Si le Festival des 7 Collines a su convaincre bien au-delà de nos frontières régionales, il le doit autant à un inlassable travail de fond mené depuis 20 ans qu’à une programmation plus que jamais pertinente. Rencontre avec le créateur et directeur du festival, Jean-Philippe Mirandon :

Très tôt vous avez joué la carte du cirque, de la performance, et plus globalement des formes de spectacles dits alternatifs mélangeant différentes disciplines artistiques. Tout le monde y est venu depuis… Fier d’avoir été précurseur en la matière ?
C’est vrai que notre aventure remonte maintenant à 20 ans et que nous avons dès le départ misé sur la diversité des formes entre le cirque, les performances, la danse et le théâtre, ce qui n’était pas courant à l’époque. Des propositions d’artistes novatrices, des formes inédites et n’ayant jamais été présentées en France pour certaines. C’est d’ailleurs cet aspect « découverte » qui a fait le succès du festival, fidélisant les spectateurs au fil des années. Alors oui, on peut parler de fierté et surtout d’un grand bonheur d’avoir été suivis dès le départ par le public.

Le Festival a toujours joué également la carte de l’ouverture internationale. Cela a-t-il tout le temps été une évidence ?
Dès le début, nous avons privilégié des spectacles inédits et c’est donc tout naturellement à l’échelle de l’Europe et de l’international que nous avons cherché de nouvelles compagnies car le cloisonnement des disciplines est moins marqué dans d’autres pays. Nous ne voulions pas non plus reproduire ce que l’on voyait en France, ou tout au moins en Rhône-Alpes. Cette approche a logiquement favorisé la pluridisciplinarité. Défrichage, étroite collaboration avec d’autres festivals étrangers et des structures œuvrant pour les artistes émergents comme l’Onda par exemple : ces liens d’amitié et professionnels, tissés dans de nombreux pays, nous ont permis de concevoir chaque année une programmation originale et renouvelée, faisant sens pour le public et reflétant l’évolution de la création. Ce travail de fourmi nous a aussi amené à mettre en place des partenariats permettant à certaines compagnies étrangères de monter des tournées en France et en Europe. C’est encore le cas cette année avec les Via Katlehong, danseurs sud-africains. Pour cet accueil, nous collaborons avec le festival Paris Quartier d’été et le festival Julidans à Amsterdam.

Peu à peu, l’offre cinématographique diminue, est-ce inévitable ?
Oui, car au départ l’offre cinéma permettait de créer une dynamique « festival » mais petit à petit, notre programmation s’est logiquement plus concentrée sur le spectacle vivant, cirque, danse, performance. Cela a aussi permis d’identifier plus nettement le festival à l’échelle nationale et internationale. Cependant, nous continuons à programmer au moins deux films car c’est aussi une attente du public et un « plus » dans les offres d’abonnement que nous proposons. Nombreux sont encore les spectateurs qui prennent plaisir à découvrir un film après un spectacle.

Vous collaborez avec l’Opéra Théâtre et la Comédie de Saint-Étienne… Une juste reconnaissance ?
Un festival doit se jouer sur plusieurs lieux pour rayonner et dès le départ nous avons instauré des collaborations avec les institutions de ville qui nous ont accordé leur confiance. Mais cela ne s’arrête pas là, car différents sites nous intéressaient aussi pour des représentations plus insolites. Dans cet esprit nous proposons régulièrement des spectacles dans les différents musées de la ville et à la Cité du Design. Dans le passé, nous avons même programmé des soirées dans des églises stéphanoises. Depuis plusieurs années, nous travaillons avec de nombreuses communes de Métropole, là aussi en toute confiance. Et le public nous suit…

Quels sont vos coups de cœur pour cette nouvelle édition ?
Ils sont nombreux ! Les 7 doigts de la main, la Cie Dyptik, les Via Katlehong, la performance sur les nouvelles technologies de la Cie Crew qui aura lieu place Jean Moulin et qui s’adresse aux adultes comme aux plus jeunes, La compagnie Australienne Circa, etc..

