Après une carrière d’enseignante dans l’éducation nationale, Christine Gros s’est lancée dans l’aventure de l’écriture. Son quatrième ouvrage intitulé « Le semeur de lumière » vient de paraître. Rencontre :

Vous avez été professeur d’allemand en classes préparatoires à Saint-Étienne. Que vous a apporté cette expérience dans l’enseignement supérieur ?

Mon métier m’a passionné. J’ai d’abord cherché à transmettre à mes étudiants la langue allemande si souvent mal aimée et ceci à travers les textes des grands auteurs qui m’ont toujours accompagnée. Je pense à Hölderlin et Goethe bien sûr, mais surtout à Rilke, Kafka et Christa Wolf. J’ai aussi essayé de sensibiliser les jeunes aux problèmes contemporains en les familiarisant avec la réalité de la société allemande dans sa complexité et diversité. Le contenu de mon enseignement était important, mais la relation à l’élève toujours première. Car j’étais et je reste convaincue qu’en faisant confiance à l’autre, on peut cheminer très loin ensemble. J’ai eu la joie de voir mûrir et s’enrichir mes étudiants au fil du temps.

Parallèlement, avez-vous toujours écrit ?

Tant que j’ai enseigné, je n’étais guère disponible pour me consacrer à l’écriture. L’été, je faisais de la recherche et l’année scolaire était bien chargée. Et puis, le commerce avec les grands écrivains rend humble et longtemps je n’ai pas osé écrire jusqu’au moment où j’ai eu le besoin de faire le point, de savoir où j’en étais de moi-même. C’est ainsi qu’est né le premier livre « Écailles de feu ».

Avez-vous eu des difficultés pour trouver une maison d’édition ? Comment se sont déroulées ces démarches ?

Dès la fin de la rédaction de cet ouvrage, j’ai écrit à des maisons d’édition, mais sans succès. Certaines ne m’ont même pas renvoyé le manuscrit ! Puis le hasard, mais existe-t-il vraiment ?,  m’a fait rencontrer Guy Montet, un éditeur de Saint-Chamond avec qui je me suis très vite liée d’amitié. Cet amoureux de l’objet-livre a mis ses compétences et sa sensibilité au service du texte. J’ai découvert alors comment par le choix de la typographie, de la mise en page, de la première de couverture, il réussissait à rendre compte avec la plus grande fidélité de l’intention profonde du texte.

Dans un précédent ouvrage « De sel et de cendre », vous avez fait appel aux encres de Sandra Sanseverino. Pourquoi ?

Les mythes grecs auxquels renvoie ce livre parlent à l’imaginaire individuel et collectif. Leur force visuelle est intense. L’idée de confier à un peintre le soin d’accompagner mes textes s’est imposée d’elle-même. Si j’ai choisi Sandra Sanseverino, c’est parce que j’apprécie particulièrement cette artiste, toute en sobriété et radicalité.

Vous avez écrit sur l’enfance, l’errance, la quête de soi… Des thèmes toujours très intimes ?

Je pense que si on veut aller vers les autres, il faut d’abord apprendre à se connaître et accepter ses propres errances. L’intime, c’est le cœur de l’être, sa vérité profonde, cette part d’humain qui peut justement entrer en résonance avec l’autre.

Pouvez-vous nous présenter votre dernier ouvrage « Le Semeur de Lumière » ?

Le Semeur de Lumière raconte l’histoire de Simon, un quinquagénaire qui a depuis si longtemps enfoui ses souffrances qu’il ne sait plus très bien qui il est. Sa rencontre avec Léna, vieille dame amoureuse de la vie, va bouleverser son quotidien. Grâce à elle, il parvient à se retrouver lui-même et peut alors donner sa mesure. En fait, tous les personnages du livre, même le chat, évoluent et deviennent au fil des pages ce qu’ils sont en profondeur.

« Le Semeur de Lumière » paraît plus ambitieux, ne serait-ce qu’en termes de volume de pagination, par rapport à vos précédents ouvrages… Une étape supplémentaire ?

