Confinée la culture ? Pas sûr. En tout cas si les salles n’ont pas encore rouvert leurs portes, les équipes sont sur le pont et proposent sans cesse de nouvelles expériences pour permettre l’accès au spectacle vivant. Aux Pénitents c’est pratiquement un jour une idée. Par exemple, vous pourrez découvrir la pièce « Adélaïde et René », d’Alexis Jebeile, enregistrée en studio et accessible comme une pièce radiophonique*. Mais ce qui nous a intéressés ici, c’est « allô, Les Pénitents ? ». Il s’agit de comédiens professionnels, qui, gratuitement, vous font la lecture au téléphone. émotions garanties. Henri DALEM, directeur du Théâtre des Pénitents, à Montbrison, nous en parle plus en détail en attendant de retrouver avec « Les Géométries du dialogue » les 15 et 16 décembre, le chemin du théâtre.

Confinés. Déconfinés… Comment se présentent les choses au théâtre des pénitents ?

L’attente a été longue, car refermer les portes dès octobre a vraiment été un coup dur. Paradoxalement, cela a été une période d’intense activité : remboursement de places, réécriture des contrats, accompagnement des artistes désemparés… Mais surtout, il ne faut pas baisser les bras, préparer la suite, et faire le maximum pour garder le lien avec le public. La culture est un service public, ce qui demande de la continuité. Dans ce sens, nous avons par exemple adapté un spectacle pour aller le présenter dans 2 écoles de Montbrison sous forme d’exposition immersive, grâce à la créativité sans borne des artistes.

Pensez-vous que la culture, très impactée par la crise, doive se réinventer ?

Mais elle sait faire que ça ! Les créateurs labourent sans cesse nos représentations du monde pour imaginer demain. Les lieux travaillent sans relâche à ouvrir leurs portes à des publics toujours plus larges… Alors certes, on nous parle d’une culture de plus en plus numérique, face à laquelle certains caricaturent le spectacle vivant en dinosaure. Il faudrait « enfourcher le tigre » et nous emparer du numérique, notamment en cette période où les spectateurs sont confinés derrière leurs écrans. Oui : il y a sans doute des contenus à inventer pour communiquer différemment, notamment en direction des jeunes. Mais au fond, le spectacle vivant, ça reste une rencontre physique. Ce qui en fait la valeur, c’est la présence, l’incarnation, le rapport au présent.

Dans ce sens, parlez-nous de cette initiative vraiment intéressante qui nous permet d’avoir un comédien au téléphone ?

Un artiste et une personne qui l’écoute au bout du fil – à défaut de le regarder -, c’est déjà la possibilité de l’alchimie de l’émotion du théâtre. Avec « Allô, les Pénitents ? », ce dispositif de lectures au téléphone, les spectateurs vont retrouver à la fois du spectacle vivant, puisqu’il y a un.e vrai.e comédien.ne à l’autre bout du fil, et de la proximité, car il n’y a rien de plus intime qu’une conversation téléphonique.

Comment les comédiens préparent-ils leur intervention ?

Nous avons sélectionné des textes liés à la programmation de la saison, avec la complicité de la Librairie Lavigne de Montbrison, et nous les avons confiés à une compagnie du territoire, le Kaïros théâtre. Ils ont travaillé des séquences de 5 minutes pour une seule personne, avec comme consigne d’éveiller l’imagination : au téléphone ne rien voir est un atout, et c’est à la voix de tout suggérer.

Le public, donc celui au bout du fil, peut-il intervenir ?

Un acteur sent son public, sur scène comme au téléphone. Ici, ils entendront la respiration de la personne de l’autre côté de la ligne. Il y aura bien une relation qui se nouera. Et puis après les 5 minutes de lecture, nous avons prévu un temps de discussion.

Cela se passe dans un temps limité ?

5 minutes de lecture, 5 minutes de discussion. Dès la seconde semaine, nous allons réserver des créneaux aux enfants. Et nous imaginons déjà d’étendre le dispositif aux écoles et aux maisons de retraite, pour lesquelles il faudra sans doute repenser le format.

Quels sont les premiers retours d’expérience ?

Nous avons écrit aux « publics », et les commentaires font chaud au cœur. Les gens sont heureux d’entendre des textes, d’être en contact avec des artistes, d’avoir un temps de discussion. Il semble que nous ayons visé juste !

Le 15 décembre, vous rouvrez ? Du coup pensez vous accueillir très vite de nouveaux spectacles ?

Oui ! Nous avons 4 représentations prévues les 15 et 16 décembre avec le spectacle Les Géométries du dialogue, et nous sommes heureux de les maintenir. D’ici-là, nous allons retrousser nos manches car évidemment nous avons vendu très peu de places. Dans ce sens, l’enjeu est moins décembre que janvier-février, avec le 18ème anniversaire de Poly’Sons, notre festival de chanson française. Nous avons mis en suspens toute la communication par manque de visibilité. Mais la situation reste très tendue car nous subissons encore des limitations de jauge, et qu’il sera compliqué de faire revenir le public. Quel équilibre économique trouverons-nous ? Un déficit de billetterie début 2021 entraînera peut-être des spectacles en moins et de l’action culturelle annulée en septembre, justement au moment où la situation sanitaire sera rétablie… Il nous faut soit de la visibilité, soit des aides. Sans l’un ni l’autre, le fragile écosystème de la création risque de s’effondrer.

* https://www.theatredespenitents.fr/artiste/adelaide-et-rene/

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