Du 22 janvier au 12 février se déroulera la 5ème édition des Jazzeries d’Hiver (concerts, projections film et jam-sessions proposés dans toute l’agglomération), organisée par l’association Stéphanoise Gaga Jazz qui fête, elle, son dixième anniversaire. Rencontre avec une équipe de passionnés :

Pouvez-vous nous présenter l’association Gaga Jazz ?

L’association Gaga Jazz a été créée en 2004 par une bande de passionnés, musiciens ou mélomanes, désespérés de constater que cette musique n’était quasiment plus présente sur les scènes stéphanoises, alors que les musiciens étaient nombreux à la pratiquer, et que les amateurs ne manquaient pas ! Nous nous sommes donc fixés deux objectifs principaux : proposer au public stéphanois une programmation de concerts de Jazz de qualité tout au long de l’année, et accompagner les musiciens et groupes locaux dans leurs projets de production et de professionnalisation à travers un support administratif et technique. Nous avons depuis 10 ans organisé plus de 250 concerts à St-Etienne et dans la Loire, accueilli des artistes internationaux, nationaux, mais aussi de très nombreux groupes locaux émergents, produit 2 CDs de formations stéphanoises, organisé de nombreuses « master class » en lien avec le Conservatoire Massenet et les écoles de Musique du département. Pendant la saison 2014-2015, Gaga Jazz propose en moyenne 2 concerts mensuels à St-Etienne, qui se déroulent au Fil et au Café Jules de l’Opéra-Théâtre, et organise un festival nommé les Jazzeries d’Hiver, dont la quatrième édition se déroulera du 22 janvier au 12 février 2015. Nous produirons cette année le premier album du trio Honeyjungle, qui sera le troisième CD du label Gaga Jazz Music.

Existe-t-il un public pour la musique Jazz à Saint-Étienne ?

C’est certain ! Les nombreux festivals qui se déroulent dans notre région sont la preuve que le public est toujours amateur de découvertes, et si tous les concerts de Jazz ne remplissent pas les stades, la fréquentation de nos concerts reste stable. Contrairement aux idées reçues, le Jazz n’a jamais cessé d’évoluer au contact d’autres musiques dites «  actuelles » (aujourd’hui Électro, Hip-Hop, …), et il touche beaucoup plus de jeunes musiciens qu’on ne pourrait l’imaginer. La preuve en est que les classes de Jazz des Conservatoires et écoles de Musique sont en plein essor !

Vous dites que le Jazz reste peu médiatisé… Pourquoi selon vous ?

Si cette musique reste discrète dans les médias « grand public », il devient de plus en plus facile de se tenir informé de l’actualité locale du Jazz via Internet (citons par exemple le site jazz-rhone-alpes.com qui couvre quasiment l’ensemble des concerts de notre région), et les rediffusions de concerts sont nombreuses sur les chaînes thématiques (Mezzo) ou à la radio. YouTube fourmille également de pépites musicales pour qui a la patience de fouiner un peu.

Les grands Jazzmen jouent actuellement à Clermont-Ferrand, Jazz en Tête, à Vienne, Jazz à Vienne, à Montbrison, Jazz à Montbrison, à St-Chamond, au Rhino Jazz… Quid de St-Étienne ?

Et ils font souvent escale à St-Etienne… Si la vocation première de Gaga Jazz n’est pas de programmer principalement des têtes d’affiche comme expliqué plus haut (nos moyens de petite structure associative ne nous le permettraient pas), nous avons pu accueillir quelques grands noms du Jazz, comme le duo du pianiste Brad Mehldau et du batteur Mark Giuliana en 2013 grâce à une coproduction avec le Fil pour un concert unique en Rhône-Alpes, le Quartet d’Omar Sosa, mais l’on pourrait citer également Jeremy Pelt, Mark Turner, Lagge Lund, Aaron Parks, Rosario Giuliani pour ne mentionner que les musiciens étrangers… Il ne faut pas négliger la qualité du Jazz français qui s’exporte très bien depuis Django Reinhardt ! Ces dernières années, Gaga Jazz a accueilli le batteur Daniel Humair, le pianiste Laurent Dewilde, le guitariste Marc Ducret, le saxophoniste Stéphane Guillaume, le trompettiste Ibrahim Maalouf…  À noter également la venue du trompettiste américain Ambrose Akinmusire le 26 avril 2015 au Fil, qui a signé il y a peu chez le prestigieux label Blue Note et fera parler de lui dans les prochaines années !