Les quatre livres que j’ai publiés jusqu’à présent sont intimement liés les uns aux autres. « Le Semeur de Lumière » est en quelque sorte la suite logique des précédents. « À Écailles de feu », récit de l’intime sur l’enfance, ont succédé deux ouvrages « La femme au chien jaune » et « De sel et de cendre » qui sont marqués par l’errance, la perte de l’autre et le chaos du monde. « Le Semeur de Lumière » apparaît comme un livre beaucoup plus apaisé qui affirme certes la difficulté d’exister, mais aussi la capacité de chacun de se réaliser et d’aller de l’avant. Ce n’est pas une ligne droite ; Simon a même besoin d’un détour par un pays lointain pour se trouver et s’accomplir, mais il y parvient.

Le choix d’une écriture à trois voix s’est-il imposé dès la conception du roman ?

Oui, car comment rendre la complexité des points de vue, la diversité de l’être sans recourir à plusieurs voix ? Tout seul, Simon ne peut que s’enliser. Il a besoin de l’autre, du regard extérieur pour exister. Mais d’être trois permet d’aller encore plus loin : il y a alors un tiers qui peut être catalyseur ou médiateur. Le personnage du chat apporte aussi un autre élément : il m’a permis de mettre en lumière la part d’animalité que chacun de nous porte en lui.

Votre écriture est très léchée. Très précise. Attachez-vous beaucoup d’importance au style ?

Je ne cherche pas à avoir du style, mais à laisser s’exprimer ce que je suis vraiment. Je lutte pour trouver le mot juste. C’est la respiration de la phrase qui me guide ; les pauses, les silences sont très importants pour moi. Je travaille le plus souvent à haute voix car c’est en fait de cela dont il s’agit : faire résonner la voix intérieure.

Dans « Le Semeur de Lumière », il est beaucoup question de l’autre… Cet autre essentiel… La réalité de nos sociétés n’est-elle pas plutôt au retrait sur soi ?

On parle beaucoup d’individualisme, de repli sur soi. Moi, je suis plutôt surprise par la capacité des gens à s’ouvrir aux autres et à s’engager. Je rencontre quotidiennement des personnes qui se battent contre la violence et la peur qui sévissent aujourd’hui. Je suis peut-être trop idéaliste, mais je crois en l’humain et à cette lumière qu’on peut apporter aux autres.

Qu’est-ce que cette « lumière » ?

La lumière, c’est tout ce que l’on peut faire pour que la société soit un peu moins laide. Cela commence par des choses très humbles : un sourire dans le tram à quelqu’un qui paraît si triste, une vieille dame qu’on aide à traverser la rue… Mais c’est surtout une façon d’être au monde, d’être présent à l’autre en lui faisant confiance. D’être convaincu de son unicité et que le monde a besoin de lui, qu’il serait plus pauvre sans lui.

En quoi votre roman est-il un récit initiatique ?

Chaque personnage traverse des étapes qui le conduisent un peu plus loin. Simon réapprend à vivre. Il sort de son isolement et parvient à intégrer les souffrances passées. Lui si casanier, part pour un voyage lointain à la découverte des autres et de lui-même. Il traverse aussi des épreuves comme la perte de Léna, mais il en sort grandi. Léna, elle, accompagne Simon et accède ainsi à une part essentielle d’elle-même. Cette femme impétueuse et de tous les combats comprend aussi, quand sa fin est proche, qu’elle doit rendre les armes : et c’est dans la plus grande dignité qu’elle accepte de mourir.

Qu’attendez-vous de la sortie de ce nouveau roman ?

C’est principalement par le bouche-à-oreille et au cours de lectures publiques que je diffuse mes livres ; on ne peut pas les acquérir sur Internet, mais ils sont disponibles dans des librairies comme à Forum, rue Michel Rondet à Saint-Étienne ou à Bleu comme une orange à la Talaudière. Présenter dans l’Agenda Stéphanois mon dernier ouvrage me permettra peut-être d’agrandir le cercle de mes lecteurs. Quand je publie un nouveau livre, j’aime organiser des lectures suivies d’un échange avec le public. C’est une tradition très répandue en Allemagne, beaucoup moins en France. Pour moi, l’occasion merveilleuse de rencontrer les lecteurs, de leur livrer une interprétation possible du texte et de partager un ressenti avec eux. En fait, c’est à eux de continuer le texte et de le faire vivre. Sans eux, le bouquin n’existerait pas.

