Si son œuvre a été interprétée principalement comme œuvre de sculpteur, le dessin est pourtant la plus vieille pratique de Dietman, et
sous-tend tout l’ensemble : nulle surprise s’il y voit, comme dans l’écriture, une matrice, le lieu où la pensée se forme.
L’indifférenciation, ou plutôt l’équivalence entre ces deux champs n’est pas étonnante, ni pour son époque (post-conceptuelle et post-fluxus, au moins), ni dans l’histoire de son œuvre, où elle est posée comme principe, dès les premiers travaux : les mots et les formes ont la même capacité à figurer comme signes au sein d’un énoncé artistique. Nulle surprise non plus s’il donne au dessin une place très singulière dans son discours. Première de ses obsessions (sa vocation, telle qu’il en fait le récit, se manifeste à travers la frénésie du dessin), il demeure, à travers la diversité des réalisations, un étalon de mesure de la valeur des artistes : « Le dessin est une manière de penser. Je sais bien qu’il y a des artistes, même très en vogue, qui ne savent pas dessiner. Cela veut dire qu’ils ne pensent pas – même pas à des seins. » …
Le dessin et l’écriture peuvent être envisagés, selon l’expression chère à l’artiste, comme l’accomplissement d’ « exercices spirituels » ou comme une « gymnastique quotidienne ». Cette idée résonne étrangement avec celle de son contemporain Dubuffet qui prônait, en résistance à la toute puissance de la logique, d’entraîner l’esprit à penser autrement, en consacrant chaque jour un moment à la « gymnastique récréative ». …
C’est l’art vu comme une activité naturelle, quotidienne. … D’où une dimension de « notes et commentaires » qui colle au plus près à son quotidien, sans verser dans l’anecdote, mais en tirant parti de la puissance du réel. D’où une ressemblance qui n’est pas que fortuite avec les albums Picabia ou la documentation de certains artistes ou événements Fluxus : on retrouve dans ici et là l’utopie d’un art non pas autonome mais lié à la vie. Cette perspective, Dietman la fait sienne et la dessine et qui écrit, qui digère ce qu’il voit, entend, lit. L’art chez Dietman est présence au monde, entrée et sortie, flux.
Extrait de Jeanne Brun, La pensée se fait dans la main, in Erik Dietman Dessins sans regarder, 2010.
Informations Pratiques
28 FÉVRIER – 13 AVRIL 2019
galerie Ceysson & Bénétière
8 rue des Creuses 42000 Saint-Etienne
Horaires : Mercredi – Samedi 14h – 18h