L’inimitié légendaire entre François Fillon et Rachida Dati ne date pas d’hier. Il y a quelques mois, François Fillon, alors président du Parti Les Républicains et candidat à la primaire de la Droite, lui refusait le droit, et/ou l’avantage, de lui succéder dans sa circonscription, celle conquise d’avance du 7e arrondissement de Paris, au profit de Nathalie Kosciusko Morizet, l’ennemie jurée de l’ancienne Garde des Sceaux. Déjà en 2014, Rachida Dati, que tout oppose à François Fillon en effet, des origines jusqu’aux parcours politiques, balançait quelques tweets prémonitoires. En juillet 2014, R. Dati postait sur le réseau social : « L’habit ne fait pas le moine. Que François Fillon soit transparent sur ses frais, ses collaborateurs et Force Républicaine ». Le même mois, elle récidive en écrivant : « Mais la théorie de la bonne apparence dont se sert allègrement François Fillon n’autorise pas tout, y compris des méthodes de voyous ». Ou encore « Ce n’est pas de ma faute, ni celle de quiconque, si François Fillon a accepté d’être humilié pendant 5 ans par Nicolas Sarkozy ».

De là à penser que c’est l’ancienne Garde des Sceaux qui aurait balancé le dossier de la Famille Fillon au Canard Enchaîné, il n’y a qu’un pas que les proches collaborateurs du candidats Les Républicains ont franchi depuis. Qu’importe, car le problème n’est pas là. Ce que François Fillon a fait avec sa femme et sa famille n’est peut-être pas illégal. Près d’un tiers des parlementaires français, députés ou sénateurs (dont le transparent et actuel ministre de l’intérieur Bruno Le Roux qui a fait très fort en embauchant ses deux filles encore adolescentes !), procèdent de la sorte. Rappelons, à toutes fins utiles, qu’il s’agit d’argent public. Mais si cette pratique n’est pas illégale, elle reste profondément immorale, pour François Fillon et le fameux tiers de nos parlementaires. C’est pourquoi, entre autres, nous devons en finir avec cette Ve République. Aux yeux de la presse étrangère, nous passons pour une « République bananière ». Ni plus ni moins. Cela fout mal pour une nation qui s’est toujours appliquée à donner des leçons, souvent à tort et à travers. Cela étant dit, nous ne sommes pas forcément les mieux placés pour parler de morale ou d’immoralité : Il suffit de se regarder chaque matin dans la glace pour garder une certaine humilité…

Ce qui est plus gênant à mon sens pour le candidat à l’élection présidentielle choisie par Les Républicains ne se situe pas dans cet imbroglio familial (toute famille porte en elle-même sa propre part de complexité) mais bien dans l’affaire qui paraît à prime abord plus anecdotique, des costumes de la Maison Arnys, grosse boutique parisienne de costumes sur mesure. Rappelons que le 12 mars dernier, le JDD révélait que l’ancien premier ministre s’était fait offrir pour 48 000 euros de vêtements (35 000 euros d’habits, vestes, pulls, pantalons et deux costumes sur mesure pour 13 000 euros) depuis 2012. On apprendra plus tard que l’heureux donateur n’était autre que le non moins célèbre avocat Robert (Jaffar) Bougi. François Fillon vient d’avoir 63 ans. Depuis 1976, date à laquelle il devient attaché parlementaire de Joël Le Theule, député de la Sarthe à qui il succéda, soit plus de 40 ans, François Fillon vit grâce à l’argent public. Conseiller général, député, ministre, premier ministre, cet homme a gravi tous les échelons de l’appareil politique français. Il fut Premier Ministre de Nicolas Sarkozy cinq longues années durant. Entre les 9 000 euros de madame et le salaire de Monsieur le Premier Ministre, on peut penser à juste titre que la famille Fillon n’était pas spécifiquement dans le besoin. Alors comment un homme qui aspire aux plus hautes fonctions de l’État Français peut se faire offrir ses vêtements par un généreux ami dont on sait que les activités, parfois suspectes, dépendent directement de l’État Français ?

Imagine-t-on le Général se faire offrir ses costumes par un avocat et intermédiaire, le fameux Robert Bougi, qui avoua, en 2011 avoirs illégalement transportés des valises d’argent en provenance de la plupart des pays de la Françafrique, à peu près tous les pays de l’Afrique de l’Ouest et Francophone, pour le compte des présidents Pompidou, Giscard d’Estaing et Chirac et des hommes politiques comme Le Pen ou De Villepin. Quelle dignité peut avoir notre prochain président de la République s’il n’est même pas capable de se payer ses propres costumes ? Et comment peut-on imaginer que ce cadeau (mais qui dit qu’il n’y en a pas eu d’autres (cadeaux) ?) est sans aucune arrière-pensée quand on songe au passé pour le moins sulfureux du généreux donateur… ? À ce niveau de responsabilité ou d’ambition, il est des cadeaux qu’on ne peut accepter, non ? Avec toutes ces casseroles, François Fillon est en train de faire passer Nicolas Sarkozy pour un enfant de chœur…

Au passage, faudra-t-il un jour s’intéresser sérieusement, c’est-à-dire judiciairement parlant, à tous ces réseaux de financements occultes qui transitent par les pays du Golfe Persique, de Moyen-Orient ou de l’Afrique de l’Ouest…, et s’interroger sur le rôle de ces intermédiaires, tel Robert Bougi (Légion d’Honneur remise par Nicolas Sarkozy s’il vous plaît…), Alexandre Djouhri ou Ziad Takieddine… Mais chaque chose en son temps, n’est-ce pas.