À l’occasion de la sortie de sa nouvelle Bd, ou plus exactement son nouveau livre-objet, Marc Antoine Mathieu répond à quelques questions tout en s’interrogeant sur le processus créatif. Rencontre :

Si on te demande quel est ton métier, tu réponds quoi ?

Plasticien. Ça regroupe assez bien le métier de scénographe, graphiste, affichiste, dessinateur. Peut-être un peu moins celui de raconteur d’histoire, plasticien raconteur d’histoire.

Tu as suivi quelle formation ?

Une partie autodidacte, en lisant beaucoup de bandes dessinées et en me mettant à dessiner moi-même. Et quand j’ai commencé à tourner en rond mais que j’avais un niveau satisfaisant, je suis rentré aux Beaux-Arts. Pour apprendre et pour désapprendre ! Évidemment au Beaux-arts, j’ai fait tout sauf de la BD, donc quand je suis sorti de l’école, elle m’a rattrapée. Au début, je faisais un peu comme toi, des affiches, des logos, essentiellement dans le domaine culturel. Mais la BD, qui était plutôt un violon d’Ingres, est devenue importante avec le temps. Les violons d’Ingres portent en eux, dans leur âme, une essentialité.

Ton style est reconnaissable avec ce trait stylisé, précis, l’usage du noir et blanc, et cette volonté de surprendre, de casser les codes à chaque nouvel album.

Je n’ai pas forcément cherché tout cela. Mes livres sont le résultat de mes rêveries, de mes errances. J’aime surprendre car j’ai eu très tôt peur de m’ennuyer. Je suis peut-être plus un explorateur qu’un réaliste ou un pragmatique. Mes explorations font que suis surpris par des choses et par moi-même. Tout mon travail consiste à traduire cette surprise, de la transcrire au mieux pour la transmettre au lecteur, au regardeur.

Arrives-tu à définir ton cheminement, tes influences ?

La question du pourquoi et du comment revients régulièrement. Les influences viennent de plusieurs choses différentes mais surtout d’un terrain d’errance. En forêt, en ville, si tu acceptes d’errer, tu laisses une chance au réel de te surprendre. Si tu as un discours, si tu veux voir une chose précise, il y aura moins de surprises. Le terrain de la création d’où peut émerger la surprise est nourri par cette errance. Il faut se dégager du temps où l’on peut être soi-même, se mettre dans un état de friche, de vide, duquel peuvent émerger des choses. Il faut trier de temps en temps, bien sûr, mais il y a toujours quelque chose qui vient et qui nous surprend. La question est : pourquoi ça nous surprend alors que ça vient de nous ? C’est étrange et passionnant.

Quelques mots sur l’album « 3 rêveries » qui va sortir mi-novembre chez delcourt ?

3 rêveries est un poème graphique dans lequel se déploie, sous la forme d’une rêverie muette, le triptyque des créations humaines : le temps, l’outil et la pensée. Le faire, Homo faber, l’invention du verbe et de la pensée, Homo Logos, et l’invention du temps, Homo Temporis. Cela a donné naissance à un coffret. Ces récits échappent au format livre. Un leporello, un jeu de cartes et un ruban panoramique. 3 manières aussi de pousser le côté expérimental.

Que penses-tu du digital ?

Ça me questionne, je creuse, je fais quelques tentatives de créations, mais je reste attaché au livre. Le jour où, comme dans 3 secondes, la technologie me permettra de zoomer quasiment à l’infini avec mon téléphone, j’adorerais exploiter cela ! Si c’est juste pour digitaliser des livres, cela ne m’intéresse pas.