Située au Puy-en-Velay, la maison d’édition « Hauteur d’homme », créée par le photographe Luc Olivier, a misé sur une forme de régionalisme intelligent et créatif. Rencontre avec un homme passionné et passionnant :

Tu as une formation de photographe, pourquoi t’es-tu lancé dans l’édition ?
Avant de m’engager dans un apprentissage photo à Saint-Étienne, j’avais fait deux ans d’apprentissage dans une imprimerie stéphanoise. L’édition était une voie qui m’intéressait pour faire autre chose, diversifier mes activités et aller vers des réalisations collectives avec des auteurs.

La photo est envahissante aujourd’hui, paradoxalement, de moins en moins de photographes parviennent à vivre de leur travail… Comment l’expliques-tu ?
Tout le monde est photographe, la photo se donne, s’échange, se « pioche » sur internet. L’image est partout, effectivement envahissante, au point qu’en tant que professionnel de l’image, on peut se demander s’il n’est pas nocif d’en rajouter et s’il ne vaut mieux pas faire autre chose. Et bien sûr qu’il vaut mieux faire autre chose de plus utile, par exemple : médecin, prof, jardinier, cuistot, chauffeur de bus, avocat…

Avec le recul, que t’ont apporté le numérique et toutes les dernières innovations technologiques ?
Pas mal d’inconvénients. Notamment celui de passer beaucoup de temps devant l’ordinateur plus que derrière l’appareil photo… Quelques avantages aussi en termes de qualité d’image, de développement, de retouche, de classement des images, de leur transmission…

Quel est le credo de « Hauteur d’homme » ?
Privilégier la proximité et le quotidien. La culture c’est ici, maintenant, dans les lieux qui lui sont destinés, mais aussi avec les gens qui nous entourent, au bistrot, sur le marché, à table, dans les jardins…

« Hauteur d’homme » a été créée en 2002. 12 ans après, quels bilans tires-tu ?
Les satisfactions viennent des rencontres avec les auteurs, les libraires, de la fréquentation des salons du livre. Du plaisir d’aller au « calage » à l’imprimerie, de recevoir un bouquin réussi. De connaître aussi des moments privilégiés tels que ceux que j’ai vécus dans les jardins ouvriers lors de la préparation du livre « Mémoires d’un gandot ». S’il était question de faire fortune, je dirai que j’ai échoué. Lamentablement.

Avec internet et la mondialisation, une maison d’édition régionale est-elle viable ?
Pas mal disparaissent. Si je n’avais pas mon boulot de photographe à côté pour faire bouillir la marmite, ce serait compliqué.

« Hauteur d’homme » s’intéresse à la gastronomie, au terroir, à la terre, à la faune… Et les gens ?
Ils sont partout dans les bouquins. Dans le livre « Bêtes », l’auteur des textes Pierre Présumey ne parle que d’histoires de chasseurs, de pêcheurs ou d’écrivains qui ont écrit sur la faune sauvage. Quant à la cuisine, c’est bien sûr avant tout une question d’hommes et de femmes. Dans « Mémoires d’un gandot », 36 portraits de jardiniers et jardinières accompagnent les recettes.

Ta maison d’édition a reçu plusieurs récompenses. Une reconnaissance ?
La reconnaissance, c’est bien sûr avant tout celle du lecteur qui choisit le livre. Mais, oui, c’est agréable d’entendre dire, comme cela a été le cas avec « Toques d’Auvergne » en 2007, que c’est le meilleur livre de cuisine de l’année dans sa catégorie.

Quelle est l’actualité de « Hauteur d’homme » ?
Un livre avec deux auteurs, Pierre Présumey et Jean-Pierre Petit, l’un est écrivain, l’autre peintre. Ils ont tous les deux travaillé sur les mêmes thèmes, horizon, chemin, nuages, broussailles, arbres… Leur travail apporte une essentielle contribution, édifiante et poétique, à la vaste réflexion universelle sur le paysage. Un livre de cuisine sur la « Trifola », c’est ainsi qu’on appelle la pomme de terre en Haute-Loire. Mon ami Jean-Pierre Vidal est l’auteur de 40 recettes bistrot. Et puis « Mémoires d’un gandot », réalisé dans les jardins ouvriers de Saint-Étienne où nous avons produit, Vincent Jolfre et moi, des portraits en noir et blanc. Ils sont présentés avec des recettes locales que nous ont confiées les jardiniers ou d’autres personnes de la région. Bernard Lavilliers nous a gentiment fait la préface, le projet lui a plu, et Corinne Pradier a écrit en première partie de l’ouvrage un très beau texte sur la culture et le savoir-vivre stéphanois.

Quels seraient tes rêves en tant qu’éditeur et photographe ?
La photo ne me fait plus beaucoup rêver, mais j’ai toujours du plaisir à travailler, notamment avec les cuisiniers, donc tout va bien. En tant qu’éditeur, j’aimerais bien que certains des auteurs avec qui je travaille bénéficient de la reconnaissance qu’ils méritent. Pierre Présumey par exemple, qui est l’un des tout meilleurs auteurs des hauteurs.

Dédicace de « Mémoires d’un gandot » le samedi 27 septembre à partir de 10h et jusqu’à 18h à la Librairie de Paris