Cela fait trois ans, soit un mi-mandat, que Gaël Perdriau dirige la ville de Saint-Etienne. Belle occasion de faire un point sur les projets engagés. Rencontre :

Vous êtes à mi-mandat. De quoi êtes-vous le plus fier ?

Nous sommes aujourd’hui sur une feuille de route qui est fidèle à ce que nous avions annoncé aux Stéphanois. Je suis très heureux d’avoir réussi à intéresser de nouveau les investisseurs et les promoteurs extérieurs à la ville. Ils ont retrouvé une confiance qui n’existait plus. Cela a bien évidemment un effet très important sur l’image de la ville, sur son développement, son attractivité et l’emploi. C’est cela qui me satisfait le plus puisque c’est aussi une des conditions de notre réussite pour la suite.

Vous avez aussi beaucoup communiqué sur l’image de la ville avec les panneaux « Saint-Étienne change le monde avec design » mais aussi un magazine municipal

rénové. Une réelle volonté de matérialiser ce changement d’image ?

J’ai pris conscience de l’image qu’avait la ville en matière de design notamment à l’extérieur de Saint-Étienne, sur le territoire national mais aussi à l’international. Ceux qui en sont finalement le moins convaincus, ce sont les Stéphanois. L’intérêt de ces campagnes est donc bien de leur montrer qu’ils peuvent être fiers de ces réussites.

Avez-vous rencontré des difficultés, des imprévus ?

Il y a toujours des mauvaises surprises. Parce que forcément, au conseil municipal, on ne voit pas tout. Mais je me suis engagé auprès des Stéphanois, je dois donc faire face surtout lorsque je rencontre des difficultés. Vous savez, cela fait 20 ans que je suis élu à Saint-Étienne au conseil municipal. Je pense que je connais bien cette ville. J’ai un tempérament qui n’est pas de me lamenter ni de baisser les bras devant un problème. J’ai eu, c’est vrai, quelques mauvaises surprises, mais mon travail est de trouver des réponses. Et c’est ce que j’essaie de faire de mon mieux, chaque jour.

On sait que vous apportez une attention particulière à l’industrie numérique. Qu’en est-il de l’action municipale à l’égard des entrepreneurs ou du grand public ?

Pour répondre à cette question, il y a plusieurs angles. Tout d’abord, il y a le service à la population. Dans ce domaine je considère que Saint-Étienne avait un retard considérable. C’est ce que j’ai essayé de combler durant ces trois premières années de mandat. Avec un portail de services qui verra le jour très prochainement. L’idée est de simplifier la vie des Stéphanois en leur permettant, par exemple, de leur faciliter l’accès aux démarches administratives par le biais du numérique. C’est également l’application Moovizy que nous avons créée pour leurs déplacements. C’est une innovation européenne. Il y a également l’application MobiliSE pour être au plus près des préoccupations de nos concitoyens quel que soit le sujet. Ça peut aller d’une haie mal taillée à un tag à effacer. C’est aussi l’installation du wi-fi gratuit sur une vingtaine de places de la ville, ce que nous allons continuer à développer. C’est le wi-fi dans le tramway. Vous avez aussi la possibilité de prendre un ticket de tram directement avec votre téléphone sans le sortir de votre poche. Et nous allons continuer à innover dans ce sens. Nous allons créer une application pour les alertes neige par exemple, pour mieux gérer les relations avec les urgences météo et la population. Il aura l’installation également de « beacons » pour permettre aux Stéphanois de recevoir des informations sur le lieu dans lequel ils se trouvent. Dans ce domaine, nous partions de rien. En trois ans, nous avons vraiment franchi un cap important.

