Après quelques semaines de travaux, le Méliès Jean Jaurès a rouvert ses portes, plus stylé que jamais. Nous avons saisi L’occasion pour poser quelques questions à son passionnant et passionné directeur. Rencontre :

Le Méliès vient de faire peau neuve. Quelques mots sur ce projet de rénovation ?

13 ans que le Méliès Jean Jaurès a ouvert ses portes, et plus de 3 millions de spectateurs… après ma reprise en 2011 auprès de la famille Cramier, j’ai voulu, parce que financièrement cela est devenu possible, offrir à l’équipe du Méliès et aux spectateurs une « nouvelle peau » à notre épicerie fine en cinéma. Pour cela je me suis entouré de deux amies d’origine stéphanoise Clémence Boyer architecte et Philippine Lemaire designer. Il a tout de suite été pour nous évident de s’appuyer sur la façade Art déco du bâtiment pour proposer une rénovation qui permette un nouveau voyage en cinéma. De la banque d’accueil, aux toilettes en passant par les moquettes (1 200 m2 et 8 motifs différents) et les éléments de décoration (grilles Art Déco, miroirs, banquettes) tout a été créé. L’ensemble des fauteuils ont été changé et la sortie des salles repensée. Enfin, nous en avons profité pour finir la mise aux normes handicapées et changer notre système de sécurité incendie. Le tout pour accueillir de manière sereine et confortable les spectateurs stéphanois. Nous tenons à saluer les différentes entreprises de notre territoire et l’ensemble de leurs équipes pour la qualité et l’implication dans ce chantier de rénovation.

Super idée les fauteuils doubles !

Merci. Ces derniers au-delà du confort, permettent de casser la monotonie de la salle avec le jeu sur les couleurs.

Tu as souhaité valoriser ce patrimoine avec goût mais aussi audace, en plus d’un gros investissement financier. Cela traduit une envie, une passion et aussi une grande confiance en l’avenir ?

Quand on entreprend ce type de travaux, on essaye de donner une « patte », je voulais quelque chose que l’on pourrait définir par l’expression « c’est bath », c’est joli en somme. Il m’importait aussi de casser un peu les codes des salles, en proposant différentes ambiances de l’entrée à la sortie, chaque pièce et chaque salle sont différentes. L’idée de transporter les spectateurs dans un voyage douillet en cinéma. Au lancement des bandes annonces, par les nouveaux jeux de lumière, on a l’impression de flotter, de partir en croisière. J’avais envie d’offrir aux Stéphanois un cinéma avec une signature, un style, un certain confort ou chacun peut rêver tout en étant très accessible. Tout cela a été possible dans une enveloppe de 520 000 euros HT. Nous tenons à remercier le CNC et la Ville de Saint-Étienne, l’un pour son accompagnement et l’autre pour son aide via une subvention exceptionnelle. C’est grâce à tout cela que nous avons pu mener a bien ce projet de rénovation en à peine un mois et demi. Pour nous, ces travaux doivent relancer le Méliès pour les 10 prochaines années.

Comment va le Méliès aujourd’hui ?

Le Méliès est une structure économique indépendante qui depuis ma reprise en 2011 a dû faire face à plusieurs péripéties, mais qui a su, au fil du temps, rassurer ses partenaires financiers malgré le passage au numérique, la reprise de St François, les batailles pour l’accès aux films (cf « le grand bain » ou encore « Star Wars » en Vo) et différents travaux importants. L’équipe est restée la même et apporte la richesse de différentes personnalités aux talents multiples. La direction/programmation assurée par Sylvain Pichon permet la défense des cinémas les plus fragiles et exigeants tout en assurant l’exposition d’un cinéma plus populaire de qualité. Je crois que le public est sensible à la qualité du travail proposée par l’équipe du Méliès. Avec en moyenne 200 000 spectateurs annuels, je pense que nous remplissons notre mission de défense et d’ouverture sur le cinéma. 200 000 spectateurs c’est tout de même autant que le Fil, la Comédie et l’Opéra réunis. Après il faut bien avoir conscience que notre équilibre est très fragile. Au Méliès chaque année c’est seulement 15 % des films qui financent les 85 % autres.