Vous avez été professeur d’allemand en classes préparatoires à Saint-Étienne. Que vous a apporté cette expérience dans l’enseignement supérieur ?

Mon métier m’a passionné. J’ai d’abord cherché à transmettre à mes étudiants la langue allemande si souvent mal aimée et ceci à travers les textes des grands auteurs qui m’ont toujours accompagnée. Je pense à Hölderlin et Goethe bien sûr, mais surtout à Rilke, Kafka et Christa Wolf. J’ai aussi essayé de sensibiliser les jeunes aux problèmes contemporains en les familiarisant avec la réalité de la société allemande dans sa complexité et diversité. Le contenu de mon enseignement était important, mais la relation à l’élève toujours première. Car j’étais et je reste convaincue qu’en faisant confiance à l’autre, on peut cheminer très loin ensemble. J’ai eu la joie de voir mûrir et s’enrichir mes étudiants au fil du temps.

Parallèlement, avez-vous toujours écrit ?

Tant que j’ai enseigné, je n’étais guère disponible pour me consacrer à l’écriture. L’été, je faisais de la recherche et l’année scolaire était bien chargée. Et puis, le commerce avec les grands écrivains rend humble et longtemps je n’ai pas osé écrire jusqu’au moment où j’ai eu le besoin de faire le point, de savoir où j’en étais de moi-même. C’est ainsi qu’est né le premier livre « Écailles de feu ».

Avez-vous eu des difficultés pour trouver une maison d’édition ? Comment se sont déroulées ces démarches ?

Dès la fin de la rédaction de cet ouvrage, j’ai écrit à des maisons d’édition, mais sans succès. Certaines ne m’ont même pas renvoyé le manuscrit ! Puis le hasard, mais existe-t-il vraiment ?,  m’a fait rencontrer Guy Montet, un éditeur de Saint-Chamond avec qui je me suis très vite liée d’amitié. Cet amoureux de l’objet-livre a mis ses compétences et sa sensibilité au service du texte. J’ai découvert alors comment par le choix de la typographie, de la mise en page, de la première de couverture, il réussissait à rendre compte avec la plus grande fidélité de l’intention profonde du texte.

Dans un précédent ouvrage « De sel et de cendre », vous avez fait appel aux encres de Sandra Sanseverino. Pourquoi ?

Les mythes grecs auxquels renvoie ce livre parlent à l’imaginaire individuel et collectif. Leur force visuelle est intense. L’idée de confier à un peintre le soin d’accompagner mes textes s’est imposée d’elle-même. Si j’ai choisi Sandra Sanseverino, c’est parce que j’apprécie particulièrement cette artiste, toute en sobriété et radicalité.

Vous avez écrit sur l’enfance, l’errance, la quête de soi… Des thèmes toujours très intimes ?

Je pense que si on veut aller vers les autres, il faut d’abord apprendre à se connaître et accepter ses propres errances. L’intime, c’est le cœur de l’être, sa vérité profonde, cette part d’humain qui peut justement entrer en résonance avec l’autre.

Pouvez-vous nous présenter votre dernier ouvrage « Le Semeur de Lumière » ?

Le Semeur de Lumière raconte l’histoire de Simon, un quinquagénaire qui a depuis si longtemps enfoui ses souffrances qu’il ne sait plus très bien qui il est. Sa rencontre avec Léna, vieille dame amoureuse de la vie, va bouleverser son quotidien. Grâce à elle, il parvient à se retrouver lui-même et peut alors donner sa mesure. En fait, tous les personnages du livre, même le chat, évoluent et deviennent au fil des pages ce qu’ils sont en profondeur.

« Le Semeur de Lumière » paraît plus ambitieux, ne serait-ce qu’en termes de volume de pagination, par rapport à vos précédents ouvrages… Une étape supplémentaire ?

