Gauvain Sers, certainement le musicien dont tout le monde va parler dans les semaines qui suivent (on prend les paris ?), une chance pour vous, il est là, rien que pour vous et avant tout le monde ! Rencontre :

Tu as grandi à côté de Guéret, dans la Creuse… Tu viens donc de la fameuse France Périphérique délaissée… Alors, quel effet ça te fait ?

C’est sûr que ça m’a fait un choc quand je suis arrivé à Paris pour mes études… Mais aujourd’hui, je suis amoureux des deux : de ma campagne creusoise et de Paris. Je ne pourrais pas me passer ni de l’une ni de l’autre. Et je revendique la Creuse tous les soirs en concert, c’est là que j’ai tous mes souvenirs d’enfance.

Tu as eu une adolescence classique, pas réellement rebelle. D’où te vient l’idée de chanter et d’écrire ?

J’ai baigné dans la chanson française depuis tout petit dans la bagnole de mon père. Avec mes frangins, on écoutait Brassens, Brel, Ferrat, Renaud, Dylan… alors à la fin de l’adolescence j’ai commencé à écrire des textes et à les accompagner à la guitare avec 2/3 accords. Depuis, je n’ai jamais arrêté.

Ton enfance a été bercée par la chanson Française… Ferrat, Brel, Barbara… Ni Punk ni Rap ?

Si, j’ai écouté un peu de rap à partir du lycée : MC Solaar, NTM, IAM et Sniper. Il y a des titres que je réécoute avec grand plaisir mais on ne peut pas dire que je sois fan de rap.

Tu as suivi une scolarité exemplaire : classe préparatoire scientifique à Paris, École d’ingénieurs à Toulouse… Beaucoup de sacrifices, on suppose, pour tout laisser tomber ?

Exactement… Mais je n’ai pas vécu ça comme des sacrifices, avec le recul, c’était des années où j’étais heureux de faire ça. Je suis allé jusqu’au diplôme pour assurer mes arrières mais j’avais déjà dans un coin de la tête de tenter ma chance dans la musique.

Comment s’est passée ta première arrivée à Paris en classe prépa. : un sacré changement pour un petit Creusois, non ?

C’est ce que je disais au début, ça a été comme changer de planète. Mais j’ai tout de suite adoré Paris. Les rues pavées, les terrasses, les cafés au comptoir. Y’a une énergie folle et je m’y sens bien.

Qu’a pensé ton entourage, lorsqu’après ton diplôme d’Ingénieur, tu décides de te lancer dans la chanson ?

J’imagine que pour mes parents ça a été une petite dose d’inquiétude mais je crois qu’aujourd’hui ils savent que j’ai pris la bonne décision ! Je n’aurais pas été heureux à travailler dans un bureau toute la journée. Fallait que je tente le coup et c’était le moment ou jamais. Ils n’ont jamais essayé de me dissuader parce qu’ils ont compris que j’étais décidé, motivé et passionné. Je les remercie beaucoup pour ça.

Avec le recul, as-tu galéré pendant ces années d’apprentissage musical ?

Je n’ai jamais vraiment galéré comme certains partent à la mine. Mais il y a eu des périodes de doutes, des périodes où on ne trouve pas de lieux pour faire des concerts, pas assez d’heures pour être intermittent. On peut avoir le sentiment d’avoir un peu une épée de Damoclès en permanence au-dessus de la tête. Mais heureusement pour moi, ça n’a pas duré très longtemps, mon projet s’est développé assez vite. Mais je mesure la chance que j’ai aujourd’hui.

Comment as-tu croisé le chemin de Renaud ?

Quatre jours avant son premier Zénith à Paris, il cherchait une première partie un peu en urgence. Apparemment, il aurait écouté plusieurs chanteurs et quand c’est arrivé sur une de mes chansons, il aurait dit « j’veux que ce soit lui ». Et une demi-heure après, il m’appelait pour m’annoncer la nouvelle.

Il aurait déclaré « avoir aimé écrire la chanson « Mon fils est parti pour le Djihad » »… Est-ce vrai ?

