Christophe, un dramaturge incompris, tente désespérément de financer sa nouvelle pièce que doit interpréter Patricia, sa compagne. Christophe cherche de l’aide auprès d’un ancien camarade qui invite le couple à passer un week-end à la campagne. Mais lorsque Christophe (alias Olivier Sitruk) débarque en compagnie de Patricia (alias Juliette Arnaud, Stéphanoise d’origine) alors qu’ils viennent de se disputer, cette dernière décide de ne pas décrocher un mot de la

soirée ! Face à ce mutisme, les hôtes la croient étrangère. Le quiproquo, habilement entretenu par Patricia, conduit alors les protagonistes de la soirée aux frontières les plus drôles du ridicule. Voici le pitch de « Venise sous la neige » premier film d’Elliott Covrigaru. Rencontre avec le réalisateur, Elliott Covrigaru, et les deux acteurs principaux du film, Juliette Arnaud et Olivier Sitruck lors de l’avant-première à l’Alhambra…

Pourquoi avoir choisi l’adaptation d’une pièce de théâtre pour réaliser un premier film ?

Elliott Covrigaru : Le choix s’est un peu imposé de lui-même. Je suis tombé amoureux de cette pièce de Gilles Dyrec lorsque je l’ai découverte. J’ai beaucoup ri en la voyant et avec ma productrice, Véra Belmont, on s’est dit que cela pouvait faire une belle adaptation. J’écris également de mon côté, c’est vrai, mais nous avons pensé que cette pièce laissait augurer un gros potentiel quant à son adaptation cinématographique.

Adapter une pièce au cinéma, n’est-ce pas trop risqué pour un premier film ?

Faire un film, c’est prendre énormément de risques, alors… Évidemment, nous avons mené un gros travail pour faire cette adaptation parce que ce qui fonctionne au théâtre, en termes de dialogues notamment, ne fonctionne pas forcément au cinéma. Il y a tout un travail d’écriture autour de cette pièce qui, en plus, a connu un très beau succès sur les planches. C’était très délicat. Après, il s’agit bien d’un film, nous ne sommes plus dans le théâtre. Les enjeux ne sont plus les mêmes.

Olivier Sitruk : Si je peux me permettre, je ne crois pas au fait que cela soit plus risqué d’adapter une pièce qui a déjà fonctionné au cinéma, parce que si cette pièce a rencontré un certain succès, c’est qu’elle était déjà pertinente au niveau des dialogues. Justement, on savait que certaines situations avaient déjà fonctionné face aux spectateurs.

Un acteur du film, Franck de la Personne, a fait parler de lui en affichant ouvertement sa proximité avec le Front National…

Elliott Covrigaru : C’est une réalité, en effet, qui nous a un peu surpris, c’est vrai…

Olivier Sitruck : Après, il faut bien avouer que Franck de la Personne est bien plus connu des médias que du grand public… C’est un événement journalistique uniquement, personne ne nous en a parlé lors de notre tournée en province. Ma mère, par exemple, ne le connaissait absolument pas. Elle a lu un article sur lui et ne l’a même pas reconnu. Après, curieusement, son rôle dans le film n’est pas éloigné de ce qu’il est dans la vie.

Elliott Covrigaru : Pour la petite histoire, on a tourné le film il y a presque deux ans… Donc pour nous, c’est une autre histoire…

Comment s’est déroulée la préparation du film ?

Elliott Covrigaru : Nous avons fait plusieurs lectures, tout simplement.

Olivier Sitruck : Je crois qu’Elliott voulait en faire vraiment un objet cinématographique…

Elliott Covrigaru : En effet, nous avons fait quelques lectures, puis nous avons répété une ou deux fois dans le décor puis nous avons tourné. L’idée n’était pas de refaire une pièce de théâtre.

A-t-il été question de reprendre la distribution de la pièce de théâtre ?

À aucun moment, non. Je voulais vraiment faire quelque chose de nouveau. Les acteurs de la pièce sont excellents mais je voulais renouveler complètement le projet. C’est Arthur Jugnot, un ami, qui m’a conseillé de prendre Olivier et quant à Juliette et Elodie, nous avons procédé par casting, tout simplement.

Se prend-on au sérieux lorsqu’on joue ce genre de rôle ?