Sur le plan économique, nous avions un capital entreprise. Le chiffre d’affaires dans le secteur sur le territoire représente 1,5 milliard d’euros. Ce qui manquait, c’est une stratégie et de la visibilité à un niveau national et européen pour aider ces entreprises à se développer davantage. Et ça, ça a été le combat pour obtenir le label French Tech. C’était très loin d’être gagné d’avance. Il a fallu se battre et j’ai envie de dire que nous y sommes habitués, puisqu’à Saint-Étienne, on ne nous donne rien, il faut toujours tout aller chercher. Nous nous sommes battus, avec le soutien bien sûr des chefs d’entreprise, des grandes écoles, de l’université ainsi qu’avec le soutien de Madame Ducottet, PDG de Thuasne qui nous a permis de faire venir Axelle Lemaire à Saint-Étienne. Je crois que cet événement a été déclencheur. La ministre a vu qu’à Saint-Étienne, il y avait tout un écosystème qui existait et qui méritait d’être soutenu. Cette reconnaissance est triple aujourd’hui, puisque French Tech a été doublé d’une reconnaissance Design Tech, qui nous place aujourd’hui leader en matière de design numérique pour l’ensemble des métropoles French Tech y compris des Hubs à l’étranger. Il y a quelques mois, French Tech nous a également reconnu des compétences en matière de Manufacturing Tech, qui est vraiment notre cœur de métier avec l’industrie. Et il y aurait beaucoup à dire encore. Le récent CES de Las Végas a permis à beaucoup d’entreprises de booster leur activité. Notons également l’arrivée de la fibre qui continue à se développer. Nous avons aussi des innovations numériques portées par le 4ème Gérontopôle de France qui nous a valu une reconnaissance par le ministère de la santé. L’objectif étant de travailler en synergie avec le CHU et l’université d’Auvergne Rhône-Alpes pour réfléchir aux services ou produits dont auront besoin les personnes âgées de demain, soit parce que celles-ci souhaitent rester chez elles leur préservant un minimum d’autonomie, soit parce qu’elles sont contraintes de rentrer dans une maison spécialisée. L’idée est que ces personnes puissent bien vivre le plus longtemps et le mieux possible, à la fois du point de vue de la santé, mais aussi du point de vue de leur environnement. C’est un outil de communication qui permet à leurs familles éloignées de garder un lien avec elles. Nous avions donc un retard considérable que nous avons réussi à combler en 3 ans.

La prochaine biennale de Design arrive, avec une thématique inspirante sur les mutations du travail. Quelles sont vos attentes ?

Je n’interviens pas sur le fond des sujets culturels. Le thème, notamment pour la biennale, a été décidé par les équipes qui mènent ce projet. En revanche, je me félicite pour le choix de ce thème. Je pense que c’est une question de société qui peut faire comprendre aux chefs d’entreprise, aux salariés, les évolutions liées justement à ces mutations du travail. Effectivement, il y a toujours eu des évolutions dans nos sociétés, ce qui est différent, c’est la rapidité avec lesquelles elles se mettent en place. Cela permettra de montrer en quoi un designer est un acteur économique de la société, y compris de la vie quotidienne. Ça augure, je pense, d’un succès très important pour cette biennale.

Est-ce que vous pensez que Saint-Étienne s’investit assez dans le design toute l’année, dans les quartiers, dans les écoles, en ville… ?

J’ai toujours pensé que puisque nous sommes la capitale française du design, la première ville de France labellisée Ville Unesco Design, il fallait que ça se voit au quotidien. Je considère que jusqu’à présent cela ne se voyait pas assez. Il faut que la ville dans toutes ses actions transpire le design que ce soit d’ailleurs à l’initiative de la ville ou d’acteurs privés. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé « Banc d’essai » il y a maintenant 2 ans pour que le design puisse se voir dans l’espace public. Le design fait aussi partie des critères de sélection pour les marchés publics de manière systématique, par exemple pour le mobilier urbain, mais également pour les concours privés. C’est la première fois, par exemple avec le projet du Pont de l’Âne, que nous avons un projet privé dont 15 % de la note portait sur le design. Lorsque nous avons rénové la place Jacquard, il y avait aussi une place importante pour le design dans le cahier des charges. Ce fût vrai aussi pour le crématorium. Nous avons exigé qu’il y ait une place pour le design dans ce projet. À la fois sur le bâtiment et dans son fonctionnement. On ne peut pas se contenter de quatre semaines de design tous les deux ans. Avec Commerce Design, les commerçants sont sensibilisés. Nous essayons de faire en sorte que chacun s’approprie le sujet pour que cela crée une identité forte de la ville quel que soit le secteur d’activité.

Un beau projet justement concerne la rue de la République. Qu’en est-il exactement ?

La rue de la République design est un très bel exemple, qui s’inscrit dans un projet européen dont Saint-Étienne est leader, « Human City ». Cela part d’un constat qui est fait dans toutes les villes européennes, et on pourrait même aller au-delà, de la problématique du commerce en centre-ville. Ce sujet est connu, mais c’est Saint-Étienne qui prend l’initiative de cette expérimentation. J’espère qu’elle sera démonstrative de ce que pourrait être une régénération du commerce en centre-ville.

Le directeur actuel de la cité du design, Ludovic Noël, quitte ses fonctions. Comment cela va-t-il se gérer ?