Il me l’a dit 2 ou 3 fois oui… Évidemment, venant de lui, c’est presque le plus beau compliment de tous les temps. Par contre, certains journaux ont dit qu’il aurait « rêvé de l’écrire » et je n’ai jamais dit ça. Je préfère rétablir la vérité ici  !

Le bonheur, c’est simple comme un coup de fil de… Renaud ?

Ce coup de fil là, c’est plus que du bonheur… ça m’a changé la vie. Je ne le remercierai jamais assez pour sa générosité et pour ce coup de pouce incroyable. Mais le bonheur oui, c’est simple comme un café en terrasse au printemps.

Tu te retrouves à jouer ses premières parties devant des milliers de personnes. Alors, la pression ?

Forcément un p’tit peu…Mais ça a été tellement rapide entre le coup de fil et le premier Zénith qu’on n’a pas tellement eu le temps de cogiter et c’était pas plus mal. C’était tellement irréel… Je regardais trois fois aux passages piétons, je voulais être certain qu’il ne m’arrive rien avant la première date ! La nuit de samedi et dimanche, j’ai eu du mal à trouver le sommeil mais dès le mardi on était sur scène. Heureusement, avec Martial Bort qui m’accompagne à la guitare, on était prêt à ce moment-là et ça s’est tout de suite très bien passé avec le public et avec Renaud, on a été mis en confiance pour la suite.

Tu as donc croisé Renaud au quotidien, alors comment est cette légende dans la vraie vie ?

Telle que je l’imaginais ! À la fois généreux, drôle, mystérieux, imprévisible, passionné, bougon, enfantin !

Renan Luce a été le gendre de Renaud… Tu te situes dans cette lignée ?

Difficile d’être juge et partie mais oui forcément, j’ai l’impression qu’on appartient à la même famille musicale. Renaud serait un peu le parrain d’écriture et Renan le grand frangin !

Tu cites souvent Allain Leprest comme influence… Ce n’est pourtant pas le plus connu. Une injustice ?

Totalement ! Son œuvre est tellement incroyable, les textes si profonds, drôles, truffés de trouvailles poétiques. Et quel personnage ! Tous ceux qui ont croisé sa route un jour en parlent avec des étoiles dans les yeux.

Tu as écrit une chanson sur « Hénin Beaumont », le « Djihad », « Entre République et Nation ». Alors, serais-tu un chanteur engagé ?

J’aime parler dans les chansons de tout ce qui me touche, de ce qui se passe autour de moi, de mon époque, des gens. J’ai toujours admiré les chanteurs qui n’avaient pas peur de dire ce qu’ils pensaient. Alors je ne me mets pas de barrière. Sans faire pour autant le donneur de leçon évidemment et étant le plus sincère possible.

Musicalement, qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?

J’aime beaucoup le dernier disque d’Albin de la Simone. Sinon, j’écoute Neil Young, Bob Dylan, Souchon, Thiéfaine ou des amis talentueux comme Govrache, Clio, Frédéric Bobin, Garance, Éric Frasiak.

Tu affiches un look très « titi parisien », c’est volontaire ?

J’suis un titi creusois ! J’ai une double casquette ! Celle du campagnard et celle du Parigot. Je trouve que ça résume bien mon histoire cette casquette.

Tu avais sollicité un financement participatif pour enregistrer ton premier album, depuis, tu as signé dans une grosse maison de disques… Que s’est-il passé ?

Il s’est passé 80 dates dans des Zéniths en première partie de Renaud ! Ça change la visibilité et la portée du projet forcément… Je suis très heureux de l’équipe avec laquelle je bosse chez Mercury et je mesure chaque jour la chance que j’ai d’être aussi bien accompagné.

Ton premier album sort en juin prochain… Peux-tu déjà en parler ?

Oui, il sort le 9 juin et j’ai tellement hâte de le faire découvrir aux gens ! Je peux vous dire qu’il y a des chansons très différentes tant sur les sujets qu’au niveau des arrangements. Et je crois que ce disque me ressemble beaucoup. Il est la photographie de ce que je suis, de ce qui autour de moi me touche et de ce que je pense tout bas quand j’écris tout seul dans ma piaule.

Au fond, ton parcours est une sorte de conte de fées réel, non ?

Ça y ressemble bien en tout cas… et je touche du bois pour que ça dure !