La filière culturelle est malmenée. Tout le monde en est conscient, mais il faut être clair, les choses n’avancent pas vite pour améliorer la situation. Le collectif « Tu m’écoutes ? », Porté par plusieurs structures principalement dans le champ des musiques actuelles au sein du département de la Loire veut notamment valoriser l’ensemble des maillons de l’écosystème musical au sein de notre territoire (salles de spectacles, artistes, distributeurs de disques, labels, festivals, managers, producteurs, collectifs…). D’autres collectifs ont également vu le jour, mais nous y reviendrons lors d’un prochain numéro. Voici l’éclairage de ce projet par quelques membres du collectif : Château du Rozier, Wab, Foreztival, Ckel Prod et Paroles et musique !

Quelle est l’origine, ou la motivation, qui a donné naissance à ce projet ?

Laure Pardon, Directrice du Foreztival : L’origine de ce projet, c’est bien sûr cette crise que nous traversons toutes et tous et qui touche particulièrement la filière de la musique et de la culture. Et face à cette période qui nous a coupé l’herbe sous le pied (avec une tronçonneuse), nous avons très vite commencé à échanger entre collègues du secteur. D’abord pour partager nos états d’âme, réconforter ou se faire réconforter, simplement pour prendre des nouvelles, et enfin pour commencer à imaginer un moyen de nous structurer, de nous réunir et nous unir pour être plus forts ensemble.

Alors avec David Rivaton (WAB, Pont Futur) et Thierry Pilat (le Fil), nous avons commencé à mener une réflexion sur la manière avec laquelle nous pourrions nous fédérer, compte tenu de la grande diversité qui compose le paysage culturel de la Loire. Et ce n’était pas gagné, car construire un collectif n’est jamais une chose simple, surtout lorsque les membres qui le composent viennent de structures, de métiers, et d’horizons si différents. Pourtant, dès notre première réunion commune au mois de juin, nous nous sommes très naturellement et unanimement retrouvés autour de deux notions qui s’avéreront être fondatrices pour notre collectif.

La première chose qui nous rassemble toutes et tous, c’est le lien indispensable que nous avons avec nos publics, et qui a été bien mis à mal durant ces derniers mois. Et là encore, malgré nos supposées différences, nous découvrons ou redécouvrons lors des échanges à quel point nos publics se croisent et brisent les étiquettes qu’on a bien voulu leur donner. La collaboration et la coopération territoriale deviennent alors une évidence.

Le second point qui nous rassemble, peut-être le plus important, ce sont les valeurs militantes que nous partageons autour de l’attachement à notre territoire, de la découverte, de la curiosité, la création, et de la passion de la musique.

C’est donc forts de ces rencontres et conscients de ce qui nous unit que nous avons rédigé cette lettre au public (www.tumecoutes.fr) qui se pose comme étant la première étape dans la vie de notre collectif. Alors oui, c’est bien cette crise qui nous a permis de nous rassembler, et si les liens entre nous étaient déjà forts par le passé, nous comprenons aussi que la coopération et la solidarité ne doivent pas se pratiquer uniquement dans les moments difficiles, c’est pourquoi nous comptons bien faire vivre ce collectif au-delà de cette malheureuse période.

Quel est son objectif ?

Ce collectif a été créé à la sortie du 1er confinement, avec toutes nos incertitudes face un avenir incertain et un arrêt total de beaucoup de nos activités. Cette impression de flottement que tous les acteurs culturels ont ressenti et ressentent toujours d’ailleurs, nous a amenés à nous regrouper afin de montrer que nous étions « encore la » malgré tout. Nos métiers nous amènent habituellement à être en contact constant avec le public et d’un coup, cela s’est arrêté. Donc l’objectif premier fut notre volonté de garder le lien avec celui-ci ; nous sommes en sommeil, mais toujours là, actif dans l’ombre, mais avec une envie folle de retrouver cette effervescence, cet échange et ses rapprochements entre les publics, entre les humains qu’instillent nos métiers. De plus, et ce malgré la diversité de nos « structures » au sein de ce collectif, nous avons eu envie de nous retrouver autour de valeurs communes, de fédérer et de mobiliser nos forces pour aussi montrer que nous existions toujours ; Certes, un peu différemment actuellement, mais la création continue, les projets continuent de fleurir dans toutes nos têtes, en espérant pouvoir les présenter en chair et en os. Dans ce sens, une lettre rédigée conjointement a déjà été publiée, afin de permettre au public de rester aussi actif malgré tout, et de les impliquer dans notre démarche. Ainsi regroupés, nous allons pouvoir présenter des actions collectives et allons faire connaître les différents acteurs du secteur, présenter les métiers de chacun.

Des actions communes sont en cours de réflexion et d’adaptation selon l’évolution de l’actualité sanitaire également ; Un concert devait avoir lieu le 28 novembre au Fil, proposé dans ce cadre-là, mais… le reconfinement a pour le moment changé notre calendrier. Ce collectif regroupe des profils de métiers similaires. On peut s’imaginer qu’il puisse s’ouvrir à tous les secteurs de la culture. Si en effet les structures à l’origine du collectif sont toutes issues du milieu des musiques actuelles, on ne peut pas dire que nous sommes sur des métiers similaires ! En effet, nous regroupons des salles de spectacles, des distributeurs, des labels, des festivals, des managers, des artistes, des producteurs, des collectifs… Cela a d’ailleurs été un gros sujet de débats au sein du collectif. Comment valoriser l’ensemble de l’écosystème au-delà de nos différences (modèles économiques, fonctionnement, gouvernance, activités…). Nous nous sommes donc concentrés sur nos problématiques communes et surtout sur le fait, que même si nous sommes extrêmement différents nous sommes tous interdépendants les uns des autres.