Sur le fond, je comprends que lorsque l’on a des compétences, elles puissent être reconnues par d’autres et qu’au bout de six ans, il est compréhensible de vouloir profiter de nouvelles opportunités professionnelles. Ce que je regrette, c’est la date du départ. Il va donc falloir faire face. J’avais renouvelé ma confiance à Ludovic Noël. C’est quelqu’un que j’apprécie, et je crois que c’est réciproque. J’ai beaucoup aimé le travail que nous avons accompli ensemble. Ce qui est certain, c’est que même si le recrutement est lancé, nous n’aurons pas le temps de trouver un successeur pour l’ouverture de la biennale. Je m’étais beaucoup investi lors de la dernière biennale parce que je crois que c’est important que le maire soit en première ligne notamment pour accueillir les acteurs économiques, culturels, politiques, internationaux. Ces quatre semaines de biennale sont une belle vitrine pour Saint-Étienne. Ça veut dire que pour la biennale qui arrive, je devrais sans doute être encore plus présent. Ce que je ferais car c’est pour moi une priorité.

Le salon du livre de Francfort dont le stand Français a été conçu par des designers Stéphanois. Est-ce selon vous un signe de reconnaissance ?

C’est bien sûr un signe de reconnaissance. Quand le Premier Ministre, avec l’institut de France, est venu chercher des compétences à Saint-Etienne pour concevoir le pavillon de notre pays dans le plus grand salon du livre international, c’est une véritable reconnaissance, que l’on doit aux compétences de notre école et aux designers qui travaillent sur notre territoire. Nous aurions pu parler également du timbre conçu pour La Poste pour la Coop 21. Et il y en aura d’autres reconnaissances, c’est certain.

La Comédie de Saint-Étienne se déplace Plaine Achille. Qu’en est-il ?

L’outil de travail que nous allons livrer à La Comédie dans quelques semaines, un centre dramatique national, va permettre d’améliorer la qualité du travail en cours, et les performances des productions et des étudiants. En cela, c’est une très bonne nouvelle. J’ai également renouvelé ma confiance au directeur actuel, Arnaud Meunier. Je suis très heureux qu’il soit reconduit dans sa fonction par madame la Ministre. Mon objectif est maintenant de magnifier ce nouvel écrin pour en faire un haut lieu de la culture stéphanoise et française car je rappelle que c’est une scène nationale.

Que vont devenir les anciens locaux de La Comédie ?

Avec Marc Chassaubéné, nous avons beaucoup travaillé sur la vocation de ce lieu. Il se trouve que dans nos engagements de 2014, nous souhaitions soutenir les talents émergents, faire en sorte que toutes les disciplines artistiques puissent trouver leur place dans la ville, de la formation à la fin du cursus pour ne plus voir partir ailleurs nos talents par manque d’infrastructures. Nous avions le risque de voir ce lieu se transformer en friche, dans un quartier qui m’est cher pour y avoir habité de nombreuses années, un lieu avec une vraie identité et une vraie histoire. Il fallait donc opérer une transformation de ce site de manière intelligente et répondre à cet objectif que nous avions de soutenir les talents émergents stéphanois. 7 millions d’euros vont aider à reconvertir ce lieu à destination du spectacle vivant en accueillant en résidence des compagnies stéphanoises et en y déplaçant également la salle Jeanne d’Arc, dont les limites sont aujourd’hui évidentes. Au quotidien, ce lieu sera celui de la culture ; il permettra de compléter une offre qui manquait sans doute à Saint-Étienne, depuis la formation initiale jusqu’au monde professionnel. Toute la chaîne culturelle y sera réunie.

Le directeur du musée d’art moderne quitte également son poste. Qu’attendez-vous du prochain directeur du musée ?

Je voudrais tout d’abord rendre hommage à Lorand Hegyi avec qui j’ai tissé des relations personnelles très fortes. Il m’a fait découvrir un monde que je connaissais mal. Je lui avais demandé, puisqu’il faut rappeler que nous sommes le deuxième musée d’art contemporain de France avec plus de 20 000 œuvres, de faire voyager nos réserves et qu’on les ouvre aux Stéphanois. “Archéologie du Présent” en est une illustration, une façon de présenter les œuvres plus connues du grand public, à travers elles, de faire découvrir d’autres œuvres peut-être moins accessibles. Et depuis 2015, c’est environ 6 à 7 musées internationaux à qui nous prêtons des œuvres ce qui renforce notre présence dans de grandes capitales étrangères. C’est positif à la fois pour la culture, puisque cela permet de diffuser des œuvres qui étaient parfois cachées, mais aussi pour la notoriété de la ville. Je souhaite aussi conserver ce qui a été fait en permettant à de jeunes artistes émergents d’avoir accès au musée. Nous fêtons le 30ème anniversaire du musée. Nous allons donc saisir cette opportunité de changement pour donner un nouvel élan au musée. Lorand Hegyi, compte tenu de nos bonnes relations, continuera de nous conseiller bénévolement, je le précise, durant encore quelques années.