Le statut des intermittents est une nouvelle fois encore au centre des préoccupations des artistes et des médias… Le gouvernement socialiste a-t-il raison de se placer dans les pas du patronat ?
C’est un statut particulier qui permet à la France d’être un des rares pays où la production artistique couvre tout le territoire tout en restant foisonnante. De plus, le grand public ne le sait pas toujours mais il y a de nombreuses compagnies de cirque, pour ne citer qu’elles, qui s’exportent car il n’y a qu’en France où la production est si importante et de qualité. Et c’est bien ce régime particulier qui permet cela ! Il ne faut pas croire que les intermittents sont des privilégiés, il y a sans aucun doute des abus dans le domaine de l’audiovisuel, mais la plupart, dans le spectacle, vivent avec le SMIC. C’est un statut qui arrange particulièrement les collectivités publiques et l’État car il supplée en grande partie la baisse des financements et subventions vers la culture. Le gouvernement doit revoir sa position par rapport à ce régime. Selon de nombreux experts, ce régime n’est pas déficitaire d’un milliard d’euros mais d’environ 300 millions… On pourrait donc demander au Ministère de la culture de prendre en charge ce déficit. Les intermittents sont des acteurs majeurs de la culture et la culture ne doit pas être sacrifiée ! Elle est souvent le parent pauvre, une valeur d’ajustement alors que c’est un formidable levier économique et une véritable valeur ajoutée pour l’attractivité de nos territoires.

La musique clôt également le festival… Serait-ce une nouvelle évolution de la programmation ?
Nous proposons des concerts depuis 2007 et cette ouverture sur la musique complète avantageusement l’offre pluridisciplinaire du festival. Mais nous privilégions, là aussi, des artistes étrangers qui ont souvent un engagement fort vis-à-vis de leur pays ou de la société.

Le festival bénéficiait d’un large soutien de la part de l’ancienne majorité municipale. Que vous inspire ce changement de municipalité ?
Le festival a 20 ans et s’est développé pendant 14 ans sous les mandatures de Michel Thiollière et son succès était déjà acquis en 2008. Si l’on remonte aux origines, les premières années ont été relativement difficiles car on est parti de zéro et il a fallu convaincre les collectivités territoriales. Nous avons toujours trouvé des soutiens mais ce fut parfois long alors que notre programmation était déjà reconnue dans le milieu professionnel… En ce qui concerne l’ancienne municipalité, on peut dire en effet que son soutien fut beaucoup plus rapide, plus marqué et qu’elle a permis au festival de prendre une belle envergure. Sans cette confiance, cette manifestation n’aurait pas pu se développer à ce niveau. Aujourd’hui, je veux rester confiant en l’avenir car Gaël Perdriau a dit à maintes reprises qu’il souhaitait rassembler les forces vives de Saint-Étienne et continuer à soutenir ce qui marche et qui participe à l’attractivité du territoire. Le festival a 20 ans, il est véritablement enraciné sur le plan local et au niveau de l’agglomération et je ne pense pas que la nouvelle municipalité envisage de casser cette dynamique. C’est désormais un rendez-vous attendu par le public, la presse et les professionnels. Par ailleurs, au début de l’été la concurrence est rude entre le festival Jazz à Vienne et les Nuits de Fourvière. Je pense qu’au fil des années nous sommes arrivés à être bien identifiés par le public, qui fait désormais le choix de regarder ce qui se passe dans l’agglomération stéphanoise avant de se précipiter à Vienne ou Lyon. C’est aussi une grande réussite du festival que de s’être fait une place à côté de ces deux grands événements…

Quels sont vos espoirs et vos objectifs pour cette 20e édition ?
Nos objectifs ne changent pas, nous souhaitons participer à l’attractivité du territoire en proposant un événement culturel ouvert à un large public et contribuer à l’attrait touristique de notre région.