La peinture de Manu Adam a ceci de particulier qu’elle ne peut laisser le regard indifférent. Sa peinture questionne, interpelle, rassure ou étonne. Elle suscite de l’émotion, évoque l’autre ou l’ailleurs selon le regard. Cette peinture est le fruit de la personnalité singulière et unique de son créateur. Rencontre :

Pour les rares personnes qui ne te connaissent pas encore, comment définis-tu ta peinture ?

C’est toujours une question embarrassante parce que je ne peux pas la définir en tant que tel. Si l’on prend les critères de l’histoire de l’art, et je dis ça en toute humilité bien sûr, je dirais, pour faire bref, que ma peinture est figurative… Mais le processus demeure toujours abstrait. Parce que si je connais le sujet, j’en laisse libre l’accès.

La paternité a-t-elle modifié ton approche artistique ?

Forcément. Ou pas… Cela change le rapport au temps. Parce qu’il s’écoule plus vite et, de fait, devient plus important. Peut-être que je suis plus dans la consistance et l’opiniâtreté qu’avant. La question du futur m’intéresse plus que la fantaisie du présent. J’ai troqué le relationnel des abysses nocturnes en échange d’un bonheur souverain d’atelier !

Pourrais-tu vivre sans peindre ?

La question ne se pose pas, c’est comme si tu me demandais de vivre sans respirer !

Tu déclares puiser ton imagination ou tes influences dans le quotidien, mais encore ?

Avant d’entrer dans l’atelier, je suis imprégné du monde, fatalement. Quand j’en franchis le seuil, cela devient une dimension quantique. Je me mets à travailler avec mon monde. Celui de mon atelier où s’accumulent nombre de matériaux que j’ai ramenés là et qui vont me servir à construire telle ou telle pièce. J’ai longtemps été soumis aux fantômes de l’histoire de l’art, ce passé qui t’enchaîne les mains et qui t’embrouille la tête, aujourd’hui ces fantômes ont naturellement quitté les lieux et c’est moi qui choisis de les visiter lorsque cela est nécessaire. Dans les livres, dans les musées.

Comment ta peinture a-t-elle évolué avec les années ?

Curieusement, je reviens à des pratiques que j’avais mises de côté au siècle dernier. C’est sans doute que le cadre, le format, la dimension de l’objet peinture ne suffisent plus au langage que j’aimerai développer. La peinture n’est plus le centre de mon travail mais l’axe. Et le plaisir est toujours là.

Qu’est-ce qui te pousse chaque jour à peindre encore et encore ?

La nécessité simplement…

Peux-tu nous présenter cette nouvelle exposition ?

En premier lieux, je tiens à remercier Stéphane Caniard pour sa confiance et son invitation à investir ce lieu incroyable qu’est l’espace Flux Libre. L’avantage du lieu, c’est que je vais enfin pouvoir, pour la première fois, sortir de l’atelier les peintures grand format. Il y aura également des installations, de la photo, de la vidéo et un artiste invité, Florian Poulin. Florian a créé une œuvre qui va venir s’intégrer dans une scénographie et une démarche communes. En résumé, cette exposition présentera beaucoup de pièces inédites.

Comment attirer plus de public vers les lieux d’exposition ou les galeries, sachant qu’il y en a de moins en moins… ?

Je me pose la même question…, et je n’ai pas de réponse ! Peut-être que plus de culture, partout et pour tous, de l’aube au crépuscule de la vie… Moins de religieux et plus de vie… Moins de SMS et plus de courriers. Moins de rentabilité et plus d’argent… Moins de peur et plus de passion…

Tu n’es pas Stéphanois d’origine mais tu l’es devenu depuis des années. Qu’est-ce qui te retient dans cette ville ?

J’aime cette ville. Aujourd’hui je suis plus Stéphanois que Bourguignon. J’aime les gens qui y vivent et qui font St Étienne. Et puis, il y a l’Asse, forcément !

Ta peinture ne procure-t-elle pas plus d’émotion que de message ?

Le message, c’est l’émotion. Les histoires que je me raconte dans mon atelier restent dans mon atelier. Après, c’est le regard des gens qui fera sens. Cela vaut pour la peinture autant que pour les autres médiums. Je suis artiste plasticien et non prêcheur ! Il y a beaucoup de livres dans mon atelier, toutes sortes de livres. Avec des thématiques différentes. De la poésie, de la science, de l’histoire, de l’alchimie, de l’art, de la philo… Une nourriture gargantuesque, de quoi opérer jusqu’à la fin de mes jours…

Contrairement aux comédiens, musiciens ou metteurs en scène, par exemple, les plasticiens n’ont pas droit au statut d’intermittent. Une injustice ?

Tu as oublié les «Techos» ! Une injustice, je ne me suis jamais posé la question. Je pense que c’est un statut nécessaire pour ces créateurs-là et qu’il faut le défendre. Par contre nous autres plasticiens, devrions peut-être réfléchir à un statut similaire. Aujourd’hui eux sont une nécessité. Nous, plasticiens, sommes un luxe.

Un artiste indépendant peut-il encore vivre de son art ?

Bien sûr, s’il a le carnet d’adresses qui va avec !!! Le problème c’est que moi je perds tout… !

Que devrait faire l’institution pour dynamiser le paysage artistique local ?

Regarder ailleurs !

Quel regard portes-tu sur ton parcours artistique ?

Si tu veux parler de production, cela ressemble plutôt à une courbe du CAC 40. Si tu veux parler de forme, c’est une surprise.

J’ai coulé mon navire pour me reconstruire une barque. L’expérience m’a donné des convictions d’architecte naval… Et puis j’ai appris à nager !

Des regrets ?

De n’avoir jamais appris à naviguer…

Manu adam

«zéro est arrivé»

Du 19 au 29 mai 2017

Flux Libre

Allée des Mûriers

Saint-Just-Saint-Rambert

Vernissage le 19 mai à 18 h

Ouvert tous les jours de 14 h à 18 h

Tel : 06 78 42 18 57 – 06 676 676 56