Qu’en est-il du spectacle vivant ? Les structures sont-elles toujours soutenues et les efforts de la municipalité poursuivis ?

Marc Chassaubéné s’est également beaucoup investi dans ce domaine. L’idée était de ne pas entretenir les compagnies par habitude mais de se soucier réellement de leur travail. Les élus à la culture s’investissent vraiment. Ils ne jugent pas sur dossiers mais vont voir les spectacles. Ils vont à la rencontre des compagnies. Il faut les accompagner et les soutenir, c’est important pour les compagnies y compris dans l’exportation de leurs compétences.

Qu’en est-il des festivals ?

Là aussi il faut que les associations considèrent qu’il n’y a jamais rien d’acquis. Ce n’est pas parce qu’elles ont toujours été soutenues qu’elles le seront toujours. Nous avons le devoir d’être exigeant, que ce soit sur la qualité du travail comme de l’utilisation de l’argent public pour que la population s’y retrouve dans l’offre culturelle. Si on prend l’exemple du festival des Arts Burlesques, je suis très heureux du nouveau questionnement de l’association. Elle propose une programmation qui est très riche et qui je pense répond à un véritable besoin. C’est aussi le cas par exemple des 7 Collines, de Paroles et Musiques… La demande des spectateurs évolue. On ne peut pas simplement reporter le dossier à l’année suivante en ne changeant simplement que la date… Il faut savoir que Saint-Étienne a perdu 17 millions d’euros entre 2014 et 2017 dans son budget. Nous devons donc faire des choix. Certaines collectivités coupent les subventions sans que l’on sache trop pourquoi. Pour ma part, je trouvais injuste que cela se fasse sans dialogue. Mais dès lors que nous fixons un calendrier des charges, chacun est au courant des objectifs déterminés.

Quel regard portez-vous sur l’Opéra aujourd’hui ?

J’ai trois critères qui me permettent de répondre à votre interrogation : Tout d’abord, la qualité de la programmation. Si j’en juge par les remarques faites par les observateurs de ce secteur depuis 2014, l’Opéra donne satisfaction, grâce à un cahier des charges que j’ai fixé. J’ai souhaité que l’on reste une ville de création, avec du lyrique mais aussi de la danse et de la musique classique. Deuxième point, la fréquentation. Visiblement les salles sont pleines et les spectacles ovationnés. C’est donc que le public est content. Troisième point, l’Opéra doit rester accessible à tout le monde et toucher même ceux qui ne se sentent pas forcément concernés. J’y suis d’autant plus sensible que je fais partie de ce public. Avant d’avoir eu la chance de découvrir l’opéra, je pensais que ce n’était pas pour moi, que c’était uniquement pour des connaisseurs exigeants. J’ai eu la chance d’être sensibilisé à cet univers. Je voudrais en faire profiter un public beaucoup plus large, que l’Opéra soit ouvert à tous, y compris aux scolaires. L’année dernière, ce sont 18 000 enfants qui ont eu la chance de venir aux représentations. Si ces 3 critères sont réunis, je dirai que tout va bien.

Quelles sont vos relations avec la Région ? Continue-t-elle à nous subventionner ?

J’ai obtenu satisfaction sur les dossiers en cours. Que ce soit le soutien au fonctionnement et aux projets de la Cité du design ou de la Comédie. Là-dessus, je serai très clair avec les partenaires, État, Région ou Département. Je n’ai qu’une obsession, c’est l’intérêt général de Saint-Étienne. Donc quel que soit mon interlocuteur, je défendrais l’Intérêt de la ville. Je m’engagerais sans condition avec ceux qui s’engagent pour la ville, que ce soit dans le secteur professionnel, sportif, associatif…

Beaucoup de changements également dans le secteur étudiant ; Comment nous situons-nous notamment par rapport à l’ogre lyonnais ?

