Renaud Benoist dirige le cinéma le Colisée à Saint-Galmier. Il est également auteur de nombreux ouvrages fantastiques, contes, romans, enquêtes et réalisateur de courts-métrages. Avec son père, Pierre Benoist, passionné d’histoire et auteur lui aussi, Renaud Benoist co-signe un ouvrage consacré aux sorcières, « Les sorcières, de l’histoire au folklore » aux éditions de l’Arzallier. Rencontre :

Pourquoi cet intérêt pour l’univers si particulier des sorcières ?

Il y a un an, lorsque nous étions invités mon père et moi au 24e Festival International du Film Fantastique de Gérardmer, nous avons réfléchi à l’idée de réaliser un livre ensemble. Et lors d’une discussion, mon père m’a dit que dans ses dernières recherches généalogiques sur notre famille, il avait découvert qu’une de nos ancêtres avait été jugée et condamnée pour sorcellerie en Lorraine. De ce fait, nous avions un sujet passionnant sous la main pour écrire notre futur livre à quatre mains. Étant tous les deux passionnés par les légendes, les mystères et le fantastique en général, nous nous sommes plongés dans les recherches sur l’histoire de celles que l’on appelait les sorcières.

Pouvez-vous nous présenter votre ouvrage ?

C’est un livre composé de trois parties : La première traite de l’histoire de ces femmes qui sont passées de grandes prêtresses, divineresses ou magiciennes, à de monstrueuses sorcières que l’inquisition a essayé de faire disparaître totalement. Nous commençons donc au début de l’Antiquité, pour finir à la Renaissance. La seconde partie est constituée de tout ce qui entoure le folklore des sorcières, le bestiaire diabolique, les costumes, les instruments, l’art populaire (cinéma, littérature, peinture, musique…), et les grands procès en sorcellerie (Salem, Molsheim, Diemeringen, Zuggaramurdi…). La troisième et dernière partie est consacrée au procès de notre ancêtre Walpurga Koeppel qui fut condamnée comme sorcière lors des terribles procès de Diemeringen en Lorraine.

Est-il facile aujourd’hui d’éditer un ouvrage ?

Mon premier livre est sorti en 1998, il s’intitulait « Nouvelles noires » chez une obscure maison d’édition, puis au fil du temps, j’ai commencé à éditer moi-même mes ouvrages avec ma maison d’édition Le Yukulute éditeur. En 2014, la maison d’édition L’Ivre-book m’a contacté pour me proposer de rééditer tous mes livres. J’ai accepté pour une partie (Nouvelles noires, Hourvarie, La solution symbiose, Le Culte d’Arès et Quazar Balder), et j’ai gardé mon livre « En quête du Triangle de la Burle » au Yukulute éditeur. J’aime éditer mes livres, les faire vivre, organiser mes dédicaces, rencontrer mon public. J’ai toujours eu un esprit de liberté, et je n’ai jamais aimé être enfermé dans un carcan bien défini. Mon père a lui aussi édité tous ses romans via une structure qu’il a créé « Les éditions de l’Arzallier », mais il a décidé d’éditer d’autres auteurs également. C’est pour cela que notre ouvrage en commun est sorti naturellement aux éditions de l’Arzallier. Cela demande beaucoup de travail et d’efforts, mais quand on a une passion…

En quoi nos relations aux sorcières est-il révélateur d’une époque ?

Les sorcières sont nées de la peur des hommes et de la religion face à la connaissance de la nature par les femmes. Elles savaient soigner, guérir, ou tuer grâce aux éléments naturels qui nous entourent. Elles avaient la connaissance du pouvoir des pierres, des huiles essentielles, des encens et c’est pour cela que les institutions et les hommes en général en avaient peur. Ils les craignaient car elles avaient la connaissance, et avec la connaissance on ne se plie pas à n’importe quelle divagation pour faire peur au bas peuple. On peut dire que ces femmes ont été à la fois vénérées durant l’Antiquité, torturées et brûlées durant la fin du Moyen-âge et le début de la Renaissance, puis au fil du temps elles sont devenues une sorte de mythe romantique. La figure de la sorcière est vraiment passionnante et c’est pour cela qu’elle a inspiré tant d’artistes.

Vous avez écrit ce livre avec votre père. Est-il simple de travailler en famille ?

Oui, car nous nous connaissons bien et nous savons ce qui attire l’un et l’autre. Nous aimons les mystères (nous allons souvent à Rennes le Château, à Bugarach, au Col de Vence, dans les recoins perdus de la Haute-Loire pour aller y dénicher un nouvel élément sur la Bête du Gévaudan…) et depuis tout petit, il m’a toujours fait découvrir des histoires incroyables comme le mystère du triangle des Bermudes, ce qui m’a fortement marqué pour réaliser mon enquête sur le Triangle de la Burle (En quête du triangle de la Burle, 2013). Nous nous étions donné un an pour écrire ce livre afin de pouvoir le sortir pour les 25 ans du Festival de Gérardmer. Mission accomplie.

Régulièrement, le cinéma se confronte au monde de la sorcellerie. Une inspiration sans fin ?

Il y a du bon et du moins bon dans le cinéma des sorcières. Nous pouvons découvrir de vrais bijoux comme récemment « The witch » de Robert Eggers. En général, le cinéma préfère jouer sur trois angles différents, les films d’horreur (La marque du Diable, les films de la Hammer, The Lord of Salem, Suspiria, Inferno…), les films historiques (Les sorcières de Salem, La chasse aux sorcières…), et le cinéma d’aventure / Comédie (Harry Potter, Ma sorcière bien aimée, Dark shadow…). Et il y a aussi les films d’animation comme de nombreux mangas (Le voyage de Chihiro, Mary et la fleur de la sorcière…), les Disney (Blanche neige, La belle au bois dormant…)…

Les sorcières sont-elles compatibles avec notre monde moderne ou leur image est-elle inévitablement associée au passé ?

Aujourd’hui, l’image de la méchante sorcière vivant au fond des bois et dévorant des enfants lors des nuits de sabbats a disparu de notre société européenne. Mais elle existe encore en Afrique et en Asie. Chez nous, la sorcière est devenue romantique, presque érotique. Elle est souvent représentée comme une belle femme sous les traits d’actrices comme Eva Green, ou Angelina Joli. Ce sont des femmes fortes, puissantes, qui ont la connaissance et ne s’en cachent plus. Notre livre est un livre qui s’inscrit très bien dans l’air du temps, car il rend hommage à toutes ces femmes victimes de la folie des hommes.

Au fond, croyez-vous au pouvoir maléfique de ces sorcières ?

Non, nous ne croyons pas au pouvoir maléfique des sorcières, nous sommes simplement convaincus que de nombreuses femmes (et hommes), ont des connaissances très pointues de la nature et que grâce à cela, elles peuvent réaliser des choses que nous ne comprenons pas toujours. Il n’y a pas de miracle, il n’y a que le savoir, et lorsqu’une personne possède un savoir, elle devient puissante et gênante auprès des institutions et de la religion, surtout si c’est une femme.