Le festival des Poly’sons fête son 15e anniversaire. Rencontre avec Henri Dalem qui a repris la direction du Théâtre des Pénitents, théâtre qui organise la saison culturelle de Montbrison, et donc le festival des Poly’sons, il y a un an tout juste :

Comment se déroule la première partie de la saison du Théâtre des Pénitents ?

Très bien. Le public a répondu présent et semble adhérer pleinement aux spectacles. La fréquentation pour le jeune public est même en forte hausse, on note la présence d’un bon nombre de nouveaux spectateurs dont beaucoup viennent en famille.

N’était-ce pas délicat de reprendre le flambeau derrière Dominique Camard ?

Dominique m’a transmis le flambeau, j’insiste sur ce terme, car c’est quelqu’un de généreux. J’ai la chance d’être arrivé à la direction d’un théâtre en pleine santé. Le projet méticuleusement construit pendant 20 ans par mon prédécesseur et fondateur du théâtre est solide. Évidemment, j’ai lancé plein de nouvelles idées, de nouveaux projets. Mon arrivée coïncide avec un tournant dans l’aventure du Théâtre des Pénitents, car l’identité d’un lieu de création et de culture ne doit jamais se figer. Et tout ceci est possible grâce à l’héritage de Dominique Camard, à la conviction des élus et au soutien du Département et de la Région.

Pouvez-vous nous retracer l’historique du Festival Poly’sons ?

Poly’Sons a 15 ans cette année, et on peut dire que toute la chanson française est passée ici ! Depuis les débuts, le photographe montbrisonnais Dominique Marchiset fait un portrait de chaque artiste avant leur concert : nous avons donc aux Pénitents des archives uniques ! Nous venons d’ailleurs de créer un accrochage de ce patrimoine dans l’escalier du théâtre. On ne compte plus les grands noms qui ont débuté ici, car c’est un festival très attentif à l’émergence. Montbrison s’est réellement forgé une place dans ce milieu : le public est exigeant, et les artistes lui en sont reconnaissants.

Il s’agit du 15e anniversaire du festival. Serait-ce l’occasion d’un tournant ?

Un tournant, non, même si nous allons avoir beaucoup de nouveautés : une attention particulière à la francophonie, ce vaste territoire de la chanson française (avec Mehdi Cayenne et les influences afro-antillaises de Bonbon Vodou), une slam session (avec le groupe Totem, qui anime également un atelier en amont), un spectacle gratuit sur le marché (le 13 janvier), un artiste-compagnon (David Sire) dont nous programmons 3 spectacles, une scène ouverte à Chalmazel… Nous ouvrons plein de nouvelles pistes ! La chanson française est un univers très vaste, et nous ne ciblons pas de domaine en particulier. Seule exigence : la qualité scénique du concert. Car un concert n’est pas un CD. Au Poly’Sons, on rencontre des artistes en chair et en os qui savent tout donner sur scène, mettre une salle debout.

Pouvez-vous nous donner quelques chiffres (spectateurs, artistes, budgets…) ?

Poly’Sons, ce sont 22 concerts, 7 lieux, plus de 30 groupes, plus de 40 artistes ! C’est à peu près la moitié du budget artistique du Théâtre des Pénitents. C’est une période où l’équipe administrative et technique des Pénitents ne dort pas beaucoup. C’est environ 4 000 spectateurs attendus. Et cette année pour la première fois, ce sera une petite équipe de bénévoles qui viendra partager sa passion avec le public.

Quels sont les principaux financiers du festival ?

Poly’Sons n’a pas d’autonomie : c’est un temps de programmation du Théâtre des Pénitents. La Ville de Montbrison en est donc le principal porteur, épaulée par la Région Auvergne Rhône-Alpes et le Département de la Loire. Nous percevons également des subventions de la SACEM et de la SPEDIDAM pour Poly’Sons. Et nous remercions nos nombreux partenaires privés, notamment le Crédit Agricole et Brunel Synergie. Nous organisons également un concert gratuit sur le marché de Montbrison le 13 janvier grâce à un partenariat avec « Montbrison mes boutik’ », l’association des commerçants de la ville.

Quels en seront d’après vous les temps forts ?

L’ouverture avec CharlElie Couture sera évidemment un grand moment ! Mais Poly’Sons, c’est aussi et surtout l’occasion de découvrir des artistes moins connus : ceux dont la démarche ne les porte pas vers une surmédiatisation (comme David Sire, ce troubadour des temps modernes), ou ceux qui seront les stars de demain (il faut assister au tremplin). Karpatt va mettre le feu. Nous accueillons Michèle Bernard, Kent… Toutes les familles de la chanson sont représentées, sans sectarisme.