Il me semble que Le Méliès défend avant tout le cinéma indépendant ou d’auteur et plus encore il défend une idée même de ce que peut représenter « Le Cinéma ». Cela dans un contexte national et local difficile où la culture est un enjeu de société. Qu’en penses-tu ?

L’idée du cinéma que nous défendons est multiple, elle est sensible aux différents goûts qui nous habitent. Ce qui nous importe c’est la curiosité, la diversité et l’originalité. Le contexte national est plutôt favorable depuis le début de l’année avec les succès de différents blockbusters (Avengers, le Roi Lion…) mais au niveau d’une salle Art & Essai indépendante le plus gros succès reste la palme d’or Parasite qui réalise des entrées bien moindre. Après en ce qui concerne le contexte local, nous pensons qu’il y a de la place pour tous les publics et que des passerelles peuvent se faire entre les différents cinémas. Ce qui nous semble important ce qu’il n’y ait pas d’attitude prédatrice et une volonté d’asphyxier économiquement les autres. En ce sens, nous saluons le rendu de la CNAC qui nous a écouté sur le besoin de préserver les salles du centre-ville en refusant l’expansion du Family. Il est important pour nous de ne pas déshabiller notre agglomération et d’inviter les spectateurs de la périphérie à découvrir une autre manière de découvrir le cinéma et les différentes actions que nous menons toute l’année avec les associations et les autres structures culturelles stéphanoises.

Deux cinémas, Jean Jaurès et Saint-François. Deux identités une même âme ?

Nous sommes attachés autant à Jean Jaurès qu’au Méliès Saint François, c’est une même équipe qui défend une même idée du cinéma. Si nous avons offert de nouveaux habits à Jean Jaurès, nous espérons bien pouvoir donner dès que possible un confort nouveau à St François. Des premières améliorations arrivent…

Peux-tu nous présenter quelles seront les grandes lignes de la rentrée ?

Nous avons une rentrée riche et dense. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas vu de films aussi forts… Des grands rendez-vous avec le sublime film de Céline Sciamma « Portrait de la jeune fille en feu », l’attendu film d’anticipation de James Gray « Ad Astra », le bouleversant « les Misérables » de Ladj Li, le poétique film d’Elia Suleiman « This must be heaven » Nous pouvons déjà vous annoncer une semaine spéciale d’inauguration avec pleins de surprises du 27 novembre au 2 décembre.

Le Méliès est connu pour la qualité de sa programmation mais aussi des prises de risques en programmes plus rares. Comment arbitrez-vous vos choix alors que chaque semaine de nombreux films sortent ?

Je reviens sur cette idée d’épicerie fine en cinéma. Notre souhait est de défendre un cinéma d’auteurs ambitieux et cela passe par l’exposition et une prise de risque sur des premiers films provenant du monde entier et produit de manière originale et différente. C’est aussi un pacte que nous passons avec les spectateurs avec l’éditorialisation de notre gazette mensuelle, nos coups de cœur, nos une, nos films du mois et l’exposition des films dans les grilles.

Qu’espères-tu pour la suite de l’aventure ?

Notre aventure, c’est une aventure en cinéma, du coup je souhaite un partage avec les spectateurs de la curiosité qui nous anime au quotidien. La défense de notre indépendance et du coup notre existence face à la grande exploitation qui aimerait nous fragiliser. Rassurez-vous si l’équipe du Méliès a des doutes par moments, il y a chez elle une vraie confiance en l’avenir !

Tu as le dernier mot 😉

Pour finir, j’aimerai vous dire que durant l’été, Le Méliès Café que nous co-gérons avec mon frère Grégoire a repris le « Nouai Borfa », notre souhait est de partager avec les Stéphanois dans le bâtiment Méliès une idée de la gourmandise et de la convivialité ou chacun peut trouver sa place. Nous espérons ouvrir ce nouveau lieu début novembre, la façade j’espère sera unifiée d’ici là et les derniers éléments de la rénovation globale du Méliès terminée. En somme soyons gourmands, sensibles et curieux, ensemble !