Présentez-nous la prochaine édition des Jazzeries d’Hiver ?

Ce festival dont nous fêterons la 5e édition se déroulera du 22 janvier au 12 février 2015. Il mêlera concerts, projections de film et jam-sessions. Nous souhaitons vraiment rendre cet événement accessible à tous, c’est pourquoi plus de la moitié des soirées sont gratuites, et que les tarifs des concerts payants ne dépassent pas 12 euros.

Il existe plusieurs types de Jazz… Lequel les Jazzeries d’hiver préfèrent-elles ?

Difficile de définir ce qu’est le Jazz, c’est un débat aussi vieux que cette musique ! Gaga Jazz ne défend pas une esthétique particulière : du Swing Manouche aux Musiques Improvisées en passant par le Bebop, c’est avant tout la qualité musicale qui détermine nos choix. Pour preuve, on pourra entendre au cours du festival le Big-Band du Conservatoire de St-Etienne jouer un hommage à Franck Zappa écrit par le guitariste Pierre-Jean Gaucher au Fil le 22 janvier, le pianiste New-Yorkais Joel Forrester et son « French Quintet » constitué de musiciens stéphanois le 26 janvier, qui interpréteront des compositions plus proches de l’univers de Thelonious Monk (dont il a été l’un des rares élèves), ou encore le Quartet d’André Charlier & Benoît Sourisse au Fil le 28 janvier dont la musique bouillonnante et métissée est inclassable.

L’Europe s’est-elle définitivement émancipée du Jazz américain ?

Oui et non : si de nombreux musiciens perpétuent la tradition ou s’inscrivent dans les courants actuels du Jazz New-Yorkais, certains tracent depuis longtemps leurs propres chemins, souvent très éloignés des idiomes du Jazz et cultivent une identité musicale propre. Tant et si bien que les frontières sont abolies entre Europe & États-Unis : les musiciens voyagent, de nombreux Européens jouent dans des formations menées par des Américains et inversement, sans compter les nombreux Américains qui ont choisi de vivre en France. Depuis le début des années 70, le label allemand ECM constitue un bon exemple de ce brassage et de l’émergence d’une esthétique particulière, une musique plus aérienne et épurée. Les musiciens scandinaves font aujourd’hui beaucoup parler d’eux : le trio du regretté Esbjorn Svensson EST, Lars Danielson, le trompettiste Bugge Wesseltoft…

Les Jazzeries sont largement délocalisées : Rive de Gier, restaurant l’Aventure, Cinémathèque… Est-ce un avantage de ne pas avoir un lieu identitaire ?

On peut envisager cette situation comme une contrainte, dans la mesure où un lieu dédié au Jazz à Saint-Étienne permettrait d’accueillir plus confortablement le public comme les musiciens, et surtout d’établir une programmation à plus long terme sans être tributaire des disponibilités des salles et établissements où nous proposons nos concerts. Ceci dit, nous avons pris nos marques au Fil depuis sa création en 2008 et plus récemment au Café Jules de l’Opéra Théâtre pour des rendez-vous mensuels, et le public semble trouver ses marques.

Etes-vous bien ou suffisamment soutenu par les institutions territoriales ?

Gaga Jazz a pu compter sur le soutien de la Ville de Saint-Étienne dès sa création, cela nous a permis de mettre le pied à l’étrier et de solliciter progressivement d’autres partenaires et d’assurer des financements diversifiés, notamment celui de la Spedidam qui rend possible la réalisation de notre projet artistique. Ces aides indispensables restent très modestes au regard de l’activité de notre association et de son rayonnement sur le territoire : Gaga Jazz établi environ 300 bulletins de paie chaque année, dont la plupart concernent des musiciens stéphanois devenus professionnels ! Comme dans toute association, les bénévoles assument un travail titanesque tout au long de la saison, et permettent de mener à bien nos projets malgré nos budgets dérisoires comparés à ceux de grandes structures culturelles. Nous avons mené plusieurs actions en partenariat avec le Conseil Général de la Loire et Saint-Étienne Métropole au cours des dernières années : notamment des « master class » & concerts délocalisés dans le département.

L’association Gaga Jazz fête son 10e anniversaire. Que faut-il vous souhaiter pour les 10 prochaines années ?

Un toit pour accueillir nos concerts, mais surtout de belles découvertes musicales et un public toujours plus nombreux pour en profiter !