Olivier Sitruck : Non, pas vraiment. Après, chacun a son propre caractère, même quand on joue, on ne se prend pas au sérieux. Louis Jouvet disait « Le comédien vaut l’homme, et tant vaut l’homme, tant vaut le comédien », je trouve cela assez juste. On ne fait qu’avec ce qu’on est. Après, Elliot a dû nous recadrer parfois parce qu’on a beaucoup ri au tournage. Je crois qu’Elliott a pas mal de matière pour le bêtisier et le dvd !

Elliott Covrigaru : Au niveau de l’adaptation notamment, nous avons beaucoup travaillé pour rendre les situations de la pièce toujours très crédibles, notamment sur le rôle qu’incarne Juliette. Dans le film, on la prend pour une étrangère, et je crois, que cela reste très vraisemblable. Ce point précis nous paraissait très important.

Juliette parle une langue étonnante…

Juliette Arnaud : Elliot m’a fait travailler avec une interprète Serbe qui parlait cinq langues différentes originaires des pays de l’Est. Cela doit donc intervenir dans mon langage dans le film, en effet. J’ai réussi à attraper quelques intonations, je crois, tout en gardant à l’esprit la dimension burlesque de la situation.

Elliott Covrigaru : Tout l’enjeu était de rendre crédible ce que le personnage disait, nous avons donc travaillé sur l’intonation de cette langue imaginaire.

Toutes les péripéties qui arrivent dans le film étaient-elles déjà dans la pièce ?

Elliott Covrigaru : Globalement, oui. Le concept, la fausse générosité, donner des vêtements très usagés par exemple pour avoir bonne conscience, oui, tout cela y était, se donner de bonnes raisons pour accréditer l’idée d’une fausse générosité. L’idée même de la générosité est de ne pas trop mettre en danger celui qui est dans n’importe quel acte de générosité…

L’auteur de la pièce a-t-il vu le film ?

Elliott Covrigaru : Oui. Comme tout auteur, Gilles Dyrec a précisé qu’à la fin, le film n’était plus sa pièce. Je suis totalement d’accord avec lui, ce n’est plus sa pièce, c’est devenu mon film. Qui plus est, nous avions un peu travaillé ensemble pendant l’adaptation… Je précise cependant que toute la fin du film ne figure pas dans la pièce. C’est aussi pour cette raison que le film est différent de la pièce.

Le film est-il une sorte de miroir de conscience ?

Si vous voulez. Le film pose quelques questions en effet sur la générosité en général. Pourquoi donne-t-on ? Pourquoi d’autres ne donnent-ils pas ? Le film interroge aussi sur le processus créatif de l’écrivain également : d’où provient la création ?

Le rythme du film est très soutenu. Était-ce perceptible lors du tournage ?

Olivier Sitruck : Le rythme du film provient essentiellement du montage ; à notre niveau, au niveau des comédiens, cela paraît moins évident. Je pense qu’Elliott a tourné au moins deux heures de film… Il y a un rythme de comédie à tenir, qui n’est pas celui du théâtre. On sait tous que le rythme est très important quant à la qualité finale du film. Un autre grand homme de théâtre, Peter Brook, disait « Le diable, c’est l’ennui ». Il faut toujours garder ça en tête. Au fond, le spectateur a souvent raison, au cinéma comme au théâtre.

Elliott Covrigaru : Les blagues les plus courtes sont souvent les meilleures. Nous avons volontairement voulu resserrer le montage, quitte à diminuer la durée finale du film. Après, au montage, on se pose des milliers de questions, sur le rythme du film bien entendu mais pas seulement. On essaie le plus possible de rester crédible.

Une pression particulière pour ce premier film ?

Elliott Covrigaru : Oui mais après, si on sait ce qu’on a filmé, si on est convaincu de ce qu’on a voulu raconter, on a moins peur. On vient de faire une dizaine d’avant-premières… Les retours sont très bons. Le public sort avec la banane, c’est ce qu’on cherchait : donner du plaisir et des rires…

Olivier, enfin, c’est plutôt rare de vous voir dans une comédie ?

Olivier Sitruck : J’adore pourtant la comédie. Dans la vie de tous les jours, je ne suis pas l’homme le plus drôle du monde mais lorsque j’ai lu le scénario la première fois, il m’a enchanté. J’ai été très content de faire ce film avec Elliot. Être dans une salle et entendre le rire des spectateurs, c’est tout simplement magique, je vous assure. La comédie, ça fait du bien, au public et à nous aussi, les comédiens… On peut aborder des sujets très sérieux en se marrant. C’est aussi le sujet de ce film. Souvent d’ailleurs, les comédies qui marchent bien abordent de vraies questions de société, n’est-ce pas…