Avec près de 54 % des voix, Laurent Lopez, représentant néophyte du Front National, a remporté dimanche dernier, la cantonale partielle de Brignoles, un canton pourtant remporté par la Gauche en 2012. Deux tiers des électeurs n’étaient pas allés voter lors du premier tour. Soit plus de 67% d’abstention !!! Il faudra bien un jour tenir compte de cette abstention (annulation de l’élection au dessus d’un certain seuil…). Lors de ce premier tour, le représentant UMP n’a obtenu que 20% des votes, celui de la gauche socialo-communiste 14,6 % et 9% pour le représentant écologiste. Au second tour, la mobilisation sera un peu plus importante se situant à un peu plus de 52 % des inscrits ce qui n’empêchera pas le représentant FN de battre largement le candidat UMP. Il ne s’agit que d’une élection partielle dans l’arrière-pays varois et n’en déplaise à nos amis varois et, sudistes en général, ils n’ont jamais fait dans la demi-mesure, c’est vrai…

Si l’on se réfère aux dernières élections politiques italiennes, il est un rapprochement qu’il n’est pas interdit de faire avec le Mouvement Cinque Stelle, dirigé par Beppe Grillo. Le parti du polémiste Italien avait en effet recueilli près d’un quart des voix, trois ans seulement après sa création… Surfant sur la pourriture du système politique italien, le mouvement Cinque Stelle avait attiré l’électorat sur son objectif assumé de mettre fin à la pratique politique comme technique d’enrichissement personnel. En renouvelant la majorité des candidats, en choisissant de jeunes candidats parfois sans expérience mais fidèles à la doctrine du mouvement, en mettant fin aux privilèges (renonciation au financement des partis, refus des hautes rémunérations de ses élus, interdiction des cumuls des mandats…), en rompant, finalement, avec la rente politique, le Mouvement Cinque Stelle était parvenu à remobiliser toute une partie de l’électorat italien, les plus jeunes et les classes moyennes notamment. Avec des objectifs politiques différents, même si sur certains points leurs programmes convergent, le Front National est en train de se construire une base électorale qui risque de surprendre l’ensemble du personnel médiatico-politique.

Pourtant, contrairement au Cinque Stelle, le Front National n’est pas un nouveau parti politique. Indéniablement, Marine Le Pen a su capitaliser sur sa personnalité et, au fond et au moins en partie, effacer l’image fascisante de son encombrant paternel. Marine Le Pen apparaît moderne, ouverte et compréhensive. Emmanuel Todd, qui a toujours affirmé son aversion pour le FN souligna même durant la dernière campagne des présidentielles, que le programme du FN était économiquement « le plus ancré à gauche » : nationalisation, retrait de l’euros, patriotisme économique, fermeture des frontières, contrôle de l’immigration… Cette surprenante virginité médiatique (Marine Le Pen est devenue fréquentable médiatiquement parlant, on surprit même Jean-Luc Mélenchon en pleine discussion avec elle devant le siège de l’Europe) s’est renforcée avec l’émergence d’une nouvelle classe de jeunes dirigeants du parti du Front National, pour certains issus de la Gauche (dont Florian Philippot qui fut un temps aux côtés de Jean-Pierre Chevènement), très propres sur eux et au discours politique fort bien maîtrisé et nettoyé de tous relents post colonialistes ou antisémites.

On voit bien que le travail de modernisation du Front National est en cours et qu’il jouit (et c’est une aubaine pour lui) de l’incapacité des deux grands partis traditionnels, le parti socialiste et l’UMP, à d’une part rompre avec la spirale de la crise et d’autre part, et cela paraît pourtant plus simple, tenir ses promesses de campagne. Personne n’a oublié la fameuse déclaration du candidat Hollande, « Mon ennemi, c’est la finance internationale » Or depuis son arrivée à l’Elysée, qu’a fait F. Hollande contre la finance internationale ou les paradis fiscaux ? Une autre métaphore italienne apparaît dès lors… On se souvient bien que l’ancien parti fasciste italien, le MSI, le Mouvement Social Italien grand frère du Front National, avait entamé au début des années 90 une mue vers la respectabilité sous l’impulsion de son dirigeant, Gianfranco Fini. Le MSI est ainsi devenu l’Alliance Nationale avant de se dissoudre ces dernières années dans le parti du Peuple de la Liberté, parti de Silvio Berlusconi. Serait-ce l’avenir du FN que de se fondre dans un autre mouvement devenu respectable, avec, pourquoi pas, les nombreux dissidents de l’UMP se réclamant de la droite populaire ??? Certains au FN imaginent bien cette fusion mais dans le sens inverse, les élus de la droite populaire inquiets pour leur réélection pourraient-ils les rejoindre pour un parti politique « patriotique » et non plus « nationaliste » ?

Si le président Hollande ne tient pas les promesses du candidat Hollande, il est probable que les prochaines élections municipales soient réellement explosives. N’en déplaise à tous ceux qui, depuis la naissance de SOS Racisme, ont richement fait carrière dans l’antiracisme officiel (suivez mon regard…).