Les frères Paolo et Vittorio Taviani représentent l’unique cas d’une carrière cinématographique internationale signée exclusivement à quatre mains depuis un demi-siècle. Précurseurs des frères Dardenne, les frères Taviani connaîtront la consécration en 1977 en recevant la Palme d’Or du Festival de Cannes avec « Padre Padrone », l’adaptation d’un roman éponyme et autobiographique de Gavino Ledda qui relatait l’éducation « à la méthode sarde » dans l’Italie d’après-guerre.  Mais depuis « Good Morning Babylonia », fin des années 80, les Frères Taviani entameront une longue traversée du désert, artistique et médiatique, qui prend fin avec « César doit mourir », leur ultime réalisation, Ours d’Or au dernier Festival de Berlin et « Donatello » aux « Césars » italiens.

« César doit mourir » relate la mise en scène de « Jules César » par Fabio Cavalli, de William Shakespeare par des détenus de haute sécurité de la prison de Rebiddia, près de Rome, considérée comme l’une des plus terribles d’Italie. Le film débute lorsque la représentation de « Jules César » prend fin. Sous forme d’un docu-fiction, les Frères Taviani s’intéressent à ceux-là mêmes qui, le temps d’une représentation, furent projetés en dehors du temps, donc en dehors de cette prison. Particulièrement impliqués dans ce projet, les détenus ont chacun adapté le texte de Shakespeare dans leur propre dialecte, napolitain, sicilien ou calabrais. Seuls deux des acteurs ont depuis acquitté la totalité de leur peine, la plupart étant toujours incarcéré, certains ayant même écopé d’une peine de perpétuité. Le film des Frères Taviani ose une immersion dans ce monde obscur d’une prison ultra-sensible. Lors de la finalisation de leur film, les Frères Taviani ont proposé aux différents protagonistes d’apparaître au générique sous de fausses identités, afin de sauvegarder l’honneur de leur famille. Tous ont insisté pour conserver leur véritable identité. A l’heure où, en France, Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ose aborder le problème de surpopulation de nos prisons, il n’est pas inutile de prêter une attention bienveillante à ce film qui vaut comme un acte d’engagement fort et déterminant. Car on aura beau ne pas vouloir affronter la réalité mais la prison est devenue, en France, une sorte d’école du crime dans laquelle s’engouffre chaque année, des centaines et centaines de jeunes délinquants.
Un film de Paolo et Vittorio Taviani
Sortie le 17 octobre