Un de mes objectifs et de positionner Saint-Étienne comme étant une ville étudiante. Ce que nous sommes déjà. Nous avons 25 000 étudiants. Nous avons 3 000 étudiants étrangers, nous avons de grandes écoles supérieures qui sont présentes sur notre territoire et une université pluridisciplinaire. C’est déjà exceptionnel pour une agglomération de 400 000 habitants. Nous sommes donc une ville étudiante mais nous ne sommes pas forcément reconnu comme telle. Nous allons créer un véritable campus à Tréfilerie et nous allons y mettre les moyens avec plus de 50 millions d’euros d’investissement. Une chance d’autant plus que ce campus se situe en centre-ville. Nous voulons créer une véritable entité universitaire. Il y a également le projet du Centres des Savoirs pour l’Innovation sur le Campus de la Manufacture-Carnot qui est acté. Lorsqu’on additionne les deux, cela fait 65 millions d’euros qui seront investis d’ici 2020. C’est aussi un fort accompagnement de la Manufacture du futur avec l’École des Mines, un accompagnement de l’ISTP sur la formation continue dans les secteurs d’avenir. J’ai réussi à implanter une école du numérique avec le soutien de l’Université et de SUP Télécom. Nous allons augmenter le nombre d’étudiants dans le secteur numérique car c’est un résultat de 100 % de placement à l’issue de la formation. Il y a une vraie demande. Concernant Lyon et Saint-Étienne, certains avaient peur que Lyon vienne manger Saint-Étienne. La peur est souvent mauvaise conseillère et génère souvent l’immobilisme. Il ne faut donc pas avoir peur de Lyon et pour cela, il faut savoir ce que l’on veut. Il faut avoir une vision sur les 20 ou 30 prochaines années. Il faut être conscient de nos forces et savoir les défendre. Entre 2015 et 2016 nous avons eu + 15 % d’étudiants à l’université. D’ailleurs, Lyon a décidé d’ouvrir Sciences Po à Saint-Étienne. Quand les Chambres de Commerce de Lyon et Saint-Étienne ont décidé de raccrocher, SUP de Co de Saint-Étienne qui était vouée à disparaître, a intégré l’EM Lyon. Le constat est que d’ici 2018 près de 1 000 étudiants intégreront l’école, aujourd’hui leader national avec son Bachelor. On n’a jamais eu autant de demande à l’ESC. J’en parle d’autant plus facilement que j’en suis issu. Je constate également une croissance de l’École des Mines, de l’Enise, donc il ne faut pas avoir peur.

Beaucoup d’investissements également pour les pépinières d’entreprises ?

Avec la caisse des dépôts, nous avons décidé d’investir, avec Saint-Étienne métropole, dans de nouvelles pépinières sur 2 500 m². La construction sera bientôt terminée. Elle permettra d’accueillir de nouvelles start-up. La politique de soutien aux grandes écoles débouche forcément sur les créations de start-up. Notre objectif évidemment est de pouvoir garder cette énergie et ses emplois de demain sur notre territoire. Le mixeur est plein. 2 500 m² de pépinières supplémentaires sur la Manufacture sont déjà pleines à 80 % avant même que les travaux soient terminés. Nous sommes donc en train de travailler sur une troisième tranche. Nous sommes vraiment dans cette logique qui est à la fois d’offrir une filière complète de la formation jusqu’à la prise d’activité, mais aussi de croiser les formations, par exemple entre la Faculté de Médecine et l’École des Mines, avec un double diplôme d’ingénieur-médecin, ou avec le design et les Mines sur de l’ergo design, L’École d’Architecture et des ingénieurs… Nous avons un très bon écosystème avec des directeurs d’établissements qui s’entendent très bien ensemble. Cette énergie créée de l’innovation qui créera demain de la richesse et de l’emploi sur le territoire.

Un mot sur la transition écologique ?

Je crois que dans ce domaine aussi, il n’en a jamais été fait autant que depuis ces trois dernières années. Nous avons été lauréat de tous les appels à projets du Ministère du Développement Durable. Et il y en a beaucoup ! Pour donner un exemple, la qualité de notre air est restée préservée. Notre objectif est de maintenir cette qualité. Nous avons beaucoup investi aussi dans les transports en commun. 170 millions d’euros entre 2014 et 2020. Il y a la nouvelle ligne de tramway, de nouveaux trams, l’acquisition d’une quinzaine de bus propres articulés et autant de bus traditionnels en faisant un gros effort sur le confort. Je pars du principe que l’on ne peut pas obliger les gens à prendre les transports en commun, il faut donc les y inciter. C’est pour cela que nous avons baissé le prix du ticket avec le pass 10 voyages à 10 €, que nous avons acquis du matériel neuf pour donner plus de confort aux usagers. 50 millions de passagers nous font confiance, j’espère que nous allons augmenter ce chiffre. Nous avons des projets de fermes photovoltaïques en cours d’étude, nous travaillons à la création de la plate-forme énergétique pour accompagner des particuliers dans la rénovation de leur logement. Nous avons donc pris beaucoup d’initiatives sur ce sujet.