Et nous avons surtout un point commun essentiel qui est notre lien avec le public. Ce lien, il est primordial de le maintenir et nous avons fortement conscience que ce point commun est entre nous mais aussi avec les autres acteurs culturels ligériens. Mais en effet le monde de la culture est bien plus vaste que ça et que ce soit au sein du collectif ou dans nos projets respectifs, nous avons tous intérêt à ancrer la collaboration intersectorielle dans nos activités. La crise sanitaire est loin d’être finie et il va y avoir de la casse dans tous les secteurs. Il sera certainement nécessaire d’apprendre à travailler autrement et la solidarité devra être une pierre angulaire dans nos projets, que ce soit entre acteurs culturels mais aussi avec nos partenaires privés qui subissent eux aussi cette crise de plein fouet.

Notre milieu a toujours été propice à la collaboration, nous nous retrouvons souvent dans les réseaux, les syndicats… Nous avons aussi l’habitude de travailler ensemble sur des projets d’opportunités, cependant il n’existait pas de regroupement au niveau départemental. Notre département de la Loire a des spécificités propres à lui (géographiques, sociales, économiques…) et il est très riche en associations et acteurs culturels. Cependant, par rapport à d’autres territoires, nous pouvons dire qu’il y a encore beaucoup à faire en termes de développement culturel ! Et on espère que cette démarche que nous avons lancée favorisera à terme le développement culturel sur l’ensemble du territoire. Même si pour le moment on parle clairement de la survie de certaines structures…

Et pour répondre de manière plus concrète à ta question, oui bien sûr, ce collectif a vocation à s’ouvrir. Le monde de la culture regroupe énormément d’acteurs, que ce soit le citoyen en tant que public ou bénévole, le monde économique au travers nos nombreux partenaires sur nos événements, les artistes, les intermittents du spectacle évidemment ou bien les médias, le petit monde de la culture est très vaste et a un énorme impact sur le développement social, touristique et économique de notre département. C’est pourquoi nous incitons toutes les personnes qui se retrouvent dans notre message à nous rejoindre et à signer notre lettre ouverte. Ensemble on sera toujours plus forts pour défendre la richesse culturelle qui est, à notre sens, un pilier du bien être social dans notre société.

Quelles actions pensez-vous mener pour sensibiliser les gens ainsi que les pouvoirs publics ?

Cette lettre ouverte est une première étape, et nous invitons d’ailleurs vos lecteurs, forcément sensibles à la cause culturelle, à la signer. Plus nous serons nombreux, plus nous aurons de poids pour sensibiliser tout un chacun, jusqu’aux pouvoirs publics. Nous invitons également les artistes qui le souhaitent à se joindre à nous, afin de communiquer notre message à leurs publics. Nous prévoyons ensuite la diffusion sur les réseaux sociaux et sur le site tumecoutes.fr de portraits vidéos d’acteurs culturels de notre région, dans un format court et dynamique. L’idée étant de faire découvrir aux publics les nombreux métiers, souvent de l’ombre, que compte notre secteur. Par ailleurs, des concerts de soutien sont prévus dans différents lieux du département (Le Fil à Saint-Étienne, Les Mardis du Grand Marais à Riorges…), lorsque nous aurons à nouveau le droit de vivre normalement… Il s’agira de donner carte blanche à des structures du département dont l’économie a été fragilisée cette année.

Enfin, la plupart d’entre nous vont mener, ou mènent déjà, des actions plus spécifiques à son métier afin de soutenir le secteur. Par exemple WAB, l’un de nos signataires très proche des artistes en développement de notre territoire, a lancé il y a quelque temps la playlist officielle des artistes ligériens : https://fanlink.to/laplaylist. Régulièrement mise à jour, elle est partagée par plusieurs structures et médias locaux, offrant ainsi un peu de visibilité supplémentaire à nos musiciens. D’autres actions du même type sont en discussion pour que la musique de nos groupes soit plus présente, dans la ville de Saint-Étienne notamment.

Dans le 42, les gens sont fiers et ils ont raison : nous voulons leur donner un accès plus direct aux productions musicales du cru, qui séduisent aujourd’hui, plus que jamais, au niveau national. Nous croyons qu’elles feront aussi leur fierté.

Pour conclure ?

Ce collectif n’a pas un but financier, mais pour objectif simplement de montrer que la Culture sur notre territoire existe toujours ; Que le public est là et a envie de se retrouver dans nos lieux culturels ; Chaque acteur a un rôle à jouer pour passer cette période, mais encore plus le public ; En partageant, en suivant, les actualités musicales, théâtrales, etc.. de notre territoire !

… Et en dehors de la signature de notre lettre, vous pouvez nous soutenir fortement par des gestes très simples : achetez CDs et vinyles d’artistes locaux, ou produits par nos labels, si possible chez nos disquaires ; réservez des places pour les concerts annoncés dans les mois qui viennent… Et même par des gestes gratuits : écoutez la musique de nos groupes en streaming, partagez autour de vous et sur les réseaux sociaux vos préféré.e.s, abonnez-vous sur Facebook ou Instagram à nos structures et à nos artistes… Tout cela compte énormément.

Plus d’infos : www.tumecoutes.fr