous racontiez une anecdote sur la première prise de contact avec saint-Étienne en 2000. Pouvez-vous nous la faire partager ?

En 2000, nous avons organisé la première exposition récapitulative sur le design estonien au Musée de design à Helsinki. De retour à Tallinn, j’ai reçu un coup de fil du musée  et on m’a dit qu’une dame venue de France souhaitait me parler. C’était Josyane Franc qui avait vu notre exposition et me disait qu’elle ne savait pas que le design estonien était d’un aussi bon niveau ! Elle m’a demandé si j’acceptais de la rencontrer si elle prenait le ferry pour Tallinn ? Malgré une tempête de neige et un froid hivernal de -15 dégrés, Josyane est arrivée le lendemain matin. Six mois plus tard, l’Estonie participait pour la première fois à la Biennale de Saint-Etienne. Depuis, nous avons exposé à quatre reprises à Saint Etienne et au final le design estonien a pu être présenté dans presque 30 villes dans le monde.

Tallinn clôture dans son festival de design les 4 années de développement du projet européen “Human Cities. Un mot ?

L’association des designers d’Estonie a mené plusieurs projets sur les questions urbaines. Nous avons invité des étudiants de Saint-Etienne à participer à notre projet Cities For All – Tallinn For All. A la conférence Mobility ont également participé les personnes de Saint-Etienne qui s’occupent du transport en commun. Les étudiants d’Estonie et de la France ont testé l’accessibilité dans la ville et ont proposé des solutions. Nous avons organisé des expositions de Saint-Etienne à Tallinn, et le design estonien est souvent présenté aux expositions de la Cité du design. Je pense que c’est pour ces raisons que l’Estonie a été invitée à participer au projet Human Cities.

 Quelles expériences où évolutions ce projet vous a-t-il permis d’acquérir ?

Nous avons participé a plusieurs autres projets européens, mais ce projet a donné le plus de résultats mesurables. Les expériences que nous avons menées en Estonie nous a permis d’acquérir de nouvelles méthodes sur la façon d’impliquer des habitants comme en France, en  Italie, en Pologne, en Slovénie…

Comme saint-etienne Tallinn a mis le design au centre de nombreux enjeux.

En Estonie, des préparatifs sont en cours depuis 3 ans au niveau de l’état pour créer le poste d’architecte d’état. Nous participons avec l’association des designers à ce processus et nous pouvons transmettre nos réflexions à la Chancellerie d’Etat. Nous avons aussi accompli beaucoup de choses de notre propre initiative, en impliquant l’administration, des étudiants et des habitants.

Quel regard portez-vous sur Saint-Étienne ?

Saint-Etienne est la ville que j’ai visitée le plus après Helsinki. Il est intéressant de voir comment une ville industrielle est devenue un des centres de design d’une vivacité exceptionnelle en France. En se promenant dans la ville, on sent la présence du design : le transport en commun, les actions pop-up… C’est la ville où se rencontrent la recherche en design, l’éducation, l’entrepreneuriat et la sensibilisation du public. Ce développement a contribué à la création de cette magnifique Cité du design.

Merci à Inge Eller, assistante des projets internationaux à la Cité du Design pour la traduction.