Je tiens « Bad Lieutenant », l’original réalisé par Abel Ferrara en 1992, pour l’un des films les plus marquants de ces 30 dernières années. Une fulgurance cinématographique surréaliste sur l’épopée désespérée d’un flic accro à la drogue. Il est clair que seul un camé était en mesure de réaliser un film aussi cinglé sur la dope et ses effets ravageurs. Et le réalisateur natif du Bronx, ce qui en soi est déjà une furieuse anomalie, était alors réputé pour son inquiétant penchant pour la drogue. Ferrara réalisera par la suite le très beau « Nos funérailles » qui relate le destin perturbé de trois frères d’une même famille mafieuse. Impossible d’oublier cette fameuse scène d’initiation au meurtre, lorsque l’aîné des trois frères est obligé par son père de tirer sur un homme attaché tout en lui expliquant en dialecte Sicilien la portée de cet acte fondateur et irréversible. Après, je reste beaucoup moins convaincu par les autres films d’A. Ferrara, sans oublier bien sûr, l’éblouissant « King of New York », l’un des meilleurs films sur le crime organisé, sorti en 1990 avec Christopher Walken, David Caruso (avec Experts à Miami) et Lawrence Fishburne, magnifique, superbe trio.

A.Ferrara est désormais « clean » et affirme ne plus toucher à aucune drogue ni alcool. Une sacrée performance connaissant le haut degré de sa dépendance… Cette transformation, A. Ferrara la doit une femme, Shanyn Leigh, dont il est tombé follement amoureux à Rome lors du post-tournage de « Mary », film relatant la relation amoureuse entre Jésus et Marie-Madeleine. Bouddhiste convaincue et pratiquante, S. Leigh a donc initié A. Ferrara à cette forme de religion sans dieu. Transformé par l’étude et la méditation, A. Ferrara serait donc devenu un autre homme dénué de toutes addictions. C’est sans doute cette métamorphose spirituelle qui lui a permis d’élaborer un scénario envisageant la fin du monde. « 4h44 » se déroule à New York. Cisco et Skye s’apprêtent à passer leur dernier après-midi ensemble. C’est l’heure des adieux, l’occasion d’une ultime étreinte. Comme la majorité des hommes et des femmes, ils ont accepté leur destin. Demain, à 4h44, le monde disparaîtra. Que ferions-nous s’il nous restait qu’un seul jour à vivre ? Une dernière fête ? Une dernière prière ? Une dernière nuit d’amour ? Une dernière nuit de débauche ? Une dernière nuit apaisée en famille ? Chacun verrait midi à sa porte et imaginerait le scénario ultime de ces 24 heures pas comme les autres… Dans ce film, l’héroïne, qui n’est autre que S. Leigh la compagne du réalisateur, est bouddhiste. Outre l’aspect scénaristique qui n’a rien c’est vrai d’original, les Mayas auraient annoncés la fin du monde dans quelques jours seulement, « 4h44 » aborde la thématique de la compassion et du travail nécessaire que chacun doit faire en lui-même pour s’ouvrir à l’amour… Drogue, amour, bouddhisme et fin du monde et si la boucle était effectivement bouclée (pour Abel au moins) ?
Un film de Abel Ferrara