Cette troisième ligne de tram justement, où en sommes-nous ?

On est dans le timing. Tout se passe donc comme prévu.

Le projet du Pont de l’Âne (STEEL) suscite quelques craintes. Expliquez-nous en quelques mots les raisons de ce choix ?

D’abord, il faut savoir que les commerçants ont évité le pire. Mon prédécesseur souhaitait créer des boutiques concurrentielles à celles du centre-ville, à hauteur de 200 boutiques. Le projet que je porte en tant que président de l’EPA, qui est inclus dans le cahier des charges des promoteurs, est de proposer des commerces complémentaires à ceux du centre-ville compte tenu de leurs surfaces et de leurs tailles afin d’attirer des enseignes qui permettront aux Stéphanois de consommer sans forcément aller chercher dans d’autres villes voisines ce qu’ils ne trouvaient pas ici. Cette consommation s’évadait de Saint-Étienne. Il faut que l’attractivité de ce lieu en fasse un lieu de destination. Il y a aujourd’hui des gens qui vont passer une journée à Lyon pour faire leurs courses, l’idée étant que ces personnes puissent venir une journée à Saint-Étienne. Je rappelle qu’entre STEEL et le centre-ville, il n’y a que 2 km. L’idée est que les gens passent également un bon moment dans un joyau architectural et qu’ils y trouvent tout ce qu’ils ne trouvent pas ailleurs, et au final, qu’ils veuillent finir la journée en ville en profitant de l’offre locale. Nous allons essayer de voir par exemple comment on peut mettre en place des cartes de fidélités communes entre les commerçants du centre-ville et Steel. Si j’additionne STEEL, si j’additionne le projet de la gare de Châteaucreux enfin en cours de rénovation, et pour lequel je me suis beaucoup investi, si j’additionne Actemium rue de la Montat, si j’additionne les projets résidentiels dans la ville, cela donne un volume d’affaires pour les entreprises du bâtiment qui est considérable. C’est aujourd’hui entre 3 et 400 millions d’euros qui sont en court de chantier. Je précise que j’ai demandé que des conventions soient signées avec la fédération des entreprises du bâtiment pour que confirmer la participation d’entreprises locales à ces chantiers. Ce qui est le cas à plus de 80 %.

Un autre projet est celui de la Grande Métropole. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela représente ?

Encore un projet dans lequel je me suis beaucoup investi. Il n’était pas évident que nous soyons une métropole. Lorsque le premier ministre a fait fusionner toutes les régions en 13, et créé le statut de Métropole, j’ai compris dans son discours que l’objectif était de pouvoir s’appuyer sur ces métropoles pour faire rayonner les régions, mieux utiliser l’argent public sur des investissements concrets. Donc des investissements d’État sont donnés aux métropoles. Le choix est évident d’en faire partie ou d’être noyé dans la masse des communes qui ne s’y sont pas engagées. Et là, je voudrais saluer, à l’heure où les fonctionnaires sont vraiment décriés, l’engagement des maires et des fonctionnaires de la métropole mais aussi des 53 communes qui la composent car le cahier des charges du gouvernement était tel que je leur ai imposé des rythmes de travail inhumains. Nous avons fait en neuf mois ce que d’autres ont fait en quatre ou cinq ans. Ce qui normalement aurait dû être fait sur un mandat a été fait en neuf mois. Il y a eu une grande cohésion et beaucoup de conviction parce que chacun était conscient qu’il fallait le faire, mais ça a été intense.

Un dernier mot ?

Et bien je me compare un petit peu à ces artistes au cirque qui font tourner les assiettes. Il faut les faire tourner les unes après les autres et revenir sans cesse pour éviter que l’une d’elles ne tombe. Si je me lève très tôt le matin et me couche très tard le soir, c’est pour éviter justement que cela n’arrive. Tous les chantiers entrepris sont comme ces assiettes. Et comme mon obsession est Saint-Étienne, il faut absolument qu’aucune ne tombe, et que celles-ci soient les plus nombreuses à tourner.