C’est à la fin des années quatre-vingt-dix que l’on entend parler du Slam pour la première fois en France. Plus précisément, il faudra attendre la sortie de l’excellent film « Slam », de Marc Levin en 1997, qui relate de manière plus ou moins romancée le fabuleux destin du poète urbain afro-américain Saul Williams, pour qu’on mesure pleinement toute l’importance du Slam aux États-Unis. De même que le Rap ou la Beatbox forment des composantes musicales du mouvement Hip-Hop, le Break (une de ses expressions chorégraphiques) et le graffiti (son pendant plastique), le Slam en est sa déclinaison poétique et urbaine. Il faudra bien un jour en France que nos élites intellectuelles, et les autorités artistiques dont elles dépendent, prennent pleinement la mesure de ce mouvement Hip-Hop qui aura permis une véritable démocratisation de l’art, peut-être la seule dans toute l’histoire de l’art d’ailleurs…

Ce n’est que 10 ans après la sortie de « Slam » sur les écrans, qu’on entend enfin parler d’une pratique Slam dans la capitale Française. La figure de proue (il en faut toujours une) du Slam à la française, sera Fabien Marsaud, dit Grand Corps Malade. On connaît tous son histoire… Alors sportif de haut niveau, Fabien Marsaud anime en 1997 une colonie de vacances et effectue un plongeon dans une piscine presque vide… L’accident est terrible et on lui annonce même une paralysie inférieure totale. Parallèlement, le jeune homme est passionné de poésie et il découvre, à travers différents ateliers d’écriture dans un Café Culturel de Saint-Denis, cité d’où il est originaire, le Slam, cet art urbain né dans les ghettos de Chicago à la fin des années quatre-vingt. En 2005, ses premiers textes lus sur la scène du Réservoir (qui accueille régulièrement le Jamel Comédy Club) commencent à circuler jusqu’au label AZ qui décide de défendre ce genre musical novateur.
En mars 2006, le label sort le premier album de Grand Corps Malade intitulé « Midi 203 », titre qui reprend celui d’un morceau où Grand Corps Malade place sa vie à l’échelle d’une journée. Charles Aznavour, figure incontournable de la chanson française, apporte toute son admiration (et son aura) à Grand Corps Malade dont le premier album se classera à la 10e place des meilleures ventes sur l’année 2006 ! La carrière de Grand Corps Malade est lancée et la France découvre une voix alternative, à son image, qui revendique pourtant sa totale appartenance « à la banlieue », au grand dam notamment d’un Éric Zemour ! « Funambule » est déjà le 4e album de Grand Corps Malade. Composé par le trompettiste franco libanais Ibrahim Maalouf, « Funambule » apporte une caution musicale incontestable. Techniquement, les musiques sont très élaborées et parfaitement maîtrisées. Les mélodies, complexes mais accessibles, contribuent à sublimer les textes de Grand Corps Malade dont l’influence réside toujours dans un quotidien ou une actualité implacables. Si Grand Corps Malade parle de lui, des siens, de son expérience ou de sa ville, c’est pour mieux parler de nous, de notre époque, de notre temps, avec toutes ses espérances mais malheureusement ses désespérances. L’intime devient alors universel.

Le Fil – Saint-Etienne
Vendredi 24 janvier à 20 h 30