C’est François Hollande qui ne cesse de le clamer à haute voix, comme si la méthode Cauet était devenue un palliatif inespéré, la crise est derrière nous. La croissance nous appelle ! Il suffit de se promener dans les rues de Saint-Étienne 5 minutes pour mesure l’effet de manche. Cette crise est loin d’être derrière nous… Et même si celle-ci l’était réellement, nul doute qu’une autre réapparaîtrait au coin de la rue. D’ailleurs d’où vient-elle cette crise ? S’en souvient-on encore ? Il y a bien cette histoire de subprimes… Vous auriez déjà oublié ? Souvenez-vous : après les attentats du 11 septembre 2001, le gouvernement Bush redoute une récession et incite la Banque Fédérale Américaine à ouvrir grand le robinet du crédit. Chaque américain, même le plus pauvre, doit pouvoir dépenser dans toutes les largeurs et accessoirement acheter sa maison. C’est ainsi qu’apparaissent les fameux prêts à taux variables… Parlez-en à Michel Thiollière !

C’est parti pour 5 années d’open bar gigantesque jusqu’à la remontée des taux d’intérêt du marché. Les remboursements s’affolent. Les familles ne peuvent plus honorer leurs échéances, les faillites s’accumulent et pour masquer l’affaire, les banquiers inventent la titrisation, une façon d’éparpiller ces « emprunts toxiques » au sein d’autres produits financiers. Une banque américaine a excellé dans cette technique, Lehman Brothers. Elle le paiera cher au plus haut de la crise en septembre 2008, c’est la faillite ! Dans sa chute la banque américaine crée un tsunami bancaire dont nous payons toujours les pots cassés ! « Chapitres de la chute », mis en scène par Arnaud Meunier n’est pas tant une pièce sur ce cataclysme financier international qu’une saga humaine relatant l’extraordinaire aventure d’une fratrie originaire de Bavière. Ils sont trois, Henry, l’aîné, la tête pensante, Emmanuel le cadet dit le « bras » et Mayer, la patate. Comme des milliers d’immigrés européens, les frères Lehman quittent l’Allemagne pour l’Amérique en quête d’eldorado. Nous sommes au milieu du XIXe siècle, une nation est en phase de construction et la fratrie Lehman va jouer un rôle clé dans la financiarisation de ce nouvel état. Les frères délaissent rapidement leur maison de Dave Hollandssu située dans l’Alabama pour prendre part au phénoménal développement lié à l’essor du chemin de fer. L’activité explose et les besoins de financement sont gigantesques. La banque Lehman deviendra la 4e banque d’investissement dans le monde jusqu’à sa chute…

Stefano Massino, élégant auteur florentin quarantenaire, s’est passionné pour cette saga familiale incroyable. On le sait intéressé par les grands sujets historiques qu’il parvient à mêler, avec une belle maestria, à des considérations humaines intemporelles, la solitude, la peur, la recherche du bonheur. Son écriture s’ancre dans un réalisme historique pour mieux en faire ressurgir la moelle existentielle. Stefano Massino présentera, plus tard dans la saison, une autre pièce relatant le parcours d’Anna Polistkovskaja, cette journaliste russe assassinée par le pouvoir après avoir dénoncé les agissements intolérables de l’Armée Rouge en Tchétchénie. Le théâtre comme un sport de combat ? Peut-être. Gageons que « Chapitres de la Chute » sera au théâtre ce que « Il était une fois en Amérique » (Sergio Leone, bien sûr) a été pour le cinéma. Une œuvre centrale. Marquante et incontournable.

Théâtre J. Dasté – Comédie de Saint-Étienne – Du mardi 8 au jeudi 17 octobre à 20 h