Étienne Pageault / Anne-Magali Seydoux-guillaume « Sillages »

Étienne Pageault, artiste, et Anne-Magali Seydoux-Guillaume, chercheuse, ont coréalisé l’exposition « Sillages », visible à la salle des Cimaises, dans l’ancienne école des Beaux-Arts à Saint-Etienne. Cette exposition fait se croiser arts et sciences. Installations, performances, recherche scientifique s’entrecroisent dans une sorte de symbiose à la fois esthétique, pédagogique et conceptuelle. La forme, le fond, la matière nous entraînent dans une rêverie que Bachelard n’aurait sans doute pas reniée. Nous avons saisi cette occasion pour poser quelques questions à Étienne Pageault qui nous en dit un peu plus sur son parcours, son travail d’artiste, mais aussi et surtout sur ce qui l’a conduit à réaliser cette exposition, que l’on pourra d’ailleurs retrouver lors de la prochaine Biennale du design en mai 2025.

Peux-tu nous donner les grandes lignes de ton parcours ?

J’ai commencé mes études supérieures en Classe Préparatoire aux Grandes Écoles à La Martinière (Lyon) ou j’ai principalement travaillé la peinture, la philosophie et l’histoire de l’art. J’ai ensuite intégré l’École Boulle puis l’ENS de Paris-Saclay en 2010 au sein d’un cursus plus appliqué, alliant production plastique et recherche en procédés et matériaux. J’ai ensuite travaillé quelques années en studios auprès d’artistes et de designers à Paris et à Besançon (Normal Studio, Arik Levy, Rachel et Benoît Convers) avant de m’établir à mon compte en 2015. Je suis installé à Saint-Étienne depuis 5 ans et je travaille dans un atelier situé à l’ancienne École des Beaux-Arts de la ville.

Ton travail artistique est singulier. Pourrais-tu nous en parler ?

Je travaille essentiellement le dessin, l’installation et la performance. La question des ressources, des sites en transformation, des langages et des récits à partir desquels nous percevons notre environnement m’intéresse particulièrement. Mes recherches impliquent très souvent la présence du minéral, sous forme de roches, de sables, de sels ou d’oxydes collectés sur des sites qui retiennent mon attention de par leur histoire géologique et/ou humaine.

Je travaille ensuite cette matière première par lamellage, broyage, compression, cuisson, cristallisation (…) à l’aide d’outils empruntés au monde de l’industrie (compresseurs, décapeurs thermiques, bac de décantation, nettoyeurs haute pression…) ou en faisant appel à des laboratoires spécialisés.

Cette dimension technique est rarement manifeste dans mes expositions, qui prennent la forme de grands formats abstraits, de performances ou d’installations dans lesquelles se superposent différents états ou temporalités d’une même matière. Ce sont des formes qui visent à aiguiser notre sensibilité, notre empathie avec un cosmos dont nous ne nous étonnons plus assez. J’aimerais qu’il soit possible de lire ces dessins directement par les pores de sa peau. Que l’on puisse entretenir avec les œuvres un rapport qui nous déplace, qui nous éloigne un instant du recours au langage.

« Sillages » est le résultat d’un travail réalisé en binôme avec Anne-Magali Seydoux-Guillaume, chercheuse. Comment est né ce projet et l’idée de rapprocher science et art ?

Anne Magali est minéralogiste, spécialisée en imagerie des structures microscopiques. C’est-à-dire qu’elle étudie la manière dont on peut reconstituer l’histoire d’un minéral à partir de l’observation des « traces » que différents événements ont imprimé à sa structure (météorites et dégradations radioactives notamment). Nous nous sommes rencontrés il y a 2 ans lors d’un open studio à mon atelier, et nous avons été frappés par la similitude de nos registres formels, de nos terrains d’étude et de nos démarches expérimentales, malgré les différences d’échelle et d’équipements propres à nos disciplines. Le courant est très vite passé, il nous semblait que la confrontation des approches géologique et plastique du terrain était très fertile et enrichissait nos pratiques respectives. L’opportunité de donner de l’ampleur à cette collaboration s’est présentée au travers de deux appels à projets dont nous avons été lauréats en 2023 (bourse de recherche « Arts et Sciences » de l’Institut Rhônalpin des Systèmes Complexes, « fond d’amorçage Arts et Sciences » de la Fondation de l’Université Jean-Monnet).

De quoi s’agit-il plus précisément ?

Avec « Sillages », nous souhaitions voir se rencontrer les imaginaires de la science et de l’art au service d’une reconnexion sensible à notre environnement. Proposer d’autres récits et de nouvelles formes sensibles associées à des savoir-faire scientifiques. D’autres manières de se figurer la réalité, et les domaines de recherche qui ont retenu notre attention, en s’éloignant des formes traditionnelles de médiation.

Le projet s’est structuré en 3 périodes d’immersion-création au sein de laboratoires et/ou centres culturels de la région, aboutissant à chaque fois à une manifestation publique in situ. La première s’est tenue à l’espace artistique de la Comète, la seconde à l’Observatoire des Sciences de l’Univers de Lyon (OSUL) et la plus récente au Musée de la Mine de Saint-Étienne.

L’exposition est le résultat de ces recherches. Qu’allons nous découvrir concrètement  ?

Concrètement, l’exposition présente deux installations, une série de sculptures et une performance produites durant cette année de résidences croisées, recontextualisées par le travail documentaire de la vidéaste Luce Fayolle. Il sera question du métamorphisme des Crassiers, de tissage des atomes à l’échelle nanométrique, des processus communs à la formation des sons et des paysages, et de ce que le jeu des lentilles cosmiques et microscopiques raconte de notre rapport à l’inconnu.

As-tu une autre actualité ou un ou des projets en cours ?

Nous poursuivons le projet avec Anne Magali avec une exposition et une performance pour la Biennale Internationale de design en mai, ainsi qu’en intégrant un projet de recherches interlaboratoires porté par des collègues Grenoblois, autour de la problématique des terres rares. De mon côté, j’expose des dessins et une performance réalisée avec le Chorégraphe Marceau Cheneau à la galerie Artemisia à Lyon jusqu’au 28 février 2025. Je suis également en réflexion autour de pièces plus immersives, pour une exposition qui traitera de notre rapport au(x) monde(s) souterrains au Musée de la Mine de Saint-Étienne en 2027.

Un mot pour conclure ?

Oui, un grand merci ! Adressé en plus de nos financeurs à toutes les équipes qui nous ont accueillis et soutenus, en particulier au LGLTPE, à l’OSUL, à l’École des Mines de Saint-Étienne, à l’institut A.R.T.S ainsi qu’à la ville de Saint-Étienne et à la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes pour leur investissement.

www.etiennepageault.com

Instagram : @etiennepageault

Salle des Cimaises

Ancienne école des Beaux-Arts

15 rue Henri Gonnard, 42000 Saint-Étienne

Exposition visible jusqu’au 12 février, du mardi au samedi de 14h à 19h. Vernissage le 30 janvier à 18h30.

© Nos terres de feu © Clement Sana