Et si Donald Trump devenait le 45e président des États-Unis ? Tout semble possible dans la prochaine élection américaine qui se déroulera, en novembre prochain. Pourtant, cela fait déjà plusieurs mois que les médias internationaux, et donc Français, se passionnent pour cet événement. À tel point qu’on en vient à se demander si cette élection américaine qui devrait en premier lieu intéresser les Américains, n’est pas devenue une sorte d’épouvantail médiatique qui capte, artificiellement, toute l’attention de nos médias, trop heureux de détenir là une source d’événements quasi sans fin. Eu égard à la brièveté de la mission (quatre petites années !), à la mondialisation des échanges et à l’inertie des événements majeurs, ce sont les mêmes maux qui nous rongent depuis des années (conflit au Moyen-Orient, crise climatique, dérèglement des marchés financiers…). On sait pourtant qu’au fond, quel que soit le nom du prochain président américain, rien ne changera radicalement dans notre quotidien. Bernie Sanders, dans un récent discours flamboyant, rappelait que face à la puissance des marchés financiers internationaux et aux poids des multinationales, le président américain n’avait plus qu’un vague pouvoir symbolique… Cet excès de franchise, Danielle Mitterrand avouera dans des mémoires la même confession faite déjà dans les années 80 par son mari François Mitterrand, devrait interdire à B Sanders la victoire à la primaire Démocrate malgré toute l’intelligence de sa campagne.

On peut donc affirmer que l’élection américaine s’est peu à peu transformée en épiphénomène médiatique récurrent, comme la cérémonie des Oscars, dont 99 % de la population mondiale se fout totalement et que nos médias nous vendent paradoxalement à longueur de journaux. Avec l’infiltration d’Internet jusque dans tous les recoins de notre quotidien, l’information est devenue un show, un show continu qui procure adrénaline et sensation à tous ceux qui le suivent. Revenons toutefois à notre mouton, Donald Trump. Un milliardaire qu’on aime nous présenter comme un self-made-man exemplaire. Pourtant, c’est bien dans une famille de la grande bourgeoisie américaine qu’il a grandi. Son père Fred Trump était lui-même un riche promoteur immobilier new yorkais, son grand-père avait fait fortune dans l’exploitation des maisons closes en bon catholique qu’il était évidemment, en Alaska, sa sœur Maryanne Barry Trump est juge fédéral et son neveu est un chercheur réputé dans le domaine de la radiothérapie. Pour quelqu’un qui aime se présenter comme « anti-système », on pourra trouver meilleure crédibilité. Et c’est bien grâce à un projet immobilier entrepris par son père que Donald a pu prendre son essor professionnel.

On oublie également que celui qui se complaît à vomir sur toutes les prérogatives de l’État américain doit sa sauvegarde économique à ce même État américain et à la législation sur les faillites individuelles. En effet, si Donald Trump a pu rebondir après la crise immobilière du début des années 90, ses entreprises cumulaient à l’époque une dette de 900 millions de dollars, c’est bien grâce à la loi de sauvegarde en cas de faillite. Après ses déboires économiques, c’est la télé réalité qui sauvera Donald Trump de l’anonymat dans lequel il était tombé au début des années 2000. « The Apprentice » tel est le nom de son émission qui fera de lui une vedette de la télé réalité américaine, un show dans lequel Donald Trump n’hésitera pas à licencier sans manières des apprentis businessmen jugés peu convaincants ! Entre 4 et 20 millions de téléspectateurs américains verront pendant onze ans sur NBC Trump lancer chaque semaine son fameux « You’re fired »(« Tu es viré »). À ce stade, on peut donc faire une analogie qui n’a rien d’hasardeuse avec un autre phénomène médiatico-économico-people bien connu de nos concitoyens, Bernard Tapie ou de son équivalent transalpin, bien plus flamboyant il est vrai, Silvio Berlusconi. En réalité, Donald Trump cumule l’aisance médiatique, le sens de la repartie et du bon mot du premier au réseau d’affaires, à la richesse et à l’amour un rien exubérant des jeunes filles du second. Outre sa propension à attirer les bimbos écervelées, on retrouve le même souci capillaire chez Donald Trump que chez Silvio Berlusconi. Son sens du spectacle, de la mise en scène politique et médiatique n’a donc rien à envier à l’art de bouffonnerie cher à l’ancien ministre de la ville de François Mitterrand. Cette analogie nous permet, une fois encore, de pointer cette belle qualité qui honore le peuple de France, celle de dénoncer chez les autres les faiblesses que nous ne parvenons toujours pas à reconnaître chez nous.

En clair, le phénomène Donald Trump n’a rien de nouveau ou d’exceptionnel. Nous l’avons éprouvé ici, comme nos amis Italiens l’ont essayé quelques années durant sans aucun résultat probant. Le plus pitoyable chez Berlusconi ou Tapie au fond, c‘est qu’ils n’ont pas fait pire, respectivement, que leurs concurrents (on pourrait évoquer les cas Nicolas Sarkozy en France et ses nombreuses errances…, tandis que nos amis Italiens se souviennent bien encore du soi-disant socialiste Bettino Craxi…). La seule différence finalement réside dans la résonance médiatique du phénomène Donald Trump à la hauteur du pays, multipliée, c’est vrai, par la bêtise collective savamment propagée par Internet. Et si ce n’était que ça, Donald Trump.