Le festival se déroule sur pratiquement un mois. Pourquoi ?

Plus d’un mois, puisque nous terminons durant la première semaine des vacances scolaires. Certains festivals choisissent de beaucoup programmer sur un temps très court. À Montbrison, nous privilégions une relation de qualité et de proximité entre le public et les artistes, dans l’intimité de la salle relativement petite des Pénitents, avec les rencontres qui se déroulent ensuite au foyer. Certains spectateurs peuvent ainsi tout découvrir !

Depuis quelque temps, le festival joue la carte de la délocalisation. Une nécessité ?

Pas une nécessité : une conviction ! Chalmazel, Marcoux, Saint-Étienne, Villeurbanne… La marque Poly’Sons est un label de grande qualité que nous voulons faire partager. Et nous allons aller encore plus loin : au printemps, nous organiserons « La Ballade des Poly’Sons », une tournée dans les communes rurales du Forez. La chanson s’adresse à tous : à nous de la faire partager.

Les grosses affiches sont-elles indispensables ?

Oui, mais avec modération. Même si les prix s’envolent et que ceux des places aux Pénitents restent raisonnables, un festival a besoin de locomotives. Ce sont eux qui nous coûtent le plus cher, mais ce sont aussi eux qui nous permettent paradoxalement de programmer l’émergence.

Un mot sur le tremplin ?

Une institution ! Cette année, plus de 30 artistes ou groupes ont déposé leur candidature. Le président du jury David Sire et sa vice-présidente Évelyne Gallet vont maintenant en sélectionner 4 qui se produiront le 3 février aux Pénitents. Il y a 4 prix, donc tout le monde repartira gagnant ! Le but de ce tremplin est d’attirer l’attention du public et surtout des programmateurs sur de jeunes artistes en devenir. Une nouveauté : nous organisons également une scène ouverte à la station de Chalmazel le 14 février, les pieds dans la neige. Les candidatures sont ouvertes !

Le festival est traditionnellement riche en découvertes. Quelles seront les découvertes de cette nouvelle édition ?

Je pense que le québécois Mehdi Cayenne, qui n’a encore que très peu été entendu en France, va marquer les esprits. Signalons aussi le groupe Pelouse, qui vient de sortir son premier album. Venez découvrir Govrache, un chanteur très engagé. Venez découvrir également Léopoldine HH et sa chanson poético-électrique !

Comment vous situez-vous par rapport aux autres festivals ligériens comme Les Oreilles en Pointe ou Paroles et Musiques ?

Nous avons de fortes convergences de programmation avec Tibert, qui programme Les Oreilles en Pointe. Nous allons d’ailleurs essayer de travailler ensemble à partir de l’année prochaine. Paroles et Musiques nous ressemble moins, à la fois par son mode d’organisation, sa programmation et son implantation géographique.

Le festival fait partie prenante de la saison culturelle des Pénitents. Est-ce un avantage ?

La chanson française, c’est l’ADN des Pénitents ! La programmation de Poly’Sons n’est pas déconnectée du reste de la saison : il y a des liens, des chemins, des passerelles. Je refuse catégoriquement l’idée qu’il y aurait un public pour la chanson qui n’irait jamais voir du théâtre, tandis que le public du jazz détesterait la chanson. Notre devise pour la saison est « Nous sommes curieux… » : Poly’Sons s’inscrit dans cette démarche.

Est-ce possible de rivaliser avec les grands festivals français (Francopholies, Bourges…) ?

Non, et telle n’est pas notre ambition. Il y a un écosystème des festivals. Quelques très gros avec une visibilité forte, mais aussi de grandes fragilités. Et des festivals de taille moyenne comme Poly’Sons qui font un travail de fond dans le repérage et l’accompagnement.

Quels sont vos objectifs pour cette 15e édition ?

Pendant 6 semaines, Montbrison devient une ville-chanson ! Plusieurs milliers de places sont en vente. Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses (nous mettons en place un tarif social très attractif). Mon souhait le plus cher et celui des élus de la ville pour qui Poly’Sons est un pilier de l’identité de la cité, c’est que ces 6 semaines soient l’occasion de beaucoup d’émotion et de nombreuses rencontres. Un théâtre au cœur de la cité, c’est fait pour ça, non ?