Pouvez-vous nous rappeler la genèse du festival ?
Un groupe de bénévoles motivés se constitue en juin 2004 sur une base informelle. Ce comité, initialement constitué des représentants des associations ACTIS42 et RANDO’S fut vite rejoint par d’autres membres de ces associations et par des indépendants ainsi que par le centre social Boris Vian. Cette structure informelle a permis de réaliser les premières rencontres du cinéma gay et lesbien de Saint-Étienne le 30 septembre 2005.

Il existe plusieurs festivals gays et lesbiens, qu’est-ce qui caractérise celui de Saint-Étienne ?
Il existe en effet une quinzaine de festivals de films LGBT en France. Le festival de Saint-Étienne que nous organisons depuis 9 ans se classe aujourd’hui en très bonne position grâce notamment à son travail en réseau initié dès 2009. Nous avons ainsi constitué une association européenne autour de la culture francophone LGBT en lien avec d’autres festivals : l’ARC LGBT. Ce réseau sera d’ailleurs inauguré officiellement le 30 novembre en présence des festivals de Bruxelles, Nice, Paris et de nombreux invités du monde du cinéma.

Existe-t-il une cinématographie expressément gay et lesbienne ?
Absolument. La manière dont le cinéma parle de l’homosexualité est tout sauf neutre. Selon que les gays soient réprimés ou tolérés, reconnus ou méprisés dans un pays donné, les films en portent la trace. En cela, le cinéma est le miroir de notre société. Et les choses bougent avec l’histoire. Aurait-on décerné la palme d’or à la Vie d’Adèle il y a encore quelques années ?
Pouvez-vous nous donner quelques chiffres clés au sujet du festival (fréquentation programmation, budgets, subventions, autofinancement…) afin d’en fixer les enjeux ?
Avec une participation en constante augmentation (environ 2 000 spectateurs en 2012), le festival propose cette année pas moins de 33 films et 18 séances de projection, un spectacle présenté en exclusivité à la comédie de Saint-Étienne et la 2e nuit du court-métrage. Notre programmation est résolument internationale avec une quinzaine de pays représentés. Les moyens humains et financiers ont suivi eux aussi une progression régulière. Pour maintenir cette croissance et atteindre nos objectifs ambitieux, nous devons sans cesse partir à la recherche de nouveaux partenaires. La notoriété et la réputation de FACE à FACE nous ont permis cette année de convaincre le groupe Casino de nous soutenir. La démarche de cette entreprise stéphanoise en faveur de la diversité est remarquable et nous sommes très fiers de ce partenariat qui donne du sens à nos actions respectives.

Comment fonctionne l’association Face à Face qui organise le festival ?
FACE à FACE est la première association LGBT de Saint-Étienne née fin 2006. Forte d’environ 150 adhérents et animée par une équipe d’une douzaine de garçons et filles et beaucoup plus pendant les 5 jours du festival. À FACE à FACE, tout le monde donne de soi. Un véritable investissement pour chaque bénévole. Chacun apporte ses idées, ses envies, ses passions… un échange constant et riche. La recette pour obtenir en retour, des événements festifs avec des soirées-concerts, des débats, des forums… et bien sûr des films court et longs-métrages ! Nous employons également un jeune volontaire en service civique. Un poste est d’ailleurs à pourvoir actuellement et jusqu’au 15 décembre. Avis aux candidat(e)s !

Que pourra-t-on découvrir au cours de cette 9e édition ?
Nous sommes très fiers et impatients d’accueillir une nouvelle fois la compagnie des souffleurs de verre qui interprétera son dernier spectacle en exclusivité à la comédie, partenaire du festival. Le Prior’s Band est un cabaret théâtral qui a vu le jour en préparation à la création de la pièce Angels in America – Quatuor, d’après Tony Kushner, mis en scène par Julien Rocha. (présenté par FACE à FACE en 2011). Dans le New York des années 80, Prior doit vivre avec un nouveau colocataire : le sida. « J’ai l’air d’un cirque en deuil à l’enterrement d’un éléphant ». Prior va apprendre à dire « je veux vivre même malade ». Ce spectacle sera joué le samedi 30 novembre, veille de la journée mondiale de lutte contre le SIDA : une cause chère à FACE à FACE.

