Où tu seras reine

Label Verso

(Éditions du Seuil)

© Chrystel Duchamp © Pierre Monetta

Nous suivons le parcours de Chrystel Duchamp depuis son premier roman « L’Art du meurtre », publié par les éditions de l’Archipel en 2020. L’année suivante, elle publie « Le Sang des Belasko », puis « Délivre-nous du mal » en 2022, « L’île des souvenirs » en 2023 et enfin dernièrement « Où tu seras reine ». Une occasion en or pour lui poser quelques questions pour en savoir plus sur son univers, et les contours de son dernier polar.

Après de longs mois d’écriture, votre cinquième roman vient d’être publié. Comment vivez-vous ce moment ?

« Où tu seras reine » a paru le 17 janvier 2025 au label Verso (Éditions du Seuil) et cette période me remplit d’allégresse. Les libraires le défendent avec enthousiasme, les lecteurs lui ont réservé un accueil chaleureux et les critiques sont élogieuses. Je ressens aussi un grand soulagement puisqu’il m’a fallu deux ans pour mener à terme ce roman. Non sans douleurs ! Je n’y serais jamais parvenue sans le soutien de mon conjoint, ni sans les encouragements de Glenn Tavennec, mon éditeur.

Vous avez fait le choix d’écrire des polars. Qu’est-ce qui vous a amené et vous inspire dans ce genre littéraire ?

Avant d’être une autrice, je suis une lectrice et c’est vers la littérature noire que mon cœur balance. J’aime les univers sombres parce qu’ils me poussent dans mes retranchements et véhiculent des émotions fortes. Le polar et le thriller sont d’excellents registres pour décortiquer notre société et interroger ses côtés les plus obscurs. Dans tous mes romans, je questionne la notion de limite, et des raisons qui conduisent une personne lambda à passer à l’acte. Dans « Où tu seras reine », je me suis interrogée sur les limites de l’amour maternel : « Jusqu’où peut aller une mère pour protéger son enfant ; que doit accepter un enfant sous couvert de l’amour de ses parents ? ». Ce roman marque une rupture avec mes quatre précédents titres qui s’inscrivaient parfaitement dans les codes du polar/suspens. Celui-ci est beaucoup plus introspectif, plus extrême. En mûrissant, j’ai de moins en moins envie de raconter des histoires de policiers et de tueurs en série. Je préfère me concentrer sur les ressorts psychologiques de l’être humain.

Pouvez-vous nous raconter en quelques mots l’histoire de « Où tu seras reine » ?

Maud, vingt-cinq ans, entretient une relation fusionnelle avec sa mère. Quand sa psychiatre lui explique que ce lien l’empêche de s’épanouir, la jeune femme décide de prendre ses distances avec la figure maternelle. Jusqu’au jour où Maud découvre sur son répondeur un message paniqué de cette dernière qui se conclut par « Je l’ai tué ». Maud se précipite dans la maison de son enfance. Commence alors une chasse au trésor funèbre qui va l’amener, pièce par pièce, à exhumer d’inavouables secrets de famille…

La construction du livre, son découpage, offrent une expérience de lecture originale. Peut-on en dire quelques mots ?

Le livre est découpé en plusieurs grandes parties – introduites par un poème – qui correspondent chacune à une pièce de la maison : la cuisine, le salon, la salle à manger, les chambres… Maud progresse sur les lieux de son enfance comme si elle évoluait dans un escape game. Dans chaque pièce, elle va trouver des informations qui vont l’aider à mieux se comprendre, à mieux comprendre sa mère et le lien qui les unit. Elle va aussi lever le voile sur de nombreux secrets de famille. Et comme dans toute chasse au trésor qui se respecte, des coffres seront à ouvrir ! Mais ceux que je mets en scène renferment des trésors très macabres… Pour compléter cette expérience, les lecteurs peuvent scanner un Qrcode (à la fin du roman) qui les renvoie vers une composition musicale inédite. Le musicien Menkroy a donné naissance à ces 22 minutes où se mêlent musique, effets sonores et narration. Le morceau propose même une fin alternative à l’histoire.

On sent également une intensité nouvelle dans votre livre. Quelque chose peut-être de plus personnel qu’avec les précédents ?

Ce roman est né dans un contexte personnel particulier, une période de ma vie où je recherchais la solitude. Ce besoin s’est exprimé jusque dans l’écriture, ce qui m’a conduit à imaginer un huis clos avec un nombre réduit de personnages. Pendant presque deux ans, je me suis enfermée dans la maison de « Où tu seras reine », avec Maud, seule protagoniste du roman. Le sujet de la relation fusionnelle mère-fille s’est imposé à moi alors que je menais une réflexion sur mon propre vécu. Je me suis demandé jusqu’à quel point, en surprotégeant un enfant, une mère pouvait l’abîmer. Ou comment cet amour, malgré toute la pureté qu’il induit, peut causer des dégâts. Afin d’immerger au mieux le lecteur dans la maison et dans la psyché de Maud, j’ai travaillé sur un style sensoriel habité par les cinq sens. Pour que mon récit soit brutal, viscéral, sans concessions, j’ai eu recours à un vocabulaire cru. Certains passages peuvent être désagréables, répugnants, épuisants, mais la lecture n’en est que plus immersive. Je propose une vraie expérience et j’ai gagné mon pari quand les lecteurs me confient avoir été hantés par le roman plusieurs jours après l’avoir terminé.

Un dernier mot sur votre actualité ?

Je serai en dédicaces samedi 1er mars de 10h à 12h, à la librairie Nos Madeleines de Proust, à Saint-Just-Saint-Rambert. Je suis la marraine de ce lieu atypique, une librairie coopérative qui a ouvert ses portes en septembre 2023. Elle compte 15 bénévoles et 200 coopérateurs. Tout le monde peut faire partie de l’aventure en achetant une part.

Puis, dès la fin du mois de mars, je commence une grande tournée : Paris, Lens, Grenoble, Bruxelles… Mes dates de dédicaces sont à retrouver sur mes réseaux sociaux (Facebook et Instagram).

Enfin, mon précédent roman paru en 2023, « L’île des souvenirs », vient de sortir en poche aux Éditions Points. L’Agenda Stéphanois avait d’ailleurs mis en avant ce thriller psychologique et l’avait qualifié de « suspense implacable que l’on dévore jusqu’à la dernière page ». Mais cet enthousiasme ne constituait pas une exception puisque l’Agenda Stéphanois me soutient depuis mes débuts !