Daesh, ou l’État Islamique en Irak et au Levant est bien ce monstre devenu incontrôlable, sort de Frankenstein idéologique, que nous, Occidentaux, avons engendré au gré de ces trente dernières années. Il faut remonter le fil de cette histoire au début des années 80 lorsque les États-Unis, via la CIA et épaulée par l’Arabie Saoudite, mettent sur pied une armée de résistance à l’invasion soviétique composée de guerriers salafistes (respect de la tradition islamique), recrutés en Arabie Saoudite jusque dans les montagnes Pakistanaises. Une armée hétéroclite au sein de laquelle émerge un certain Abdullah Azzam, soldat et penseur religieux qui pose le fondement idéologique du Djihad à l’échelle internationale. A. Azzam émet l’idée que si un pays musulman était occupé et que sa population ne pouvait être efficacement protégée, il était du devoir des musulmans du monde entier de se joindre au djihad sur ce territoire. Tous les territoires musulmans occupés, dont la Palestine sa terre d’origine, pouvant uniquement être libérés par ce moyen. C’était une idée révolutionnaire, qui a constitué la première rupture entre le salafisme djihadiste et le dogme wahhabite (plus rituel), une décision souveraine n’étant plus nécessaire pour déclarer un djihad.

Lors du retrait des forces Soviétiques à la fin des années 80, l’ensemble des djihadistes rentre chez eux, certains se rendent néanmoins dans les Balkans, le Caucase et l’Asie centrale pour continuer le djihad. C’est précisément à cette période qu’Oussama Ben Laden crée al-Qaïda. Après l’invasion du Koweït par Saddam Hussein en 1990, les États-Unis ont commencé à déployer des troupes sur le territoire saoudien. La première guerre d’Irak de 1990-1991 constituera un nouveau tournant décisif dans l’émergence du salafisme politique et djihadiste. Le déploiement de troupes américaines sur le territoire des deux villes saintes de l’islam transforme les États-Unis en agresseur et l’Arabie Saoudite en complice passif. Désormais, pour les salafistes la véritable menace provient non plus de l’Irak mais bien des États-Unis et de leur indéfectible Israël, accusé en outre de massacrer le peuple Palestinien. En 1996, Ben Laden déclare la guerre aux États-Unis et affirme qu’il faut non seulement se débarrasser de la présence des États-Unis au Moyen-Orient mais aussi renverser les régimes qui collaboraient avec eux, comme les Saoudiens ou les Monarchies du Golf. En 2001, avec l’attentat des 2 tours jumelles, le piège se referme sur les États-Unis qui décident, sous l’influence des néoconservateurs (Cheney, Rumsfeld, Horrowitz…) et de la CIA, d’intervenir directement en Afghanistan puis en Irak.

Deux terribles guerres qui n’auront pour effet que d’engendrer un chaos insoupçonné. On connaît la situation actuelle de l’Afghanistan, emprisonnée par sa propre histoire alors que du second conflit Irakien naîtra en octobre 2006, l’État Islamique d’Irak, père de Daesh, un mouvement né de la fusion de différentes factions djihadistes Irakiennes. C’est bien de cette nouvelle agression de l’armée Américaine, une fois de plus totalement injustifiée au regard du droit international, que sont issus ces mouvements de résistances Irakiennes. Quelques mois plus tard, l’État Islamique d’Irak fait sécession avec Al Qaïda et devient le centre névralgique de la résistance Islamique mondiale face aux envahisseurs Occidentaux. Depuis l’État Islamique d’Irak, devenu officiellement en 2013, l’État Islamique en Irak et ou Levant (ou son acronyme arabe Daesh) se nourrit des richesses minières et pétrolifères qu’il pille et va trouver dans le printemps Arabe une source de croissance externe inespérée. Si jusqu’à présent, c’est principalement à l’irresponsabilité des gouvernements Américains que l’on doit la prospérité et la popularité de Daesh, l’État Français va jouer un rôle prépondérant en précipitant la chute et l’assassinat de M. Kadhafi et dans la foulée de l’éclatement de l’État Libyen puis Syrien. Parallèlement, l’armée Israélienne entreprend deux incursions particulièrement meurtrières et totalement disproportionnées à Gaza, et participe, sur l’ensemble du Proche Orient, au renforcement d’un profond sentiment anti-Occidental. C’est pourquoi, Daesh n’est pas la cause des guerres et de la violence dans cette région mais en est plutôt une conséquence inévitable et prévisible.

Et si, jusqu’à ses dernières années, ce sentiment anti-Occidental s’était limité à ces contrées lointaines et explosives, les nouveaux modes de communications ont aboli les frontières physiques et lui ont permis d’accéder jusqu’à nos cités où, le premier ministre l’ayant lui-même reconnu, une partie de nos populations musulmanes vit une forme d’apartheid social, culturel et économique (nous en avons déjà longuement parlé dans ces mêmes colonnes). On assiste dès lors, chez une infime partie de nos concitoyens musulmans, entre 1000 et 2000 individus tout au plus (pour le moins actuellement), qui souvent sont passés par une phase de délinquance (M. Merah, A. Coulibaly) et de perdition sociale (les frères Kouachi), une juxtaposition des frustrations, une frustration en tant que citoyen Français qui se mêle à cette frustration en tant que musulman. Et contrairement aux quelques ahuris d’usage qui sévissent dans certains médias populistes et qui appellent nos concitoyens musulmans à prendre pleinement leurs responsabilités, c’est bien nos derniers et successifs gouvernements, depuis la fin des années 80, qui devraient rendre des comptes.