Comment ce festival est-il perçu par le public stéphanois et par les institutionnels (mairie, partenaires culturels…) ?
Le festival FACE à FACE est devenu en quelques années un acteur incontournable du paysage culturel stéphanois. Chaque année, de nouveaux partenaires souhaitent nous rejoindre et nous travaillons maintenant avec des institutions telles que la comédie, les cinémas Le France et Méliès, la cinémathèque, l’office de tourisme.

À qui s’adresse ce festival ?
Nous connaissons assez bien notre public grâce à des outils performants (newsletter, enquête pendant le festival). Le public de FACE à FACE est assez jeune et majoritairement rhônealpin.
Bien que les gays et lesbiennes soient majoritaires, le public hétéro et gay friendly est de plus en plus nombreux (25 % en 2012). C’est un signe fort pour notre festival qui s’adresse à tous les publics et s’interdit tout communautarisme.

Comment avez-vous perçu le débat enflammé autour du « mariage pour tous » ?
Nous demandions et attendions ce débat depuis tant années. Cette loi n’aurait jamais été présentée sans le soutien et l’accompagnement des associations LGBT. Je retiens pour ma part les bons moments de cet épisode historique avec les discours formidables de la garde des Sceaux qui illustre bien notre thématique pour cette édition : le courage. Je n’oublierai pas pour autant le climat homophobe entretenu et repris par les religions qui osent pourtant prôner la tolérance. Cette période aura laissé des cicatrices que nous devrons soigner en poursuivant nos actions d’éducation et de tolérance.
Au programme de cette édition, « Bambi », un documentaire de Sébastien Lifshitz, qui avait déjà signé « Les invisibles ».
Bambi est née dans la banlieue d’Alger en 1935. Elle s’appelait Jean-Pierre. Contre toute attente, il s’arrache à sa terre natale qu’il aime tant pour rejoindre le Paris des années 50. Il entame alors une nouvelle vie, où il va pouvoir se libérer de ses peurs, de son mal-être dont il garde soigneusement le secret. Grâce au monde des cabarets et à ses nouveaux amis du Caroussel, il amorce sa transformation et devient très vite une vedette du music-hall, plus connue sous le nom de Bambi. Jean-Pierre s’appelle désormais Marie-Pierre Pruvot, elle a 77 ans et vit d’une petite retraite de l’Éducation Nationale. C’est elle qui nous raconte sa drôle de vie.

Bambi sera la marraine du festival : quel symbole souhaitez-vous véhiculer à travers ce parrainage ?
Marie-Pierre illustre parfaitement le courage que nous mettons à l’honneur pour cette 9e édition. Le combat des personnes transgenre doit être aujourd’hui au cœur des préoccupations des associations LGBT. Cette minorité dans la minorité souffre d’une invisibilité et d’une grande ignorance de la part de notre société. Le parcours de Marie-Pierre, qui a très vite décidé de prendre don destin en main et continue aujourd’hui à éclairer nos consciences, méritait d’être mis en avant. Nous sommes ravis de l’accueillir pour la sortie du documentaire de Sébastien Lifshitz qui nous fera lui aussi l’amitié et l’honneur d’être présent à Saint-Étienne pour présider le jury de la 2e nuit du court-métrage.

Saint-Étienne, est-elle une ville gay friendly ?
D’après le classement du comité IDHAO (International Day Against Homopobia), St-Etienne est classée en 13e position parmi les 50 premières villes françaises. Notre association avait largement contribué à ce classement en mettant en relation la municipalité stéphanoise avec le comité IDHAO en 2012. Plus récemment, on peut se réjouir de la faible mobilisation des mouvements anti mariage pour tous dans notre ville contrairement à notre voisine Lyon qui doit faire face à un noyau dur d’organisations extrémistes et homophobes.

Vos attentes pour la prochaine édition ?
Les 5 jours du festival sont pour l’équipe organisatrice un formidable échange avec le public et un encouragement pour les efforts réalisés durant toute une année de préparation. Je souhaite donc des rencontres riches en émotions avec des instants magiques ou le public découvre des œuvres souvent personnelles et inédites. Les temps forts de la séance d’ouverture en présence de Bambi, la nuit du court-métrage et le spectacle à la Comédie ne doivent être ratés sous aucun prétexte.