Les quatre livres que j’ai publiés jusqu’à présent sont intimement liés les uns aux autres. « Le Semeur de Lumière » est en quelque sorte la suite logique des précédents. « À Écailles de feu », récit de l’intime sur l’enfance, ont succédé deux ouvrages « La femme au chien jaune » et « De sel et de cendre » qui sont marqués par l’errance, la perte de l’autre et le chaos du monde. « Le Semeur de Lumière » apparaît comme un livre beaucoup plus apaisé qui affirme certes la difficulté d’exister, mais aussi la capacité de chacun de se réaliser et d’aller de l’avant. Ce n’est pas une ligne droite ; Simon a même besoin d’un détour par un pays lointain pour se trouver et s’accomplir, mais il y parvient.

Le choix d’une écriture à trois voix s’est-il imposé dès la conception du roman ?

Oui, car comment rendre la complexité des points de vue, la diversité de l’être sans recourir à plusieurs voix ? Tout seul, Simon ne peut que s’enliser. Il a besoin de l’autre, du regard extérieur pour exister. Mais d’être trois permet d’aller encore plus loin : il y a alors un tiers qui peut être catalyseur ou médiateur. Le personnage du chat apporte aussi un autre élément : il m’a permis de mettre en lumière la part d’animalité que chacun de nous porte en lui.

Votre écriture est très léchée. Très précise. Attachez-vous beaucoup d’importance au style ?

Je ne cherche pas à avoir du style, mais à laisser s’exprimer ce que je suis vraiment. Je lutte pour trouver le mot juste. C’est la respiration de la phrase qui me guide ; les pauses, les silences sont très importants pour moi. Je travaille le plus souvent à haute voix car c’est en fait de cela dont il s’agit : faire résonner la voix intérieure.

Dans « Le Semeur de Lumière », il est beaucoup question de l’autre… Cet autre essentiel… La réalité de nos sociétés n’est-elle pas plutôt au retrait sur soi ?

On parle beaucoup d’individualisme, de repli sur soi. Moi, je suis plutôt surprise par la capacité des gens à s’ouvrir aux autres et à s’engager. Je rencontre quotidiennement des personnes qui se battent contre la violence et la peur qui sévissent aujourd’hui. Je suis peut-être trop idéaliste, mais je crois en l’humain et à cette lumière qu’on peut apporter aux autres.

Qu’est-ce que cette « lumière » ?

La lumière, c’est tout ce que l’on peut faire pour que la société soit un peu moins laide. Cela commence par des choses très humbles : un sourire dans le tram à quelqu’un qui paraît si triste, une vieille dame qu’on aide à traverser la rue… Mais c’est surtout une façon d’être au monde, d’être présent à l’autre en lui faisant confiance. D’être convaincu de son unicité et que le monde a besoin de lui, qu’il serait plus pauvre sans lui.

En quoi votre roman est-il un récit initiatique ?

Chaque personnage traverse des étapes qui le conduisent un peu plus loin. Simon réapprend à vivre. Il sort de son isolement et parvient à intégrer les souffrances passées. Lui si casanier, part pour un voyage lointain à la découverte des autres et de lui-même. Il traverse aussi des épreuves comme la perte de Léna, mais il en sort grandi. Léna, elle, accompagne Simon et accède ainsi à une part essentielle d’elle-même. Cette femme impétueuse et de tous les combats comprend aussi, quand sa fin est proche, qu’elle doit rendre les armes : et c’est dans la plus grande dignité qu’elle accepte de mourir.

Qu’attendez-vous de la sortie de ce nouveau roman ?

C’est principalement par le bouche-à-oreille et au cours de lectures publiques que je diffuse mes livres ; on ne peut pas les acquérir sur Internet, mais ils sont disponibles dans des librairies comme à Forum, rue Michel Rondet à Saint-Étienne ou à Bleu comme une orange à la Talaudière. Présenter dans l’Agenda Stéphanois mon dernier ouvrage me permettra peut-être d’agrandir le cercle de mes lecteurs. Quand je publie un nouveau livre, j’aime organiser des lectures suivies d’un échange avec le public. C’est une tradition très répandue en Allemagne, beaucoup moins en France. Pour moi, l’occasion merveilleuse de rencontrer les lecteurs, de leur livrer une interprétation possible du texte et de partager un ressenti avec eux. En fait, c’est à eux de continuer le texte et de le faire vivre. Sans eux, le bouquin n’existerait pas.